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Conférences 2001 |
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La pâques
juive et les fêtes de pélerinage
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Conférence
de Monsieur le Rabbin Philippe Haddad
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Mardi 24 Avril 2001
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Présentation par Philippe Guibard Dans la Tradition Biblique, Ancienne ou Première Alliance, il y a un certain nombre de solennités qui sont mentionnées. Je voudrais d'abord donner une signification générale de ces fêtes qui sont mentionnées dans la Bible, dans la Torah. Il y a trois catégories de fêtes ou solennités dans la Bible. Il y a d'abord les fêtes et solennités qui rappellent la création du monde. La plus connue et la plus fréquente, c'est le sabbat. C'est
le sabbat qui rappelle que l'Eternel a fait le monde en six jours
et qu'il a cessé son œuvre de création le septième.
Il ne s'est pas reposé. Le verbe sabbat en hébreu biblique
ne veut pas dire se reposer mais veut dire cesser, arrêter.
Nous imitons Dieu et la communauté d'Israël ne travaille
pas le septième jour, le jour du sabbat comme cela est mentionné
dans la 4° parole des dix paroles "Souviens-toi du jour du
sabbat pour le sanctifier (le sanctifier c'est-à-dire le distinguer)
le séparer des autres jours de la semaine". En quittant le jardin d'Eden l'homme est mis au travail et il faut résoudre ces problèmes. Le sabbat donc, rappelle qu'il y a une création, qu'il y a un point de départ, un commencement. C'est important, c'est ce qui fonde la foi du monothéisme en général de dire qu'il y a un Dieu-créateur. Nous n'avons pas affaire à un Dieu abstrait, nous n'avons pas affaire à un monde éternel mais il y a un commencement. Donc il y a une conscience derrière le monde que nous appelons Dieu, que nous appelons l'Eternel. Il y a une autre fête qui nous rappelle que Dieu est créateur. Ce n'est pas une fête chômée comme le sabbat, c'est le nouveau mois, la néoménie. Cela s'appelle la fête du nouveau mois. Le calendrier hébraïque est à la fois lunaire et solaire. Il est lunaire puisque c'est l'apparition de la nouvelle lune qui marque le commencement du nouveau mois. Il est solaire, c'est-à-dire que les fêtes doivent toujours tomber aux mêmes saisons. La fête de Pâque est la fête du printemps. La fête de Pentecôte ou chavuot est la fête de la moisson. La fête des cabanes est la fête de l'engrangement. Il se trouve que l'année lunaire est plus courte que l'année solaire de onze jours. L'année lunaire fait 354 jours, l'année solaire fait 365 jours, ce qui fait que au bout de trois ans, il y a un décalage d'un mois, au bout de neuf ans, un décalage d'un trimestre. Cela pose problème. Dans l'Islam, le calendrier est uniquement lunaire, ce qui fait que le jeûne du mois de Ramadan est toujours en décalage. Pour le judaïsme, il est très important que les fêtes tombent toujours aux mêmes saisons. Donc il y a l'ajout d'un mois supplémentaire sept fois en 19 ans ce qui fait qu'on rattrape le calendrier solaire. Il y a des années de douze mois, il y a des années de treize mois. L'apparition de la nouvelle lune marque ou rappelle la création du monde. Dieu a créé les deux grands luminaires comme il est dit dans le premier chapitre de la Genèse, le grand pour éclairer le jour et le petit pour éclairer la nuit. Nous louons l'Eternel pour la création du monde, pour la vie qu'il nous a donnée en pure grâce, pour chacun d'entre nous et pour cette nature qu'il a construite comme un décor pour pouvoir vivre et construire notre histoire. Ce sont les deux solennités, le shabbat jour chômé et une fois par mois la néoménie où le nouveau mois est proclamé. A l'époque du Temple, il y avait le sacrifice du nouveau mois et aujourd'hui, à défaut du Temple, c'est la liturgie qui remplace et nous récitons des prières spécifiques. La fête du Nouveau mois ou plutôt comme nous disons le jour du nouveau mois est le jour de la femme. La femme ne doit pas travailler ce jour-là, il est consacré au repos plus particulièrement de la femme et la tradition dit que puisque les femmes n'ont pas participé à la faute du veau d'or, Dieu a donné en cadeau aux femmes ce jour pour qu'elles ne fassent pas de gros ménages. Donc il y a une journée de la femme tous les mois. Deuxième type de fêtes, ce sont les fêtes de pèlerinage, pèlerinage parce que à l'époque on "montait" à Jérusalem et on montait au Temple pour offrir des sacrifices de circonstance. Il y a trois fêtes de pèlerinage. Les fêtes de pèlerinage, en général, rappellent la sortie d'Egypte, ce qu'a vécu la génération contemporaine de Moïse qui est sortie d'Egypte. Cette sortie d'Egypte s'est déroulée en trois temps. D'abord la fête de Pâque ou en Hébreu