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Conférences 1999 |
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Soirée
avec Mgr Dubost
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Mgr
Dubost
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Présentation
par une jeune
Vous faites partager vos idées, vos convictions sur la religion, votre foi dans des medias à la fois chrétiens comme Radio Notre Dame et à tout public comme RTL.. Vous avez été secrétaire de l'Office Français du cinéma. Cette attention particulière à la communication, vous l'avez aussi montrée dans les nombreuses relations que vous entretenez avec les jeunes puisque vous avez été le responsable de l'organisation de grands rassemblements comme le FRAT ou les JMJ et enfin que vous avez été longtemps aumônier de lycée et surtout directeur des aumôneries de l'Enseignement Public. Aujourd'hui, vous êtes évêque du diocèse aux armées (Nouvel évêque du diocèse de l'Essone ndlr/le 20 Aout 00). Est-ce que vous pourriez nous expliquer un peu plus précisément en quoi cela consiste ? Intervention de Mgr DubostBonsoir ! Ce n'était pas tout à fait prévu que j'explique le diocèse aux armées. Ils m'ont dit qu'il fallait que je parle un quart d'heure. Si en plus, il faut que je présente le diocèse aux armées, cela va réduire mon intervention. Vous savez, un évêque, c'est un signe de l'amour de Dieu et le Pape qui est fils de militaire, a voulu que cet amour de Dieu s'exprime pour les militaires français, là où ils sont. C'est pour cela que le diocèse aux armées, c'est non pas un territoire, mais des gens qui essaient de faire Eglise ensemble. J'étais au Kosovo pour Noël, on a fait Eglise au Kosovo. Un peu avant j'étais au Timor, on a fait Eglise au Timor...etc Alors je prends le papier que vous m'avez envoyé. Nous avons décidé que je parlais à peu près un quart d'heure et qu'après on échangeait. Voici le thème proposé : - Nous voulons accueillir demain, - L'avenir nous lance un défi. - Ouvrons nos coeurs, - Ouvrons nos mains ! Après on m'a dit "bien sûr, nous sommes ouverts à d'autres propositions. Je n'en ai pas fait. C'est la première fois que je reçois comme thème quand on me demande de parler, une chanson. Je trouve que c'est quelque chose d'important. Pourquoi ? Parce que entre votre âge et le mien, ou plutôt entre mon âge et le vôtre, cette chanson signifie un grand changement. Vous êtes une génération marquée par la musique. Moi, quand j'étais gamin, il n'y avait qu'un seul poste radio à la maison et il était chez les parents et il n'y avait aucune musique. Cela fait que vous connaissez beaucoup de choses de vous-mêmes , même si vous n'avez pas les mots pour le dire, parce que la musique vous fait découvrir des paysages intérieurs et vous entraîne vers un "ailleurs". Nous, nous avons fait la même découverte mais beaucoup plus lentement et souvent à travers des lectures. Cela fait que très souvent, on a du mal à exprimer des choses parce que vos grands-parents, ils ont du mal à écouter votre musique et à sentir ce que vous sentez. Eh bien, je suis dans cet état-là. De ce point de vue-là et même dans beaucoup d'autres, je suis un vieux. Mais ce que vous dites là, à travers ce quatrain, même si je suis différent de vous, m'incite à vous dire ce qui me semble nécessaire pour vivre aujourd'hui et pour avoir les mains ouvertes et le coeur ouvert pour demain. A une petite parenthèse près : je suis toujours énervé, toujours, quand on dit que vous êtes les gens de demain. Pourquoi ? Parce que très souvent, quand on dit cela, c'est pour vous dire "ne vous occupez pas d'aujourd'hui ! Vous vivrez demain, vous serez grands demain, vous aurez des responsabilités demain, vous êtes la France de demain, vous êtes l'Eglise de demain !" Moi, j'ai envie de vous dire "vous êtes la France d'aujourd'hui, vous êtes l'Eglise d'aujourd'hui". Vous n'avez pas les mêmes responsabilités que les adultes, vous n'avez pas les mêmes caractéristiques que les adultes, ni la même culture. Mais vous êtes d'aujourd'hui et pas simplement de demain. Et puis après tout, si je dis que vous, vous êtes de demain, cela veut dire que moi, demain je n'existerai plus. Alors j'ai pas mal d'avance sur vous, je mourrai avant vous, c'est normal (enfin je l'espère, mais j'espère que je suis là encore pour demain aussi un peu). J'espère qu'il faudra qu'on vive ensemble et non pas qu'on dise : c'est chacun à tour de rôle. Certes, il y aura une période à tour de rôle, mais on va avoir un gros temps de vie ensemble. Quand je me suis dit "comment répondre à leurs questions, je me suis rappelé que pour moi, l'essentiel d'un homme ou d'une femme, c'est de se souvenir de ce qu'il est et vous êtes à mon humble avis, ce que vous êtes, c'est-à-dire créés à l'image de Dieu. Peut-être n'avez-vous pas pris toute conscience de ce que cela veut dire pour être face à l'avenir, prêts aujourd'hui à faire quelque chose. Etre à l'image de Dieu, vous avez entendu cela cent fois. Si vous êtes chrétiens, vous avez entendu, vous avez travaillé la Genèse, est-ce que vous avez réalisé que cela veut dire qu'il faut que vous soyez à l'image de Dieu le Père, l'image du Fils et remplis de l'Esprit ? L'image du Père. Quand on fait un peu de théologie, on s'aperçoit que le Père, il n'est créé par personne. Il se fait lui-même. Et non seulement il n'est créé par personne mais il est créateur d'autres. Et vous devez être à l'image du Père pour être heureux et vous ne pouvez l'être que si vous arrivez à vous créer vous-mêmes, à ne dépendre de personne, ni de vos parents, ni de vos enfants, ni de vos professeurs, ni de la patrie, ni de ce que vous voulez. Vous avez le devoir de vous créer vous-mêmes. Et vous avez le devoir de créer d'autres personnes, de les susciter, de les faire naître, de leur donner des responsabilités. C'est un métier extraordinaire d'être à l'image de Dieu le Père. Vous ne pouvez pas penser être chrétiens si vous êtes des carpettes, si vous êtes des larves. Vous êtes appelés à ressembler à Dieu le Père et à ne dépendre de personne. Le critère essentiel que St Paul a relevé dans toutes les épîtres de ce qui est la morale chrétienne, c'est la liberté. A la limite, ce que le Christ annonce, c'est qu'il est possible d'être libre, qu'on peut être libre et qu'on peut dominer ses passions. On pourrait détailler les choses, on pourrait essayer de voir comment devenir soi-même. Je vous l'accorde, ce n'est pas facile. Il me semble qu'il y a au moins une ou deux choses qui sont essentielles. La première, c'est qu'il faut savoir ce qu'on a dans son sac. Ce que vous avez dans votre sac à chacun d'entre vous comme ce que j'ai dans mon sac, c'est ce que vous avez reçu de vos parents pour le meilleur et quelquefois pour le pire. Certains d'entre vous probablement ont vécu déjà des choses difficiles dans leur famille et pour être soi-même, il faut savoir ce qu'on a dans son sac, en faire l'inventaire. Vous avez des richesses extraordinaires que vous ne connaissez pas encore. Vous avez eu la chance d'avoir de la musique, vous avez la chance d'avoir des copains, vous avez eu la chance d'avoir une histoire. Certains sont nés ici, certains sont nés ailleurs, certains ont une culture qui est faite d'autres cultures que la culture française.
