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Conférences 2002

 
 
Le prophète Osée "je t'aime... moi non plus"
 
 
par le M. le Rabbin Philippe Haddad
 
 
11 mars 2002 
 
     
 
Présentation par Fabienne Gallic

     Vous êtes rabbin. Vous êtes toujours rattaché au Consistoire de Paris. Vous êtes actif dans le dialogue judéo-chrétien. Vous collaborez à des journaux tels que Témoignage Chrétien et vous êtes ouvert au dialogue interreligieux ; vous avez écrit plusieurs ouvrages dont "Pour expliquer le judaïsme à mes amis", "Epreuves d'espérance" et "Le rabbin catalan de la tolérance". J'ai bien aimé ce que vous mettez à l'entrée de ce livre "L'homme demanda à Joseph : que cherches-tu ? Il répondit, je cherche mes frères". Vous allez nous parler aujourd'hui du prophète Osée et je vous laisse la parole.

Intervention de Philippe Guibard

     Je veux vous présenter les personnes qui vous accueillent autour de Philippe Haddad : Fabienne Gallic, une paroissienne, Madame le Pasteur Isabelle Pierron bien connue de cette communauté de St Germain et chez qui nous irons pour écouter à nouveau Philippe Haddad, le 21 mai (au Centre Protestant de Robinson 36, rue Jean Longuet Châtenay).

     Cher Philippe Haddad, vous avez découvert dans votre foi juive, dans vos racines qui sont aussi les nôtres, que tous les hommes ont le même Père céleste et donc que tous sont frères. Aussi on peut comprendre que le conflit impitoyable qui oppose deux peuples, le peuple Israël, le peuple de l'Alliance et le peuple palestinien vous touche encore plus charnellement que nous. S'il est un lieu où il faudra selon votre belle expression "recoudre la fraternité", c'est bien là-bas. Mais nous, nous sommes ici. Alors de tout coeur et au nom de la Communauté Chrétienne de Robinson si Isabelle me le permet et de celle de St Germain, je vous remercie de venir nous rappeler que nous avons tous un seul père qui nous appelle à vivre en frères. Vous dites dans "Epreuves d'espérance" : "ceux qui oublient la fraternité sont en errance mais ceux qui la construisent sont en exil. Ils marchent toujours vers le retour, car l'exil n'est que la longue et lente marche du retour."

     C''est un signe des temps et une grâce qu'un rabbin se trouve dans un lieu de culte chrétien, dans une église devant un public majoritairement chrétien, un signe des temps, une bénédiction qui est finalement le résultat, la conséquence d'un travail qui a été élaboré depuis des années, où Juifs et chrétiens se rencontrent, dialoguent et essayent d'avancer, que ce soit au niveau des institutions, au niveau de nos grands représentants, le Pape, le Grand Rabbin, ou que ce soit par des rencontres à la base.

     Ce soir je vais vous présenter quelques aspects d'un prophète d'Israël, Osée, en Hébreu Hoséa. Avant de lire les deux chapitres que je vais commenter, je vais commencer par exposer succinctement quelques points sur le prophétisme tel que cette notion est entendue dans la tradition juive. Qu'est-ce que le prophétisme et d'une certaine manière en quoi le fait de se trouver ensemble ce soir, juifs et chrétiens, dans ce lieu de culte, et de prière, en quoi cette rencontre peut avoir une dimension prophétique ?

     La grande découverte du prophétisme des Hébreux, (on ne dit pas les juifs dans la Bible, on dit les Hébreux), les descendants d'Abraham, Abraham l'Hébreu celui qui passe, "ibri" l'Hébreu, celui qui passe de l'autre côté, celui qui quitte la Chaldée, la Mésopotamie, qui traverse l'Euphrate pour aller vers la terre promise, celui qui traverse une rivière non seulement sur le plan spatial et géographique, mais celui qui quitte le paganisme, le polythéisme pour découvrir le Créateur, le Père, le Créateur des cieux et de la terre qui a façonné tous les hommes à son image.

      La grande découverte des prophètes hébreux qui sont finalement nos témoins, c'est la découverte d'un Dieu qui parle. Si l'on entend le texte de la première Alliance depuis la Genèse, "Au commencement Dieu créa le ciel et la terre" jusqu'au dernier prophète Malachie, la découverte du prophète, c'est la découverte d'un Dieu qui parle, il appelle ses serviteurs : "Abraham ! Abraham" - "Moïse ! Moïse !" - "Samuel !" La découverte du prophétisme est la découverte d'une relation entre le Dieu créateur, appelé aussi le Père, et puis sa créature la plus achevée : l'homme, Adam et Eve, et les fils d'Adam, l'humanité que nous sommes. La découverte donc, d'une relation.