Pesah qui veut dire "sauvé par Dieu" parce que la Bible nous dit que lors de la dernière plaie d'Egypte, Dieu a envoyé l'Ange de la Mort et cet ange sautait au-dessus des maisons qui portaient le sang de l'agneau, cet agneau qui était un dieu égyptien. Beaucoup de dieux égyptiens étaient des animaux ou des éléments de la nature. Le Nil était un Dieu, le soleil était un dieu et certains animaux étaient des dieux, le sphinx demi-dieu, demi-homme, le bœuf Apis et le petit veau et l'agneau. Cet agneau va être sacrifié à Dieu par les enfants d'Israël pour montrer leur foi et leur confiance en ce Dieu créateur qui à partir de maintenant va également apparaître comme le Dieu libérateur. La mémoire des Hébreux c'est la mémoire d'un Dieu créateur mais en même temps déjà un Dieu libérateur dans la mesure où il avait appelé Abraham en lui disant "quitte ton pays, ta ville natale la maison de ton père et va vers la terre que je t'indiquerai". Abraham déjà, le patriarche avec sa famille réalise une sortie, une sortie de Mésopotamie, une sortie de civilisation pour commencer une nouvelle histoire qui va être marquée de la foi en ce Dieu, Un, Créateur, Père de l'humanité tout entière et qui appelle l'homme à la fraternité, à l'amour, à travers la reconnaissance de ce Dieu. Abraham avait quitté non seulement la Mésopotamie mais également l'idolâtrie. Le verset 1 du chapitre douze de la Genèse dit "quitte ton pays, quitte ta ville natale, quitte la maison de ton père". Les exégètes qui font très attention à l'ordre des mots, disent mais en général, quand quelqu'un quitte un lieu, il quitte d'abord sa maison, il quitte sa ville, il quitte le pays. On quitte Châtenay-Malabry, puis la région parisienne, puis la France. Or le verset dit le contraire "quitte ton pays, quitte ta ville natale, quitte la maison de ton père !" Cela fait dire aux commentateurs qu'il ne s'agit pas seulement d'un déplacement géographique mais aussi d'un déplacement psychologique, moral, et spirituel. Abraham doit abandonner les valeurs nationales, ensuite il doit abandonner les valeurs locales, ensuite il doit abandonner les valeurs familiales. puisque on nous dit que Terah, le père d'Abraham était un idolâtre qui servait le roi Nemrod, Nemrod qui veut dire le révolté, celui qui s'oppose à Dieu, le roi de Babel cette tour qui avait été érigée pour repousser le ciel et repousser Dieu. Abraham donc doit quitter toutes ces valeurs teintées de paganisme et d'idolâtrie, d'immoralité pour commencer une nouvelle histoire. Et avec Abraham cette sortie de civilisation va être vécue par toute la communauté d'Israël d'une façon collective. Pesah va rappeler cette sortie : Dieu va venir sauver Israël. Souvent on ne comprend pas comment ce Dieu, si c'est le Dieu de l'humanité tout entière, le Père de l'humanité peut sauver les uns et frapper les autres. En fait quand Dieu s'adresse à Moïse pour lui demander d'aller voir le pharaon, son projet c'est aussi de sauver l'Egypte. Il est impensable de croire que Dieu sauve un peuple et n'en sauve pas un autre. Si un peuple est sauvé, un autre pas, alors il y a un échec dans l'histoire. Tant que l'humanité tout entière n'est pas arrivée à cette fraternité, à cette reconnaissance, à ce jour où le loup et l'agneau dormiront ensemble, à ce jour, comme disent les prophètes où Dieu sera Un, où son nom sera Un, alors nous sommes dans des tentatives d'histoire, avec des échecs. Il y a une part de responsabilité dans l'histoire des hommes de faire aboutir ce projet de Dieu ou de le retarder. Lorsque Moïse se trouve en face de Pharaon et qu'il lui annonce qu'il vient au nom de l'Eternel, Adonaï, Pharaon répond "je ne connais pas, je ne connais pas un Dieu transcendant, je ne connais pas un Dieu qui est hors de la nature, je connais les dieux de la nature, le soleil, le Nil. Je rends un culte à ces dieux, mais un Dieu transcendant, supérieur à la nature qui serait même capable de modifier les lois de la nature, cela, je n'y crois pas." Il faut faire cet effort de la foi ou cet appel de l'Esprit pour dépasser cette conception que Dieu serait limité à la nature. Si Dieu était la nature et seulement la nature, il y aurait un grand scandale parce que la nature fonctionne selon la loi du plus fort. Toute la nature est fondée sur ce principe-là. Si le lion est plus fort que la gazelle, il mangera la gazelle, si la gazelle est plus rapide que le lion, elle pourra s'échapper. C'est un monde curieux que Dieu a créé, un monde du mouvement, la vie c'est le mouvement. Or dès l'instant où il y a du mouvement, il y a des forces qui se mettent en place, il y a des rapports de force, il y a le fort, il y a le faible. C'est un discours récurrent des prophètes de dire "oui le monde dans lequel nous nous trouvons n'est pas encore un monde idéal". C'est un