Qu'est-ce que vous avez dans votre sac ? Quelles sont vos richesses ? Cela, c'est très important. Je suis frappé de voir des gens qui ont des hontes et qui n'arrivent pas quelquefois même inconsciemment à oser faire face à tout ce qu'ils ont dans leur sac. Je connais des gens de votre âge qui sont fils de parents divorcés ou qui se déchirent entre eux et qui n'osent pas l'assumer, ou le dire, qui en ont honte comme s'ils en étaient responsables. J'en connais qui n'assument pas leur culture différente parce qu'ils viennent d'ailleurs et qu'ils ont peur qu'on se moque. Vous en connaissez comme moi. Regardez dans votre sac. Il n'y a pas simplement qu'une histoire, mais vous ne pouvez pas être vous-même si vous n'assumez pas ce que vous êtes. Vous devez être fiers de vos parents et si vous ne voyez pas de raison pour laquelle vous pouvez en être fiers, trouvez, recherchez. Vous ne serez pas vous-mêmes, vous ne pourrez pas être libres si vous n'êtes pas contents de ce qui a fait ce que vous êtes. Je sais bien que ce n'est pas forcément facile. La deuxième chose, me semble-t-il, c'est que non seulement il faut regarder ce que l'on a dans son histoire, mais il faut aussi essayer de trouver ses talents. La grande difficulté de votre âge, ce n'est pas le manque de talents, c'est que vous ne pourrez pas tous les développer comme un arbre ne peut pas grandir très souvent, si on lui laisse toutes ses branches. Mais au moins, vous devez les connaître. Très souvent on se fait des petits cinémas intérieurs et puis on se voit déjà en haut de l'affiche, on se raconte des choses. Je ne vous demande pas de rêver vos talents, je vous demande de les découvrir et de les agir. Ce n'est pas tout à fait la même chose que de se faire du cinéma. Et si vous vous faites du cinéma, c'est que vous n'avez pas encore découvert vos talents. Dans les talents, il y a votre corps, il y a votre coeur, il y a vos capacités manuelles, intellectuelles, artistiques. Prenez conscience de vos talents. Vous ne pourrez pas être vous-mêmes si vous êtes constamment en train de vous dire "mais, quel pauvre type je suis, comme je suis laide !" Mais vous êtes bien plus beaux que vous ne le pensez. Donc il faut ressembler à Dieu le Père, être créateur de soi-même Deuxièmement, il faut ressembler à Dieu le Fils. Et c'est aussi difficile parce que ce n'est pas plus cohérent de dire qu'il faut ressembler à Dieu qui est Père, Fils et Esprit Saint et être un que de dire ce que je vais dire maintenant après avoir dit ce que j'ai dit sur le Père. Je vous demande d'être fils, c'est-à-dire vous qui êtes capables de vous créer vous-mêmes, d'être totalement obéissants jusqu'à la mort. Obéir sans être quelqu'un, c'est être une larve. Obéir si on n'est pas créé soi-même, si on n'a pas voulu se constituer soi-même, cela n'est pas chrétien. Etre chrétien, c'est être Fils de Dieu, pour le Christ Dieu lui-même et se faire obéissant. Dans le mot obéir en grec, c'est le même mot que écouter. Peut-être que le mot obéir ne vous plaît pas beaucoup, mais je suis sûr que la plupart d'entre vous, quand vous écoutez vraiment quelqu'un qui arrive à communiquer avec vous, et surtout si vous le sentez malheureux, vous voilà prêts à fondre pour lui ou à faire quelque chose. Evêque aux armées, j'ai vu beaucoup de militaires, j'ai vu des super-mecs, tout ce qu'on veut. Je n'en ai pas vu un seul qui devant un enfant malade, un enfant blessé, ne savait pas écouter, ne savait pas tout d'un coup trouver quelque chose d'extraordinaire qu'il fallait faire. Etre chrétien, c'est exister, ce n'est pas être une carpette et c'est savoir écouter même si cela vous conduit à la mort. Tout à l'heure, je vous ai dit qu'il fallait être soi-même sans dépendre de vos parents, sans dépendre des professeurs, sans dépendre des copains, et maintenant je vous dis : il faut écouter en dépendant de vos parents, de vos profs, de vos copains, des gens que vous rencontrez dans la rue, de votre prochain, c'est-à-dire de celui qui a besoin de vous. Je crois que le bonheur se trouve dans quatre types de relations. Vous réussirez à faire tout ce que vous dites dans la chanson si vous réussissez ces quatre types de relation. Cela a l'air compliqué comme cela, vous le faites pratiquement naturellement. La relation avec vous-mêmes. On vous a dit : ne t'écoute pas, tu devrais te lever, tu n'as pas si mal que cela et moi je vous dis : il faut vous écouter. Il faut que vous soyez en bonne relation avec vous, il ne faut pas que vous vous méprisiez. Ecoutez-vous et peut-être que vous vous rendrez des services. La relation avec une personne privilégiée. La plupart d'entre nous, nous sommes faits pour découvrir l'amour. Vous n'y êtes pas encore pour la plupart d'entre vous. La plupart des gens commencent à parler d'amour alors qu'ils ne savent pas ce que c'est. C'est parce que c'est comme ça et que tout le monde en parle. Ils ne savent pas ce que c'est sauf quand ils en manquent. Ils savent ce qui manque. Mais ceux qui ont de l'amour familial ou autre, ils ne savent pas ce que c'est pas plus que les poissons rouges ne savent ce que c'est que de l'eau. Ils vivent dedans. Et puis, on voit le corps qui change et un jour on devient amoureux d'être amoureux et un autre jour, un peu pus tard, on est content d'être avec une fille quand on est un garçon et réciproquement. Cela fait qu'on grandit. Et puis