     La démarche prophétique n'a rien à voir avec la démarche philosophique. Le philosophe parle d'un Dieu qui se pense, si on reprend la formule d'Aristote. Dans la pensée il y a une dimension impersonnelle. Aujourd'hui, les ordinateurs par exemple, sont des systèmes de pensée impersonnels. Ils pensent plus vite que nous. Ils savent aller beaucoup plus loin que nous et pourtant, cela reste des machines. Aucune machine ne sourira. Peut-être qu'on arrivera à fabriquer des machines qui sourient, mais cela n'a rien à voir avec un visage qui sourit.

     Le penseur est seul, le philosophe est seul, il chemine seul pour essayer de découvrir la vérité qu'il va contempler tout seul. Le prophète n'est pas seul. Le prophète rencontre Dieu. Il est appelé par Dieu et il peut appeler Dieu. Dans toutes les synagogues du monde, ce samedi, ce sabbat, nous allons commencer le troisième livre du Pentateuque, le livre du Lévitique. Les traducteurs latins ont entendu ce troisième livre comme celui qui concerne la tribu de Lévi qui était consacrée au service du temple, qui n'avait pas de terre, qui n'avait pas d'héritage dans la Terre Promise, mais qui était consacrée à l'Eternel. Car l'Eternel est son héritage. En Hébreu le Lévitique s'appelle wayyiqra. Wayyiqra veut dire "il appela". Le sujet est Dieu. Dieu appela. Le complément c'est Moïse. Dieu appela Moïse depuis ce qu'on appela "la tente d'assignation" " 'ohel môed ".qui en Hébreu signifie la tente du rendez-vous.

     C'est plus qu'une assignation juridique. C'est un rendez-vous c'est-à-dire que Dieu donne rendez-vous à l'homme et l'homme peut donner rendez-vous à Dieu. Ce rendez-vous est possible par l'appel des noms, la reconnaissance des noms. Dieu appelle l'homme et l'homme peut appeler Dieu car Dieu a un nom. Dans la tradition juive, par respect pour le nom de Dieu, on ne le prononce qu'au moment de la prière, Adonaï, pluriel de majesté qui signifie Mon Seigneur. Mais dans l'étude on ne prononce pas le nom de Dieu, on dit ha-Sem, le Nom, celui qui a un nom appelle ses créatures par leur nom.

     C'est la première dimension du prophétisme, la découverte du Dieu qui parle. La différence entre la pensée et la parole, c'est que la pensée peut être solitaire alors que la parole implique immédiatement une relation. Pour parler, il faut être deux, celui qui parle et celui qui entend. Et ensuite celui qui entend peut, à son tour, parler et celui qui a parlé peut entendre. Il y a cette dialectique de la rencontre et la parole devient l'entre-deux, un lien entre deux êtres qui sont radicalement différents et qui peuvent être tout proches en même temps par la parole.

     La découverte du prophétisme, de ce Dieu qui parle, va encore plus loin. C'est la découverte que toute réalité du monde est parole, c'est-à-dire qu'il n'y a pas d'élément insignifiant ou anonyme dans le monde, mais chaque élément du monde est porteur d'une parole, de la trace de Dieu, de la volonté de Dieu. Dieu a créé le monde à l'origine et les rabbins qui étudient le texte avec le microscope et avec beaucoup de minutie comptent le nombre de fois où il est dit "et Dieu dit" dans le premier chapitre de la Genèse et ils trouvent dix fois l'expression "et Dieu dit". "Et Dieu dit : que la lumière soit", "et Dieu dit : que les eaux d'en-haut se séparent des eaux d'en-bas..." jusqu'à "Et Dieu dit : faisons l'homme à notre image".