monde en construction, c'est un monde en parachèvement. Le Dieu de la Bible est un Dieu du commencement qui appelle l'homme à parachever. Il donne sa parole, sa loi pour gérer la grâce de la vie qu'il nous a offerte. Si on rend un culte seulement à la nature, on risque de fonctionner selon le mode de la nature. Le plus fort va écraser le plus faible. Toute l'histoire de l'humanité se lit à différents niveaux, sur le plan politique, sur le plan économique, sur le plan philosophique. Ce qui intéresse la Bible, ce n'est pas ces niveaux. L'histoire est entendue toldhot. Toldot cela veut dire les engendrements. Comment être capable d'engendrer des êtres frères, des êtres capables de fraternité, au niveau individuel, au niveau des nations ? Tant que l'humanité fonctionne sur le mode du plus fort, alors il y a toujours de l'injustice et le fort risque d'écraser le faible, soit par sa force physique, soit par sa force économique, soit par sa force technologique, sa force scientifique. La question de la force, c'est la question du sacerdoce. Les prophètes nous enseignent que celui qui a un pouvoir est mis au service des autres. La révélation du Dieu transcendant qui dépasse la nature est de dire aux hommes "celui qui a une force quelle qu'elle soit sur le plan intellectuel, physique, économique, il est immédiatement responsable de celui qui n'a pas cette force. "Tu aimeras ton prochain comme toi-même ! Tu aimeras l'étranger comme toi-même ! Lorsque tu iras pèleriner, tu n'oublieras pas Lévi (Lévi n'avait pas de terre), tu n'oublieras pas l'étranger, tu n'oublieras pas la veuve et l'orphelin !" Le pouvoir c'est un sacerdoce, c'est le discours de Dieu, c'est l'appel de Dieu, c'est l'appel de ses prophètes. L'homme est toujours tenté de garder le pouvoir. Elie se rendit devant le roi Achab. Il lui dit "Tu as commis une faute. - Laquelle ? Achab, un jour dans son carrosse, a vu une magnifique vigne. Il demanda qui était le propriétaire : Naboth. Il va lui demander "Monsieur Naboth, vous voulez me vendre votre vigne. - C'est une petite vigne, Monseigneur, un héritage de famille, je voudrais le garder." Achab rentre dépité chez lui. Jézabel lui dit "Qu'est-ce qu'il y a ? - Je voulais acheter une petite vigne à un certain Naboth. Il ne veut pas me la vendre. - Comment, tu es le roi d'Israèl et un petit minus te refuse cette vente. Laisse-moi faire." Elle paye en écus sonnants et trébuchants des faux témoins qui vont accuser ce pauvre Naboth de tous les crimes de la terre et il est mis à mort. Elie lui dit "Tu as oublié cette histoire ? Si tu es roi d'Israël, c'est pour proclamer la royauté de Dieu, pour te mettre au service du peuple, pas pour profiter du pouvoir. Lorsque Dieu s'adresse à Moïse pour lui dire : "Va parler à Pharaon, il y a une confrontation très importante entre Moïse et Pharaon. Est-ce que Pharaon va entendre la Parole de Dieu ou est-ce qu'il va s'enfermer, endurcir son cœur pour ne pas entendre la Parole de Dieu ? Finalement Pharaon n'a pas entendu et seul, Israël va sortir d'Egypte. Seul, Israël va chanter la louange de la libération alors que l'armée de Pharaon va être engloutie. Dans la tradition juive, pendant la fête de Pâque on se réjouit de notre libération mais on ne récite pas les Psaumes de façon complète. Normalement pendant les fêtes de pèlerinage, on récite un certain nombre de psaumes qui sont des louanges à l'Eternel. A Pâque, juste le premier jour, on récite les dix psaumes complets et les autres jours on n'en récite que la moitié. Pourquoi ? Parce que la tradition fait obligation de porter le deuil des Egyptiens. Lorsque la mer s'est refermée sur les Egyptiens, selon les maîtres de la tradition pharisienne les anges ont voulu chanter et Dieu les a fait taire en disant: ceux-ci sont l'œuvre de mes mains et comment pourriez-vous chanter ? Chaque fois qu'il y a des conflits entre peuples, entre hommes à n'importe quel niveau, dans une société, dans une famille, on ne peut pas se réjouir, c'est le même sang qui coule, ce sont les mêmes larmes des mamans, les mêmes souffrances, les mêmes handicaps. Alors nous sommes appelés toujours à reprendre l'histoire là où elle s'arrête, en espérant que Dieu nous éclaire pour agir dans l'amour et dans le respect du prochain. La fête de Pesah donc doit rappeler que Dieu est libérateur,
libérateur physique du peuple d'Israël. Pour se rappeler
de cette sortie d'Egypte, il y a quelques rites, notamment le rite
de manger le pain azyme. Pendant une semaine, nous avons mangé
le pain azyme pour remplacer le pain. Le pain azyme, c'est le pain
de misère, le pain du pauvre. Les enfants d'Israël sont
sortis précipitamment, ils n'ont pas eu le temps de faire lever
la pâte. Alors nous gardons en mémoire, en quelque sorte,
cette misère. On mange de la misère. C'est important.