après on est amoureux, on fait un peu attention à l'autre. Et puis après on aime et le mariage, c'est quand on a découvert que ce qu'il y a entre nous deux, c'est une manière de voir le monde et de regarder le monde avec amour comme Dieu le fait. Pour le moment vous n'en êtes pas là, mais vous êtes dans cette dynamique et c'est très important parce que cela pose la question de la sexualité qui forcément est une question qui se pose à votre âge. C'est normal. Ne soyez pas matérialistes ! Les gens qui sont matérialistes pensent qu'il faut utiliser, qu'on peut maîtriser comme une mécanique. La sexualité pour des chrétiens, ce n'est pas simplement ce qui caractérise ce que nous sommes, homme ou femme. Le mot même veut dire couper, manque. C'est ce qui nous donne soif de l'autre. Ayez soif de l'autre. Vous n'aurez jamais une sexualité épanouie si vous n'avez pas soif de l'autre, si vous n'avez pas soif de rencontrer en vérité l'autre. Rencontre avec soi-même, avec l'autre, avec les autres., avec la société. Je ne voudrais pas insister parce que là, je suis sûr que vous commencez à être sensibles. J'espère que l'amitié, les copains vous ont déjà fait découvrir un peu les autres, la classe, le groupe sportif. Je voudrais simplement dire trois choses : pensez que vous avez déjà la responsabilité de ceux qui nous suivront. Cela veut dire qu'il faut protéger l'environnement, la terre, la paix. J'ai vu en Algérie, il y a longtemps des gamins de 14 ans qui sont partis faire la guerre et je me suis dit "jamais plus je ne veux voir cela". Vous avez un âge où dans quelques années, s'il y a la guerre, c'est vous qui partirez. Quelquefois, il faut s'opposer. On ne peut pas laisser faire Auchwitz, mais cela vous regarde. La situation de la terre vous regarde et vous ne devez pas fermer la radio à chaque fois qu'on en parle. Sans cela, vous ne serez pas heureux. Vous serez des gens qui laissent mourir les autres sans problème. Je vous ai dit "prenez le sens de votre responsabilité". Il me semble que dans la société, prendre sens de la responsabilité, c'est s'occuper des autres. L'un, ce sera en faisant du piano et en aidant les plus jeunes, les autres en faisant du foot et en étant dans un club capable d'animer. Le troisième ce sera d'être un boute-en-train. Chacun a sa manière. Trouvez la manière dont vous pouvez aider les autres. Je crois que c'est très important. Vous ne serez pas heureux seuls.
Vous ne serez vous-mêmes que quand vous aurez pris des responsabilités. Aider les autres, cela nous permet de nous découvrir nous-mêmes. Vous avez une grosse difficulté par rapport aux gens de mon âge. Moi, à 18 ans la personne avec qui je devais partir étant tombée malade, je suis parti avec trente jeunes, en camp. Aujourd'hui, cela serait pas possible parce que nous sommes devenus beaucoup plus sécuritaires. Vous avez plus de mal à prendre des responsabilités que nous en avons eu. Et pourtant, vous ne serez vous-mêmes que si vous prenez des responsabilités vis-à-vis des autres. Il faut le faire progressivement. Mais vous avez un devoir là, très important. Enfin dernière responsabilité : c'est vis-à-vis de Dieu.. Ne croyez pas que vous puissiez être heureux quoi que vous fassiez dans la société si vous n'avez pas une ouverture au spirituel, une ouverture à la vérité, une ouverture à ce qui dépasse l'homme, une ouverture à Dieu. Pour moi, ce que je crois avoir découvert de la vie, je crois que je l'ai découvert grâce au Christ. J'entends des tas de gens qui me disent "Dieu, c'est toujours le même, moi, j'ai ma petite religion à moi". Vous avez tout à fait le droit d'avoir votre religion à vous, mais être chrétien, c'est être du Christ. Et on ne peut pas être du Christ si on ne le connaît pas et si on ne prend pas le temps de le connaître. Vous passez combien de temps pour faire un peu d'informatique ? Il faut connaître le Christ au moins aussi bien qu'on connaît son ordinateur. Je vous ai dit "à l'image du Père - à l'image du Fils. Et je voudrais vous dire maintenant. Ce n'est que dans cette manière-là qu'on réussit le paradoxe chrétien grâce à l'Esprit Saint. Je ne sais pas comment vous êtes, mais la difficulté de tout rapport humain, c'est que très vite, on se situe soit en dessus, soit en-dessous de l'autre. Dès que vous rencontrez quelqu'un le premier instinct, c'est de dire "tiens, celui-là il n'est pas mal et puis de se rabaisser un peu et puis de le laisser être le premier, ou au contraire de dire "oh, c'est une nouille et je me sens supérieur." Il a le pouvoir, je me sens inférieur. Il n'a pas le pouvoir et j'ai du pouvoir sur lui je me sens supérieur à lui. Cette dialectique qu'on appelle celle du dominé et du dominant est antichrétienne. L'Esprit-Saint fait de nous des égaux, des amis. Pas égaux dans la responsabilité, égaux dans la hiérarchie, il en faut des hiérarchies, mais l'Esprit Saint fait de nous des amis. Et même le Christ nous dit, lui qui est Dieu "je ne vous appelle plus serviteurs, je vous appelle des amis !" Il n'y a pas de bonheur si on n'a pas découvert très profondément l'amitié avec toutes les personnes quelles qu'elles soient, qu'elles soient vos supérieurs, vos inférieurs, qu'elles soient blanches, jaunes, ou n'importe quoi, l'Esprit-Saint nous rend capables d'être amis de tous, ni dominateur, ni dominé. Pour terminer, je voudrais vous inviter de manière encore plus forte à oser parler. Je suis tout à fait frappé de voir quand je parcours les armées par le fait que si je demande "est-ce qu'il y a des croyants parmi vous ?" il y en a un qui lève la main et qui dit "je suis musulman !" et les autres regardent leurs rangers avec un regard très langoureux. Après j'apprends qu'ils ont été dans une aumônerie, qu'ils ont été scouts, qu'ils ont été je ne sais quoi. Il n'y a pas de démocratie si on n'ose pas dire ce qu'on est. Je ne crois pas qu'on puisse être heureux si on n'ose pas dire ce qu'on est. Je ne pense pas qu'on puisse être vraiment amoureux sans dire ce qu'on est. Et j'ai envie de vous dire pour clore "parlez !" Débats :Benoît - Quand on est jeune on nous dit souvent de parler à Dieu quand on a des problèmes. Mais moi, je ne pense jamais à lui parler et en quoi il nous aide ? Mgr Dubost - Alors Benoît, tu me dis au fond "quand ça va mal, on me dit de parler à Dieu, je ne le fais pas et je ne vois pas à quoi cela servirait." Est-ce que quelqu'un peut lui répondre ? Silence Mgr Dubost - Sur la prière, j'ai bien aimé ce que tu disais et en même temps, je suis un petit peu à distance. De fait, on est davantage capables de râler et de dire j'ai mal que de dire "ça va". On sait tous râler, on n'a pas besoin de leçons particulières pour cela et on sait tous dire "j'ai mal". Il me semble que la prière c'est une familiarité avec quelqu'un qui nous sauve. Dans le fait qu'on ne prie pas, il peut y avoir de la peur, de la honte, ou l'impression qu'on manque de confiance en soi et aussi une mauvaise image de Dieu. Prier, c'est avoir confiance que Dieu nous aime et qu'on peut être naturel devant lui. On peut dire "Seigneur, ça va !", Seigneur, ça ne va pas !" Autrefois, j'ai écrit un bouquin qui s'appelle "se battre avec Dieu". Je crois qu'on ne se bat pas avec Dieu, pas assez. Quand on a la foi, on lui dit "Merde, ça ne va pas, tu ne vois pas que tu fais des choses que je ne comprends pas !" Il faut lui expliquer. Si on prend un langage convenu avec Dieu et qu'on ne lui dit pas ce qui est et qu'on lui dit simplement "Seigneur, tu sais, je souffre !" ça ne va pas, il faut lui parler. Moi, je suis sûr que le Christ est présent et je suis sûr qu'on peut lui parler. Qu'est-ce que ça change ? Cela change trois choses. La première, cela me change. Pendant très longtemps j'ai lu des psaumes, 150 prières de l'Ancien Testament, et dans les psaumes, il y a des moments où on dit des gentillesses à l'égard de ses ennemis, en particulier "je souhaite que tu fracasses les têtes de leurs enfants sur les rochers" Ce n'est pas très aimable et, du reste, dans les prières modernes, on met cela entre parenthèse pour que ce ne soit pas lu. Cela c'est une bêtise. Je me souviens d'avoir été en Amérique Latine dans des favellas et au fond, je ne vois pas comment on ne peut pas ne pas être en colère et dire à Dieu "tu me venges, au lieu de me venger moi-même, c'est déjà un progrès extraordinaire. Quiconque n'a pas vu le mal en face n'a pas le droit de dire qu'il ne faut pas avoir de telles paroles. Je vous assure que dans ma vie, il y a eu certains moments au Rwanda ou ailleurs, où j'aurais eu envie de casser la gueule à un certain nombre de gens et les psaumes me faisaient du bien parce qu'ils me permettaient de dire "Seigneur, je ne le fais pas mais démerde-toi !" (pardon pour le vocabulaire, j'espère que vous le comprenez). Il me semble que la prière doit être quelque chose qui exprime vraiment. La prière doit aussi savoir prendre des rites, c'est-à-dire qu'on a besoin de prier ensemble. Prier ensemble, c'est très difficile. Quand je veux faire grandir un couple, je lui dis "vous essayez de prier ensemble". Ce n'est pas facile. J'en connais peu qui y arrivent vraiment. N'empêche que de prier ensemble, c'est utile et pour prier ensemble, il faut des rites. Sinon on est gêné les uns vis à vis des autres, on ne sait pas quoi faire, on ne sait pas quoi dire. Ces rites ne sont pas mensongers, ils disent la direction dans laquelle on voudrait aller. Beaucoup de gens n'aiment pas aller à la messe et ils oublient que c'est la seule manière en écoutant le Christ nous dire "c'est mon sang, c'est encore moi qui donne ma vie pour que les gens soient heureux", c'est la seule manière de pouvoir prier ensemble, de recevoir ensemble ce qu'il nous donne. Alors on dit "oui, mais cela n'exprime pas la vie des jeunes !" N'empêche que la vie des jeunes comme la vie des vieux, elle a besoin d'être sauvée. Et le monde a besoin d'être sauvé et il faut recevoir cela ensemble et les rites, c'est fait pour cela. Enfin j'ai envie de te poser une question "est-ce que tu arrives à communiquer même avec ceux qui te sont proches ?" Ce n'est pas si facile, même quand on aime quelqu'un. Il y a des gens qui me disent "moi, je n'arrive pas à communiquer avec Dieu !" mais ils ne communiquent avec personne. Ils parlent de la pluie, du beau temps, du devoir de mathématiques, de la fille et de la moto, mais il n'y a rien en profondeur. A mon avis, pour s'entraîner à la prière, il faut s'entraîner à l'amitié. Il y a des silences qui parlent beaucoup entre amis, on n'est pas obligé de faire du streap-tease spirituel. Devant Dieu non plus. Mais il faut s'entraîner à communiquer. Sans cela, on n'a jamais rien à dire. Vincent : vous avez bien répondu à Benoît, vous avez parlé de la prière et de la messe. Nous, on