Il ne suffit pas seulement de regarder la misère. Lorsque Moïse a grandi et qu'il est descendu vers ses frères, il a mis son cœur au milieu de ses frères. Il a porté la douleur avec ses frères. Alors nous mangeons en quelque sorte de cette misère, nous nous rappelons. En même temps, c'est le signe de l'humilité. Ce qui fait la différence entre le pain et le pain azyme, c'est que le pain est rempli d'air, il est comme l'orgueilleux. Il est gonflé. D'ailleurs en français on dit "il est gonflé, celui-là !". Le pain aussi est gonflé; il est gonflé de rien, de vanité comme la grenouille qui voulait devenir plus grosse que le bœuf. La fête de Pesah donc va rappeler cette naissance du peuple d'Israël, mais qui avance vers la 2° étape qui est Chavuot, la fête de Pentecôte, la fête des semaines. 49 jours après, le 50° jour exactement, Dieu va se révéler à tout le peuple, hommes, femmes, enfants, hébreux et non-hébreux parce que la Bible nous dit qu'il y avait aussi des non-Hébreux qui étaient sortis pour participer de la libération et que Moïse avait accueillis avec lui comme des convertis en quelque sorte à l'idée du monothéisme et de tout ce que cela impliquait. Et là, Israël, la collectivité d'Israël, ce microcosme d'humanité, des Egyptiens, des Chaldéens, des Babyloniens, des Assyriens, des Hittites et des Hébreux, toute cette collectivité, tout ce peuple en gestation, va entendre les dix Paroles de Dieu. Dieu va donner la Loi, une double loi. Les cinq premiers commandements de type religieux, (Je suis Yahvé ton Dieu, tu n'auras pas d'autre Dieu que moi, tu ne prononceras pas le nom de Dieu en vain, le respect du shabbat et puis le respect des parents, c'est-à-dire le respect de la mémoire des origines. Dans la tradition juive, le respect des parents est mis dans les cinq premières colonnes pour rappeler qu'on doit respecter ses parents comme on respecte Dieu) et puis les cinq derniers commandements qui établissent les relations avec le prochain (tu ne tueras pas, tu ne voleras pas, tu ne commettras pas d'adultère, tu ne feras pas de faux témoignage et tu ne convoiteras pas). Dieu donne la vie en pure grâce, nous n'avons aucun mérite d'exister. Nous sommes là mais c'est parce que nous recevons la vie en pure grâce qu'il peut y avoir des conflits. Les conflits sont toujours des conflits de grâce. Quand on est malade, on ne pense pas à faire la guerre, lorsqu'on est en bonne santé, on a trop de vigueur, on va prendre ce qui est à l'autre. Dieu donne la Loi pour gérer la grâce. Pour le judaïsme, il n'y a pas du tout contradiction entre la grâce et la Loi. La Loi permet de gérer la grâce. Sinon notre appétit de vivre qui est le souffle de Dieu qui nous habite et qui fait que nous voulons toujours vivre encore plus et davantage ne connaîtrait pas de limites. Au donc pour réduire la Loi de Dieu, le premier commandement donné à l'humanité est "tu mangeras de tous les arbres du jardin" et puis vient un second "de celui qui est au milieu du jardin, tu ne mangeras pas. Le premier commandement donné à l'humanité, c'est "tu mangeras de tout". Evidemment si c'est Dieu qui crée par amour, il ne peut que donner. Lorsque la maman donne la tétée à son bébé, c'est en pure grâce, il n'y a aucun mérite. "Mais de l'arbre de la connaissance du bien et du mal, tu ne mangeras pas !" Savoir mettre une limite à son appétit d'existence pour que l'autre aussi puisse manger. La loi gère la grâce. Pour que la grâce soit vraiment opérationnelle et que nous puissions vivre ensemble dans le partage. C'est le sens de la fête Shabu'oth, la fête des semaines, la fête du don de la Torah. La torah, c'est plus que la Loi, c'est l'enseignement. Troisième fête de pèlerinage : la traversée du désert, les cabanes. Nous construisons des cabanes. Cette fête des cabanes rappelle la protection de Dieu, la Providence divine. Cette cabane a quelque chose de particulier : ce n'est pas un toit qui se trouve dessus, mais un branchage, un branchage un petit peu épars de façon à ce qu'on puisse voir le soleil, la lune et les étoiles, c'est-à-dire non pas un toit qui nous coupe du ciel mais un toit qui nous ouvre au ciel. Et une maison fragile pour dire que c'est Dieu qui est le véritable protecteur, c'est pas les maisons. Ces trois fêtes de pèlerinage nous rappellent que Dieu est le libérateur. Il libère l'homme du joug, de l'oppression. Beaucoup de versets des psaumes disent que Dieu libère l'opprimé, qu'il relève celui qui est abaissé, qu'il abaisse ce qui est élevé, par exemple dans la prière de Anne, la maman de Samuel. Donc Dieu est le libérateur, mais il nous libère aussi en nous donnant la Loi qui nous permet de gérer nos appétits d'existence. Et il nous libère par la protection qu'il nous accorde, pour pouvoir vivre, continuer notre chemin. Dieu est créateur, Dieu est libérateur et ce Dieu libérateur aussi donne la Loi et sa protection. Troisième type de fêtes : ce sont les fêtes qui n'ont pas de caractère historique, les fêtes du Nouvel An juif. Le Roch Anna, la fête de l'année et Kippour la fête du pardon. Ces solennités n'ont pas de relation directe avec un événement historique, en tout cas ce n'est pas mentionné dans la Bible. Elle dit le premier jour du 7° mois vous sonnerez la corne de bélier, le chauffard et le verset ne dit pas pourquoi. Et le 10° jour du septième mois, c'est-à-dire après le mois de Nisan, le mois de la sortie d'Egypte, il y aura un jour de jeûne et vous jeûnerez un soir jusqu'à l'autre soir. Ce sont les deux fêtes qui se complètent : il y a dix jours entre la fête du Nouvel An et la fête du pardon. Le jour du Nouvel An s'appelle dans la tradition rabbinique le jour du jugement. Dieu nous juge. On a essayé de trouver s'il y avait un rapport avec un événement historique. On en a trouvé deux : la Création de l'homme et puis la ligature d'Isaac., quand Dieu a demandé à Abraham d'attacher son fils et Abraham a pensé qu'il devait aller jusqu'au bout pour le sacrifier. Dieu a créé l'homme à l'origine et il a confié ce monde à l'homme et il pose deux questions à l'homme. La première question qu'il lui pose, c'est "où es-tu ?" après la faute. Dieu a confié à l'homme un jardin en gestion libre pour le garder, pour le travailler. Responsabilité, l'homme est un jardinier. On sait ce que c'est qu'un jardinier. Si on fait un peu de jardinage le dimanche chez soi, il faut retirer les mauvaises herbes, il faut surveiller que la plante pousse bien, les arbres, les fruits,. travail important. C'est un travail de tri, il faut trier, trier entre le bien et le mal. Les mauvaises herbes, il faut les retirer, au contraire, les fleurs, les fruits, il faut les garder. Ce travail de jardinier, c'est le travail de l'homme. L'homme, Adam a mangé. Adam et Eve ont mangé. Alors Dieu pose la question "où es-tu ?" Est-ce que Dieu ne savait pas où était Adam ? Bien sûr qu'il le savait. Mais est-ce que Adam savait, lui, où il était. Où es-tu ? cela veut dire "où en es-tu ?" Où en es-tu de ta mission d'homme. Dieu appelle l'homme pour lui demander où il en est du travail. Ce n'est pas grand chose. Dieu ne lui demande pas de créer le monde à l'homme, c'est déjà fait, mais seulement de maintenir un certain ordre dans le monde. Ne pas mélanger. Dieu est un créateur, c'est un séparateur et c'est un nominateur. Un créateur puisqu'il crée "Dieu dit que la lumière soit et la lumière fut et Dieu a séparé la lumière de l'obscurité. Dieu sépare, Dieu distingue et Dieu nomme. Il appela la lumière jour et l'obscurité nuit. Dieu distingue les éléments. Quand tout est mélangé, c'est la confusion, c'est le tohu-bohu. Il semble que l'ordre du monde aille du tohu-bohu vers la distinction. On peut donc penser que chaque fois que l'humanité avance vers la distinction, vers la séparation, le monde avance dans le sens de Dieu. Au contraire, lorsqu'on va vers la confusion, on régresse. Se séparer pourquoi ? Pour qu'il y ait des noms. Pour pouvoir s'appeler. Si Dieu nomme, c'est pour pouvoir être appelé. A quoi sert un nom ? Si on est tout seul, on n'a pas besoin de nom. On ne s'appelle pas soi-même. On a besoin de nom dès l'instant où nous sommes deux. Le nom ne sert qu'à vivre ensemble. Le nom sert à l'appel. Le troisième livre de la Torah s'appelle "il a appelé". Le 2ème livre s'appelle livre des noms en même temps que le livre de l'Exode. Dieu demande donc à Adam "où en es-tu de ton travail d'homme ?" C'est la première question. Pour la tradition, Dieu interpelle tous les hommes et tous les peuples par cette question "où en êtes-vous ?" Qu'avez-vous fait du monde que je vous ai laissé ? Est-ce que vous n'avez pas trop pollué cette année ? Est-ce que vous n'avez pas rendu vos vaches trop folles et vous n'avez pas trop percé la couche d'ozone ? Où en êtes-vous? Deuxième question posée par Dieu au début, au chapitre 4 de la Genèse : Dieu s'adresse à Caïn et lui dit : "où est ton frère Abel ? Encore une fois, est-ce que Dieu ne savait pas où était Abel et ce qui s'était passé ? C'est une invitation à prendre conscience et à reconnaître la faute. La deuxième question que Dieu pose à l'homme, c'est "où est ton frère ?? L'homme doit pouvoir se situer par rapport à lui-même d'où la nécessité d'un bilan moral, spirituel. Les grands justes, les grands sages, les grands saints font ce bilan tous les jours, peut-être même à chaque instant. Nous n'avons pas la dimension de ces grands hommes. Alors au moinsune fois dans l'année pour la communauté d'Israël de faire le point. Une année s'écoule, qu'est-ce qu'on a fait de cette année ? et 2° comment nous sommes-nous situés les uns par rapport aux autres ? Où est notre frère ? Où en sommes-nous de notre fraternité ? Là encore c'est une question qui est posée aux individus, aux collectivités et aux nations. Dieu nous juge. Il faut faire attention, ce n'est pas parce qu'il y a jugement qu'il y a condamnation. S'il y a jugement c'est parce qu'il y a la valeur de la responsabilité. Quand Dieu juge ou annonce qu'une catastrophe va arriver, cela ne veut pas dire obligatoirement que la catastrophe va arriver. "Jonas, lève-toi et marche vers Ninive, la grande ville, et crie vers elle mon appel, car leur méchanceté est montée jusqu'à moi. Au début, Jonas, il ne veut pas trop. Mais finalement il y va. C'est la prophétie la plus courte "dans 40 jours, Ninive sera détruite. C'est tout. Jugement de Dieu, implacable, irrévocable, incontournable : dans 40 jours Ninive sera détruite. Ce n'est pas Jonas