avait une question à vous poser : on fait partie d'une aumônerie et on s'aperçoit que maintenant, il y a de moins en moins de jeunes qui vont à la messe. Qu'est-ce que l'Eglise que vous représentez pour nous, va et peut faire face à cela ? Mgr Dubost : Est-ce que tu as entendu parler de Mr Bourdoise ? Non. Je ne t'en voudrai pas. C'est un prêtre du 17ème siècle qui a fait la même constatation que toi. Il a imaginé une invention qui n'aurait pas eu de succès si elle n'avait pas été relayée par St Vincent de Paul. Pour que les jeunes puissent aller à la messe un bout de temps et même au caté, il a créé une invention bien française qui s'est appelée la Communion Solennelle et qui est devenue la Profession de Foi plus tard. Cela n'existe pas dans les autres pays. Donc qu'il y ait une crise à l'heure actuelle c'est indéniable, mais il ne faut pas non plus dire que c'est complètement nouveau et que les jeunes français d'aujourd'hui sont les premiers à trouver que la messe est ennuyeuse quand ils ont 14, 15 ou 20 ans. Tu m'as dit "qu'est-ce que l'Eglise va faire, vous, vous représentez l'Eglise pour nous !" C'est gentil, mais toi, tu représentes aussi l'Eglise pour moi. Tu es baptisé, tu es confirmé donc tu es aussi témoin du Christ que moi, et je dis "qu'est-ce que tu vas faire, toi ? Je ne vois pas pourquoi il n'y aurait que moi à répondre. Que vas-tu faire, toi, pour qu'on prenne ensemble la charge de l'appel du Christ à venir le rencontrer ? Vincent : Ce n'est pas évident de répondre. Vous me prenez un peu à contre-pied en m'envoyant la question. Je pense qu'au niveau de l'Eglise, vous avez sûrement plus d'influence que moi, même si j'ai 17 ans, je suis en Terminale et les vendredis soirs, je les passe à l'aumônerie pour essayer de faire vivre un groupe de 5ème. C'est vrai que vers 14, 15 ans j'ai un peu délaissé la messe, mais c'était pour mieux aller à l'aumônerie. Donc voilà, je n'ai pas grand chose à répondre. Mgr Dubost : Je vais répondre pour toi un tout petit peu mais tu as tout à fait le droit de dire non, ce n'est pas du tout ce que je pense. Je crois que la liberté est quelque chose d'essentiel donc il faut découvrir à un âge que la foi pour ceux qui l'ont reçue de leurs parents doit connaître une rupture. Cela me semblerait beaucoup plus préoccupant si à 45 ans tu n'allais à la messe que parce que cela fait plaisir à ta mère. Il faut découvrir cette liberté. La deuxième chose que tu me dis c'est que tu penses que les jeunes n'y trouvent pas tout à fait leur place. Vincent : Oui, exactement. Mgr Dubost :Il ne faut pas que nous fassions une catéchèse qui soit pour consommateurs. La méthode de l'aumônerie qui donne un temps pour que les jeunes se forgent une liberté, c'est très bien. Mais en même temps Dieu nous a parlé et on n'est vraiment libre que lorsqu'on se situe devant cet appel. Les premiers chrétiens ont tout de suite compris que pour suivre l'appel du Christ, il fallait célébrer sa mort et sa résurrection toutes les semaines. Ils ont été assidus au repas du Seigneur. Je crois que dans l'aumônerie, il y a une difficulté assez réelle à dire ce que Dieu dit Ce que j'ai beaucoup aimé dans ce que tu as dit c'est "moi, j'essaie de témoigner auprès de plus jeunes". C'est extra. Il faut témoigner jusqu'au bout au risque de ne pas être compris et c'est cela qui est difficile. On a le même problème dans l'aumônerie militaire. Beaucoup d'aumôniers, moi le premier, on fait souvent de la présence parce que on a l'impression que si on disait quelque chose du Christ, on serait comme un amateur au milieu de l'équipe de France de football, c'est-à-dire qu'on n'aurait jamais le ballon. Je crois qu'il faut aussi quand même témoigner. Et témoigner c'est par ta présence. Je vois bien ; il suffit qu'il y ait deux jeunes qui, quand on se fout de leur gueule parce qu'ils disent "je vais à la messe" répondent "tu as tort" et qui soient justes et aimés des copains pour que tout de suite, il y en ait beaucoup qui viennent. Si nous, on se planque parce qu'on a l'impression qu'on veut suivre la majorité et qu'on ne veut pas heurter, ça ne marche jamais. Le témoignage en grec c'est martyre. Je ne vous invite pas au martyre pour le plaisir du martyre, mais il y a quelque chose de cela. On ne peut pas témoigner du Christ qui donne sa vie pour les autres sans être compris mêm des siens, en disant "je vais te raconter une belle histoire, il suffit d'être gentil avec son voisin". Enfin si tu joues de la guitare ou si tu chantes, tu peux essayer d'annimer, cela aidera les autres. J'ai répondu à ta question ? Vincent : je m'attendais à plus de mesures concrètes parce que pour moi si je préfère l'aumônerie à la messe, c'est parce que l'aumônerie c'est fait par des jeunes et pour des jeunes. Donc on se sent plus touché que par la messe. Je ne vois pas vraiment comment la messe pourrait progresser et aller vers quelque chose qui touche vraiment les jeunes. Mgr Dubost : J'entends bien ce que tu dis, mais la messe, ce n'est pas une histoire de jeunes, c'est une histoire d'adultes dans la foi et tu es adulte dès que tu es confirmé. Je ne cherche pas à plaire dans la messe. Je cherche à reproduire ce que fait le Christ.. Si tu viens animer, si tu fais des choses, je suis tout à fait d'accord. Il faudrait peut-être que les personnes qui ont beaucoup de bonne volonté et qui animent cèdent leur place à des plus jeunes. Cela, c'est vrai. Quand je n'assite pas à la messe dans la journée, je suis malheureux. Plus je participe et plus j'ai envie de participer. Je vais prendre une très mauvaise comparaison : c'est un peu comme la première bière, au début ce n'est pas très bon. Benoît : Je m'appelle aussi Benoît et je voudrais rajouter quelque chose par rapport à la bière. C'est le vin, le vin, il faut apprendre à le goûter. J'ai l'impression que dans la messe aujourd'hui, en tant que jeune, il y a beaucoup de choses qui nous échappent. La catéchèse qu'on a eue n'est pas la même que la vôtre et il y a beaucoup de choses qui nous ont échappé. Il y a des choses qu'on n'a pas reçues ou qu'on n'a pas entendues. Mgr Dubost ; je partage tout à fait ton avis sur la connaissance.. Vincent avec tes 5ème, tu pourrais prendre des morceaux de messe et essayer de réfléchir sur ce que cela veut dire et ainsi mieux connaître. La difficulté par rapport à mon temps, ce n'est pas tellement qu'on était plus fidèle. Moi j'ai quand même séché une bonne partie du catéchisme. La difficulté, me semble-t-il, c'est que aujourd'hui nous avons beaucoup plus de mal à faire des formations continues. Le nombre d'heures de catéchisme dans l'année, en 30 ans, a diminué presque de moitié et avec les fêtes c'est difficile de faire une progression. En plus, on reçoit au catéchisme des gens qui n'ont pas commencé au même endroit, qui ne finissent pas tous au même endroit parce qu'il y a beaucoup plus de mobilité dans la société. On a beaucoup de mal à faire des progressions parce qu'on a des gens qui sont à des niveaux très différents et on ne sait pas très bien faire. Dans l'aumônerie cela me semble tout à fait typique. L'aumônerie devrait probablement davantage utiliser ceux qui ont des connaissances pour aider les autres. Mais c'est vrai que c'est un problème extrêmement complexe. Un adulte. Moi, je voudrais porter un témoignage en tant qu'adulte parce que je le ressens très fort un peu comme vous tous : la plupart du temps, je dois l'avouer, à la messe, je m'ennuie. Je suis quelquefois un peu responsable de l'animation d'une messe ou d'une autre et nous, adultes, on ne sait peut-être pas suffisamment les rendre vivantes. La grande majorité des catholiques ferments qui viennent à la messe régulièrement ne savent pas faire. Une messe cela devrait être une prière commune, une vie commune et cela on le ressent très peu. Quelquefois on le ressent et cela fait plaisir mais cela reste malheureusement du domaine de l'exception. J'ai moi-même quatre garçons et pour les faire venir à la messe de la paroisse, en tant que parent je ne sais pas trop quoi faire. Par contre ils vont volontiers à une messe d'aumônerie, de scouts...etc Mgr Dubost - Ce n'est pas seulement un problème d'animation. C'est aussi un problème de communauté. Dans la vie moderne, on ne se connaît pas et donc la messe n'a pas la même signification. Donc il faut établir des communautés. Si vous faites un pot à chaque fin de messe et si vous parlez sur le parvis, la même animation ne passe pas du tout de la même manière. Il faut faire des choses qui permettent de se connaître. Pourquoi on aime bien l'aumônerie ? Parce qu'on est entre copains, entre semblables. Et pourtant, je lutte un peu contre cela. Parce que c'est un des problèmes de notre société actuelle qui est très mobile. Le réflexe, c'est de se rassembler avec le même et non pas avec l'autre. C'est bien l'aumônerie parce qu'on apprend. Mais en même temps il faut élargir, il faut ouvrir. Nous ne sommes pas l'Eglise quand nous avons tous le même âge, quand nous sommes tous vieux ou tous jeunes. Vous avez tout à fait le droit d'avoir une progressivité, mais pour avoir une progressivité, il faut avoir un but et le but, c'est l'intégration dans l'Eglise, dans la communauté de tous Un jeune - Vous savez comme moi que dans l'aumônerie, on essaie de se rassembler mais il n'y a pas que cela puisque vous le savez il y a aussi de grands rassemblements comme le FRAT qui permettent aux jeunes de se retrouver entre eux et donc de communiquer. Mgr Dubost - Le premier FRAT auquel j'ai assisté, j'étais en Seconde et c'est probablement dans l'un de ceux qui ont suivi que je me suis décidé pour le sacerdoce. Alors je suis très attaché au FRAT. Anaïs - Bonjour, je m'appelle Anaïs et je voudrais vous demander : comment est-ce qu'on peut être chrétien et être en même temps dans un milieu où les gens apprennent à tuer, dans le milieu de la guerre, quoi ? Mgr Dubost - Tu parles de l'armée, là ? Anaïs - Oui, oui. Mgr Dubost - Je me permets de commencer par une remarque citoyenne. Tu as 16 ans donc dans deux ans tu voteras ou tu ne voteras pas mais tu pourrais voter et je te promets que ceux que tu éliras sont les seuls qui donnent les ordres de tuer. Un militaire ne décide jamais le feu lui-même. Il le fait sous le commandement des politiques et les politiques, c'est nous qui les élisons. Je ne sais pas qui est le plus responsable, celui qui donne l'odre ou celui qui l'exécute. Il ne faut pas reporter sur les militaires quelque chose qui est de tous les citoyens. Le vrai problème, c'est que toi comme moi, nous sommes dans un monde où en nous sommes sûrs qu'un jour la fraternité universelle existera et que nous devons tout faire pour que dès maintenant elle s'établisse. Deuxièmement, j'étais à Sarajevo et il me