qui le dit. C'est Dieu. Dieu ne peut pas se tromper. Le roi de Ninive a entendu ce Jonas, cet Hébreu qui vient parler au nom d'un Dieu qu'on ne connaît pas. Il commence à le prendre au sérieux. Et finalement le roi de Ninive a décrété pour lui, pour tout son peuple et même ses animaux un jeûne demandant à Dieu à l'Eternel de pardonner. Et Dieu se ravisa du mal qu'il avait décidé de faire. Pourtant Dieu avait dit dans 40 jours. C'était le jugement, ce n'est pas parce qu'il y a jugement qu'il y a condamnation. Au moment du verdict c'est comme cela que cela se passe et aux hommes d'entendre pour pouvoir justement se remettre en cause. Dieu nous juge pour nous dire, à nous les hommes que ce que nous faisons ici-bas est important. Dieu ne juge pas les plantes ni les animaux. Mais Dieu juge l'homme parce qu'il est responsable "je place devant toi la vie et la mort, tu choisiras la vie, mais tu pourrais aussi choisir la mort. Et dix jours après il y a le jour du pardon c'est-à-dire que les compteurs sont remis à zéro. Le jugement a eu son effet de réveiller la conscience., de pouvoir recommencer. Là encore les rabbins ont essayé de chercher un événement historique lié au jour du grand pardon. Des calculs savants et précis les ont amenés à trouver que ce jour correspond à la faute du veau d'or. Moïse a commis la faute du veau d'or et Moïse est monté intercéder, prier l'Eternel et Dieu a dit "j'ai pardonné comme tu m'as demandé". Dieu est créateur, Dieu est libérateur, Dieu est Sauveur. Les trois types de fêtes du calendrier hébraïque
rappellent en quelque sorte les trois dimensions, les trois attributs
de Dieu. Dans l'infini de ses attributs, il nous en a révélé
trois et le peuple d'Israël à travers ses fêtes
soit à l'époque du Temple, soit aujourd'hui à
travers ses liturgies rencontre Dieu à travers ses différents
visages. Le Sabbath est la rencontre du Dieu créateur et au
début du Shabbat, le vendredi soir, le peuple juif reconnaît
que Dieu a créé le monde en six jours et qu'il s'est
reposé le 7°. Je voudrais m'arrêter sur un point particulier de la fête de Pesah. Israël est descendu en Egypte. Il y avait des raisons pratiques à cela, des raisons importantes. Il y avait une famine. Il se trouve que Joseph qui avait été vendu par ses frères pour des raisons que vous connaissez s'est retrouvé vice-Pharaon d'Egypte et a décidé de prendre toute la famille sous sa protection. Et puis la famille de Jacob au nombre de 70 est devenue nombreuse. Au début du livre de l'Exode "Et voici le nom des enfants d'Israël qui sont descendus avec Jacob en Egypte". Le livre s'appelle le livre des noms parce que "voici le nom des enfants d'Israël". Le premier terme signifiant d'un texte biblique contient en lui, en quelque sorte, toute la potentialité du texte. Et voilà que les enfants d'Israël se multiplient. Ils se multiplient dans cette civilisation et voilà que se lève un nouveau roi qui n'avait pas connu Joseph et qui dit à son peuple "Allons, soyons sages, de peur que le peuple hébreu se multiplie et qu'il nous domine. Il commence un certain nombre de décrets qui vont crescendo jusqu'à la noyade des premiers-nés mâles jetés dans le Nil. On ne connaît pas le nom du Pharaon. On discute beaucoup pour savoir qui c'était. C'est important pour le croyant lorsqu'il lit la Bible de s'apercevoir que la société égyptienne est une société où les hommes perdent leur nom. Perdre son nom cela veut dire aussi perdre son âme. Le nom c'est en quelque sorte le programme spirituel d'un individu, c'est sa dignité. Les choses n'existent que parce qu'elles sont nommées. Supprimer les noms, mettre un numéro sur un bras, appeler quelqu'un par sa couleur de peau, par sa morphologie, "toi le petit gros, toi le noir, toi l'Arabe, toi le Juif" c'est déjà le tuer. Les êtres n'existent que parce qu'ils sont nommés. Or la société égyptienne est une société anonyme, une société où le nom disparaît complètement. On ne connaît les hommes que par leur fonction. On nous dit même qu'une femme de la tribu de Lévi dont on ne connaît pas le nom a rencontré un homme de la tribu de Lévi dont on ne connaît pas le nom et ils ont eu un petit bébé. Elle a caché ce bébé pendant trois mois parce que cet enfant était prématuré. La rencontre avec la société égyptienne, c'est la rencontre avec une société fermée où le nom ne peut pas apparaître. C'est une société complètement fermée, un espace clos. Dans une société fermée on ne peut pas sortir. C'est le système totalitaire, la dictature. Dans cette société anonyme dont le nom se perd, il y a trois femmes qui vont jouer leur rôle de femmes, c'est-à-dire de porteuses de vie, de porteuses d'espérance. Celles qui montrent la direction. Le féminin indique la direction, indique la vie. Les hommes souvent sont pris par la guerre, par les conflits et ce sont les femmes qui redonnent l'espérance à l'homme Dans toutes les sociétés, ce sont les femmes qui redonnent l'espérance à l'homme lorsque les hommes deviennent des loups pour l'homme. Trois femmes. Une femme dont on ne connaît pas le nom qui va cacher son bébé trois mois, une sœur dont on ne connaît pas le nom mais qui va suivre le petit panier jusqu'au palais royal et une fille, une princesse dont