semble criminel de laisser faire Milosevic. Ce que je dis là pour la politique universelle, c'est vrai dans nos familles, c'est vrai dans nos sociétés. Il y a partout des conflits. On ne peut pas être chrétien simplement en disant "il n'y a qu'à... il faudrait pas qu'il y ait de conflits. Il y a des conflits et il faut vivre dans ces conflits. Il faut suivre un certain nombre de règles simples. La première, c'est que les hommes de Dieu doivent désacraliser les conflits. Je me suis aperçu que chaque fois qu'il y a conflit, on ne dit pas "je vais me battre pour avoir un peu de terrain ou un peu de pouvoir. on dit "je me bats au nom de Dieu, je me bats au nom de la liberté." Et on sacralise les conflits. Monsieur Saddam Hussein qui a fait toute sa carrière comme laïc, vraiment profondément laïc, durant la guerre du golfe il enlève ses chaussures et il va dans une mosquée parce qu'il faut sacraliser le conflit. Quand on est homme ou femme de Dieu, on doit dire "non", il y a des conflits humains, il faut quelquefois y participer pour défendre les pauvres, la justice, mais en même temps, Dieu ne doit pas être mêlé à cela. Deuxièmement. il y a beaucoup de gens qui vous disent "il y a marqué dans la Bible : tu ne tueras pas" Or le "tu ne tueras pas" des commandements de Dieu n'a jamais empêché les Juifs de faire la guerre. En fait, si on connaît un peu l'Hébreu, il vaudrait mieux traduire "tu n'assassineras pas" Mais dans le Nouveau Testament, il y a "tu aimeras ton ennemi", ce qui est plus fort. Vous ne comprenez rien au Nouveau Testament si au mot amour de son ennemi, vous ne donnez pas toute sa force. C'est l'amour même de Dieu dont il s'agit. Aimer son ennemi cela veut dire avoir la capacité de reconnaître dans celui qui est plus loin de moi parce qu'il me semble plus violent et plus éloigné de Dieu, un signe de Dieu, quelqu'un que je dois aimer du même amour que Dieu. C'est beaucoup plus fort. Essaie dans ta famille, essaie dans ta classe de dire "celui qui est le plus loin et que je déteste, c'est celui-là qui doit être pour moi un signe de Dieu. C'est ça qui est dans l'Evangile? Je ne peux pas le gommer. A certains moments ce signe de Dieu, parce qu'il fait quelque chose d'injuste, je dois l'arrêter. Je ne peux pas laisser violer des femmes, laisser tuer des enfants, laisser détruire des vies entières ou déporter tous les kosovars. si cela me semble vraiment injuste. Je ne serais pas un homme si je ne faisais pas quelque chose. Mais je dois faire quelque chose de telle sorte que je continue à considérer l'autre comme un signe de Dieu. C'est toute une contradiction. Troisièmement - Il me semble qu'il faut amener les militaires à réfléchir au sens de leur métier. Le sens de leur métier c'est d'être présent dans les crises pour donner du temps à la politique. Ce n'est jamais la force qui résout les problèmes. Le militaire est là pour employer la force dans la crise pour donner du temps aux solutions politiques. Chaque fois que vous méprisez la politique, vous donnez une tentation supplémentaire à des gens de résoudre les problèmes par la force. Il faut croire à la vie politique. La vie politique c'est d'organiser un dialogue pour essayer de trouver des solutions aux problèmes humains. Le militaire, ce n'est pas son métier, son métier, c'est de suspendre l'usage de la force pour qu'il y ait du temps pour la politique. Il y a des tentations propres aux militaires, il est vrai que le combat peut échauffer. On peut de temps en temps, prendre la cause à son compte. La haine, l'esprit de vengeance ou le mépris des personnes peuvent naître. On peut traiter un objectif sans s'occuper des personnes qui sont dedans. Ces tentations existent mais elles ne sont pas inhérentes à la condition militaire et je connais beaucoup de militaires qui les combattent. Ariane - Bonsoir, je m'appelle Ariane. Je voudrais savoir exactement quel est votre rôle dans le diocèse, qu'est-ce que vous faites au quotidien. Mgr Dubost - Mon rôle c'est d'être évêque. Un évêque, c'est comme un drapeau, c'est un signe de l'amour de Dieu. On peut être un signe en envoyant des lettres, en allant voir des gens, cela m'arrive je suis surtout un signe par personnes interposées. Je suis un signe efficace de l'amour de Dieu par la collaboration des prêtres, des diacres, des laïcs aumôniers, des relais d'aumônerie. En ce moment, je suis dans un temps un peu spécial puisque j'ai beaucoup de conseils avec d'autres aumôniers. Mais sans cela je passe ma vie sur le terrain. Il y a des endroits où je vois deux personnes, d'autres où j'en vois 500. Quand je vois des militaires, si on peut prier, je prie avec les chrétiens, puis après je vais à la soupe avec eux et ensuite je joue à la belote parce que c'est un signe d'amitié aussi et puis tout d'un coup au milieu de la belote, il y a une discussion qui part. Le lendemain, je me retrouve avec le Général qui m'explique aussi ses problèmes. Comme tout évêque j'ai une responsabilité dans l'Eglise de France. Il y a des rassemblements, des commissions. J'ai des réunions avec tous les évêques de l'Ile-de-France puisque le diocèse aux armées est relié administrativement aux évêques de l'Ile-de-France. Et j'ai des responsabilités au nom de l'ensemble des évêques de la Conférence Episcopale. Je suis responsable de la commission de la catéchèse et de la formation des adultes. En plus, j'ai quelques responsabilités à Rome. Serge - Dans un lycée on croise des gens qui appartiennent à l'Islam, des filles qui portent un voile, des jeunes qui pendant un temps ne mangent pas, ne boivent pas. Comment peut-on faire face à ce genre de situation ? Mgr Dubost - C'est un problème très compliqué. Les principes sont simples, mais les réalisations ne sont pas faciles. Première réaction qu'il ne faut pas avoir, c'est celle du bloc contre bloc. Il ne faut pas avoir peur de l'Islam et essayer de susciter une espèce de réaction. Dans l'Eglise Catholique, depuis l'origine des temps, on a essayé de dire les merveilles de Dieu dans chacune des langues et on a toujours cherché à être le plus près possible des langues que parlaient les gens.. Et tout d'un coup, quand l'Islam est devenu un peu menaçant en Europe, on a pensé que puisque l'Islam imposait une seule langue, il fallait faire de même. Et on s'est mis à imposer le latin à tout le monde et on est devenu bloc contre bloc et on a oublié notre identité. Je pense que pour être face à l'Islam, il faut être chrétien et fier de ce que nous faisons en tant que tels. Il faut être soi-même. Je ne vois pas au nom de quoi l'accueil des musulmans supposerait que nous gommions ce que nous sommes. Nous sommes d'abord es gens qui croyons en un Dieu-trinité. Si je dis cela, c'est parce que pour nous cela a deux conséquences : la première, c'est que nous pouvons être amis de Dieu, ce qui n'est pas le cas dans l'Islam. La deuxième conséquence, c'est qu'il faut savoir que les premiers versets de l'Islam se situent contre la Trinité. La situation depuis dix ans a beaucoup changé. Il y a 15 ans dans beaucoup d'aumôneries de la région parisienne, il y avait quelques jeunes musulmans qui venaient parce qu'ils étaient modérés et que là, on parlait de Dieu. Aujourd'hui, il y en a beaucoup moins parce qu'ils se sont plus organisés et parce que des intégristes musulmans ont fait que les modérés ne veulent pas se présenter avec les chrétiens. C'est très bien d'avoir des contacts avec les musulmans, mais il faut savoir aussi quelles sont les conséquences pour eux dans la communauté vis-à-vis des extrémistes. Ce qu'il faut les respecter. Par exemple au moment de la rupture du jeûne, j'essaie d'envoyer une lettre à mes amis musulmans. Reconnaître, c'est connaître un peu, savoir ce que cela veut dire et puis échanger. Le chrétien se caractérise par sa fierté d'être du Christ et pas sa capacité au nom du Christ à voir dans chaque homme l'action de l'Esprit-Saint et le musulman est un homme qui souvent cherche Dieu. Il y a une grande difficulté avec les musulmans c'est que dans le Coran, il y a une lecture de la Bible en général et du Nouveau Testament en particulier qu'ils estiment être la dernière révélation et le résumé exact du Nouveau Testament. Ils estiment que ce que nous, nous lisons dans le Nouveau Testament, n'est pas exact. Dans les discussions, ils pensent savoir mieux que nous ce que dit le Christ. Cela rend les discussions extrêmement difficiles. Il ne faut pas être naïf à ce sujet. Dernière question - Les plus vieux des jeunes arrivent à un moment où se posent des questions difficiles : est-ce que je me lance dans une relation avec telle ou telle personne, est-ce que je continue à m'investir dans mes études ? Est-ce que vous pourriez leur donner quelques conseils pour les aider à la lumière de l'Evangile ? Mgr Dubost - La première chose que j'ai envie de vous dire c'est : essayez d'acquérir une confiance en vous raisonnée ! Vous avez du prix aux yeux de Dieu, vous avez du prix aux yeux de tas de gens qui vous aiment. Deuxième chose : voir d'abord ce à quoi on ne se sent pas du tout appelé et qu'on élimine. Se demander aussi quels sont les besoins de la société, quels sont les besoins des autres et auquel de ces besoins je puis répondre ? Troisièmement. Il me semble que nous avons changé, les jeunes d'aujourd'hui ont davantage conscience des difficultés de l'engagement. Ce n'est pas mal. Mais je pense qu'il n'y a pas de vie sans engagement. Mais prenez des responsabilités petites à tore mesure? mais prenez-les. Vous ne saurez pas vous engager vers le mariage, vers la vocation sacerdotale ou vers un métier si vous n'avez jamais pris de responsabilités avant. J'en ai marre de ces gens qui disent "les jeunes ne savent pas s'engager, mais qui ni ne leur ont jamais donné la responsabilité sur quoi que ce soit. Mon bureau est situé à côté d'une école près de la gare Montparnasse. Il y a des tas de métros, d'autobus et de trains de banlieue tout près. Or aux heures de sortie ou d'ouverture des classes il y a un défilé impressionnant de voitures particulières qui amènent leurs enfants à l'école. Les jeunes n'ont même pas la responsabilité de rentrer chez eux tout seuls quand nos grands-parents rentraient en faisant 6 ou 7 kilomètres à pied pour aller à l'école et en revenir.. Nos grands-parents ramenaient une bête à l'étable à 7, 8 ans. Ils en ramenaient un troupeau à 10 ans. Ils montaient sur kle tracteur à 12, 13, 14 ans. Aujourd'hui on a la trouille de donner des responsabilités aux jeunes et après on dit "ils ne prennent pas de responsabilités". Ramener les bêtes à l'étable c'est sans doute fini, mais il y a d'autres responsabilités possibles aujourd'hui. A vous et à vos parents de les trouver. |
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