on ne connaît pas le nom qui va prendre ce bébé et qui va avoir pitié, avoir un sentiment de compassion. Ce petit bébé va grandir. Il va porter un nom, le nom que va lui donner la princesse d'Egypte Moshe, sortant de l'eau, sauveur de l'eau. L'eau c'est le symbole de l'impersonnel. Une des symboliques de l'eau c'est l'impersonnel. Ce Moïse, va être interpellé par Dieu. La première fois qu'il est sorti il a vu un Egyptien frapper un Hébreu de façon cruelle ; il est intervenu ; il a tué l'Egyptien et l'a caché dans la terre. Le lendemain, il a vu deux Hébreux qui se battaient dont l'un avait été sauvé. Et Moïse lui a dit "comment, tu lèves la main sur ton frère ?" Celui qui avait été sauvé lui dit "Est-ce que tu veux me tuer comme tu as tué l'Egyptien ? Moïse s'est désespéré de l'homme. Il y a toujours des forts et des faibles même dans les camps, même dans la détresse. Il y en a qui profitent de la détresse. Moïse se décourage et il s'en va. Et Dieu l'appelle en lui disant qu'il ne faut pas se décourager parce que le feu ne brûle pas toujours, la force ne détruit pas toujours. La preuve : Dieu se manifeste dans un buisson qui ne brûle pas. "Je croyais que le feu brûlait toujours !" - "Non, il y a des feux qui réchauffent, des feux qui éclairent, des feux qui ne brûlent pas." Il y a donc de l'espoir si Moïse se relie à Dieu. Il dit à ce Dieu qu'il ne connaît pas "Quel est ton nom ? " Toute la problématique de Moïse, c'est : "quel est ton nom ?" Si tu es Dieu, tu as un nom. Tu es un être, tu n'es pas un être anonyme, un nom qu'on t'aurait plaqué, le Nil, le Soleil... Non, tu as un nom de toi-même. Dieu dit "Je serai ce que je serai" La fête de Pessah, c'est la fête qui rappelle ce que c'est que la liberté, ce que c'est que la libération que Dieu accorde aux hommes. C'est cette invitation à reconnaître le nom des autres. "Tu n'opprimeras pas l'étranger car tu as été étranger dans le pays d'Egypte" L'expérience de la souffrance, c'est une expérience qui doit réveiller l'amour de l'autre, non pas la haine de l'autre, non pas le sentiment de vengeance. Si tu as souffert, tu feras en sorte que l'autre ne souffre pas. C'est toute la leçon de Pessah. Tant qu'il y a une bouche qui parle, tant qu'il y a un dialogue, tant qu'il y a une rencontre fraternelle, de visage à visage, alors nous sommes dans le temps de la paix et quelque part le visage du Messie est là. Lorsqu'on nie le visage de l'autre, lorsqu'il n'y a pas de dialogue, lorsqu'il n'y a pas de rencontre fraternelle, alors le Messie nous attend. Je suis sûr que ce soir, nous avons contribué à
notre manière, à faire briller le visage du Messie en
construisant cette fraternité et je vous remercie de votre
attention. Débats Question inaudible Plusieurs psaumes parlent de la puissance de Dieu qui a créé le monde, le soleil, la lune, les astres et tout ce qui pousse. Il y a, à un moment donné, une dérive de ce monothéisme, on ne reconnaît plus Dieu comme la source de la vie, mais on donne le nom de Dieu aux forces de la nature. On divinise les forces de la nature. Lorsque Moïse se présente devant Pharaon, il se présente comme un Hébreu, c'est-à-dire celui qui a découvert la mémoire abrahamique. Il faut dépasser la nature pour s'apercevoir que derrière cette nature anonyme et qui fonctionne selon des lois précises presque immuables il y a un être transcendant qui, lui, n'est pas dans la nature, mais qui est au-dessus de la nature, radicalement autre et c'est lui, ce Dieu qui a un nom, qui donne la vie et qui fait fonctionner le monde. Et la preuve c'est que cette nature va être modifiée dix fois. "Si tu ne crois pas je vais t'apporter des démonstrations". Les dix plaies d'Egypte sont des démonstrations en quelque sorte qu'il y a un créateur. Si la nature se justifie par elle-même, elle ne peut pas changer. S'il y a une source extérieure qui fait fonctionner le monde, alors cette source extérieure peut la modifier. L'eau va devenir sang, il va y avoir une invasion de grenouilles...etc Un moment donné, Moïse va dire "quand veux-tu que la plaie s'arrête ?" - "Demain !" Alors demain elle s'arrête. Donc il y a deux conceptions : la conception païenne, le fait de donner des noms de Dieu aux forces de la nature et la conception du monothéisme qui est de dire : il y a un Dieu créateur, c'est pourquoi on peut parler de Dieu-Père qui donne la vie et qui appelle les hommes à gérer cette nature. C'est la bénédiction qui est donnée à Adam et Eve "dominez le monde" et aussi gérer sa propre nature pour ne pas tomber dans la logique de la nature qui est la loi du plus fort.. Donc il faut de nouveau étudier les textes jusqu'à la sortie d'Egypte et les relire à l'aune de cette information, voir qu'en fait il y a une opposition entre deux conceptions. Si tu arrives à cette conception d'un Dieu créateur et libérateur, alors nous pourrons réaliser ensemble une sortie d'Egypte. Autre question Ce que je voudrais dire aussi c'est que j'ai été frappé
par le caractère universaliste de votre discours qui tranche
beaucoup avec l'image que j'avais du judaïsme circonscrit dans
une tradition et de caractère familial. Ce discours universaliste,
je crois qu'il rejoint aussi celui qu'on entend dans le christianisme.
La question que je me pose c'est : comment ces religions monothéistes
qui sont de plus en plus minoritaires peuvent avoir une parole qui
soit entendue dans un monde de plus en plus irréligieux Les hommes à Babel ont voulu proposer un égalitarisme, une uniformité des consciences si bien qu'il n'y ait plus de différence : tous pareils autour du même projet. Et que fait Dieu ? Il descend au milieu des hommes et il mélange les langues. Et ce mélange des langues, cette mise en mouvement de la différence, c'est cela la bénédiction. La bénédiction c'est de vivre dans la différence. Le monde est un monde de différences. Il ne s'agit pas de dire : nous sommes tous égaux. Il n'y a pas d'égalité d'une certaine manière parce qu'il y a des différences de l'ordre de la naissance. Il y a des gens plus forts que d'autres, plus intelligents que d'autres, qui vont courir plus vite que d'autres. Nous ne naissons pas tous de la même manière. La question c'est : comment, malgré ces différences, celui qui a plus peut être responsable de celui qui a moins et comment celui qui a plus ne va pas profiter pour écraser celui qui a moins ? Le monothéisme appelle à une reconnaissance de l'autre et à une responsabilité dans la différence. Le monde va du tohu-bohu vers la différence et la nomination. Dans la Bible, ce n'est pas un scandale qu'un homme soit riche. Ce qui est un scandale, c'est que le riche ne donne pas aux pauvres. C'est pourquoi il y a des règles en disant "tu donneras la dîme pour les pauvres...etc Celui qui a plus il a reçu plus de bénédictions pour gérer en quelque sorte ce que l'autre n'a pas pu avoir. Le judaïsme est entendu comme une fraternité, la reconnaissance de Dieu comme Père universel, mais dans l'harmonie des différences. En ce qui concerne le discours universaliste, je travaille beaucoup les prophètes et je découvre chaque jour un peu plus ce discours universaliste. Quelque part, le judaïsme a raté son universalisme. Il a raté de deux manières. D'abord parce qu'il s'est replié sur lui à un moment donné soit parce qu'il l'a voulu, soit parce qu'on l'a enfermé dans son individualisme. La dimension universelle qui est sortie du judaïsme, c'est le christianisme. Je crois que fondamentalement lorsque Jésus parle à ses apôtres, il leur dit de remettre en marche la dimension universelle d'Israël qui est contenue dans le message abrahamique dès le départ. Toutes les familles de la terre seront bénies par toi !" Le dialogue judéo-chrétien est très important même si nous sommes minoritaires. On peut parler en chiffres, mais les idées ne sont pas quantifiables, elles avancent. Le fait de se rencontrer entre hommes de foi et de bonne foi, de dialoguer, de se reconnaître justement les uns les autres avec humilité, d'apprendre les uns des autres, est une manière de construire notre humanité vers un monde meilleur, vers un monde tel que Dieu voudrait le voir. Ce que nous devons proposer, c'est un exemple de fraternité, un exemple de dialogue. Nous le faisons, mais il y a aussi les forces du mal dans le monde, il y a aussi des guerres. Il ne faut pas se désespérer. Le croyant monothéiste se réfère à un Dieu qui a commencé et qui nous attend à la fin. "Je suis le premier et je suis le dernier" a dit l'Eternel. Tout ce que nous pouvons faire de rencontres, d'échanges, de dialogues, d'enrichissement mutuel fait avancer le but final. Si Israël a un rôle à jouer ce ne peut être que dans le rapport avec les autres religions, dans le dialogue. Si un dialogue est authentique et vrai, on ne peut que s'enrichir mutuellement. Je pense qu'il y a deux aspects dans la religion. A l'origine, il y a le temps théologique, c'est le temps où une religion se forme. Quand une religion se forme, elle est souvent exclusive et elle se construit contre les autres. Puis vient un temps qu'on pourrait appeler le temps éthique. Le temps éthique c'est le temps du partage. On est fort mais on se rend compte qu'on a une responsabilité vis-à-vis d'autrui. Nous dans une société, en Occident, et en France en particulier où justement nous avons la possibilité par la laïcité dans laquelle nous vivons de pouvoir échanger. Il faut prendre cette laïcité comme une bénédiction pour pouvoir justement apprendre à vivre ensemble et à apporter chacun sa pierre à cette fraternité, cette harmonie des croyances pour la gloire de l'Eternel. Question sur le sens du mot sacerdoce On lui a demandé de faire un veau d'or. C'est un homme qui essaie d'arrondir les angles. Alors il a dit "apportez-moi les bijoux des femmes. Il se disait peut-être que les femmes ne voudraient pas donner leurs bijoux. Elles n'ont pas donné leurs bijoux et ce sont les hommes qui ont apporté les leurs et donc les femmes n'ont pas participé à la faute du veau d'or et c'est pourquoi Dieu leur a donné la fête du nouveau mois. Le cohen a une responsabilité de transmission. Le cohen c'est à la fois l'homme du culte mais aussi l'homme qui transmet la Parole. Le prêtre était un enseignant et il devait avoir une vie plus stricte que le commun d'Israël puisqu'il ne pouvait pas épouser n'importe quelle femme mais seulement une femme vierge, il ne pouvait pas rentrer en contact avec un mort. Il avait un certain nombre de règles dans la pureté et dans les relations maritales qui étaient au niveau de l'exigence qu'on attendait de lui. Donc quand je dis sacerdoce c'est dans le sens d'une responsabilité de transmettre. Quand je dis le pouvoir est un sacerdoce cela veut dire c'est une responsabilité vis-à-vis de celui qui a moins que moi. Qu'est-ce qu'être responsable c'est penser à après et en même temps être responsable c'est penser à l'autre. Autrement dit, la définition de la responsabilité en Hébreu c'est penser à ce qui va arriver après pour l'autre. Autrement dit, le pouvoir n'est pas ce que je reçois mais ce que je donne. Dès l'instant où un homme a un pouvoir, du point de vue de Dieu, c'est qu'est-ce que tu fais de ce pouvoir ? Est-ce que tu le gardes pour toi ? Est-ce que tu veux augmenter ce pouvoir ? ou bien est-ce que tu prends conscience qu'il y a autre que toi et tu fais en sorte que l'autre va mieux vivre, va être ton petit frère que tu prendras en charge. Question sur l'intégrisme et sur la langue utilisée
par Jésus L'intégriste c'est un fanatique c'est-à-dire quelqu'un
qui marche en regardant vers Dieu sans se rendre compte qu'il écrase
son voisin. Le fanatique fait comme l'idolâtre, il donne le
nom de Dieu à ses propres pulsions de mort appliquées
sur les autres. Je ne le connais pas beaucoup. Je l'inviterai à compléter
lui-même la présentation que je vais faire. Habituellement
enseignant au Centre Edmond Fleg et président de l'Association
Abad Holam, (amour éternel), il vient de publier "ces
hommes qui parlaient" qui est une réflexion sur le prophétisme.
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