     Dans ces dix paroles prononcées à l'origine, il y a certainement un lien avec les dix paroles du Décalogue. Tous les éléments du monde sont créés et il se trouve qu'en hébreu le mot "chose" est le même terme que le mot "parole". Il s'agit du mot "dabar". Dabar signifie à la fois une chose, un objet concret et une parole. Chaque langage est structurant de la pensée. La grammaire est structurante de la pensée. La parole établit la relation qu'une culture, qu'un génie culturel établit avec son environnement. Qu'en hébreu, le terme dabar signifie à la fois la chose et la parole est signifiant sur le plan du prophétisme. Cela signifie que chaque élément du monde est parole. Et d'une certaine manière, la démarche du prophète, c'est d'être une oreille tendue pour écouter cette parole qui peut surgir des lieux les plus inattendus.

     C'est, par exemple, l'expérience de Moïse. Moïse est dans le désert. C'est un lieu vide, un lieu insignifiant parce qu'un grain de sable ressemble à un grain de sable. Et de temps en temps, il y a des petits arbustes insignifiants dans le désert. Et voilà que Moïse va rencontrer Dieu la première fois, justement à partir d'un élément anonyme de la nature, le buisson, le seneh en hébreu qui donne le Sinaï. Le mot Sinaï, cela veut dire la colline du seneh, la colline du buisson. Il s'aperçoit que ce buisson est porteur de sens, est porteur de parole.

     D'abord il s'aperçoit que le feu enveloppant ce buisson ne le dévore pas. Il peut donc exister des pouvoirs qui ne détruisent pas le plus faible. Il peut donc exister des pouvoirs qui sont des sacerdoces et non pas des volontés hégémoniques de dominer. Il y a donc des feux qui peuvent caresser et non brûler.

     Mais la démarche prophétique, ce n'est pas seulement de voir. La démarche prophétique, c'est d'entendre. Et lorsqu'on étudie les textes, on s'aperçoit que les choses commencent toujours par la vision et s'achèvent toujours par l'écoute. L'option du judaïsme, c'est "écoute". "Ecoute, Israël, l'Eternel notre Dieu, est Un". "Vous n'avez pas vu Dieu, vous avez entendu la voix", répètera Moïse dans le Deutéronome. Tout commence par la vision et tout se termine par l'écoute parce que la vision est toujours hégémonique, totalitaire. (on ouvre les yeux, on voit le monde), tandis que pour écouter, il faut être deux, il faut établir la relation éthique.

     C'est la première découverte du prophétisme. La deuxième dimension du prophétisme, que je soulignerai, c'est la dimension de la mémoire. Lorsqu'on lit dans un dictionnaire la définition d'un prophète, c'est un devin, celui qui prédit, celui qui prévoit, celui qui voit avant, celui qui dit avant. En fait lorsqu'on regarde les différents textes, on voit que les prophètes sont d'abord des hommes de la mémoire plutôt que des hommes de l'avenir. Ou pour le dire autrement, l'avenir n'est éclairé que dans la mesure où la mémoire est éclairante.

     Le travail des prophètes c'est plutôt de rappeler en particulier à Israël, mais aussi aux nations, car si Dieu est le Dieu de tous les hommes et de tous les peuples, alors les prophètes parlent aussi aux nations. Les prophètes activent la mémoire. Cela dit, on pense à des ordinateurs, quand on dit activer la mémoire, mais ce sont des hommes qui rappellent sans arrêt qu'il s'est passé quelque chose de très important à l'origine, une Alliance, c'est-à-dire, une rencontre engageante entre Dieu le Créateur et l'homme. La Bible enseigne des Alliances successives, l'Alliance avec Noé, l'Alliance avec Abraham, l'Alliance avec Israël au Sinaï et on parle aujourd'hui davantage de la première Alliance et de la deuxième Alliance que de l'Ancien Testament et du Nouveau Testament.

     Les Alliances nouvelles n'annulent pas les anciennes Alliances, elles leur donnent une nouvelle dimension mais ne les abolissent pas. Ce qui est conclu avec Abraham n'annule pas ce qui a été conclu avec Noé et ce qui a été conclu avec Israël n'annule pas ce qui a été conclu avec Abraham ou avec Noé. C'est toujours la même parole qui s'exprime et en fonction des récipiendaires, tel ou tel aspect de la parole de Dieu est mis en évidence.

     Donc les prophètes sont des hommes de la mémoire qui rappellent qu'il s'est passé quelque chose d'important, une alliance. En hébreu pour parler d'une alliance contractée on dit "couper une alliance", en hébreu " likrôt berit ". Le propre d'une Alliance c'est un partage. Partage des responsabilités, Dieu donne la grâce de la vie, donne la grâce de la parole et les hommes sont appelés gestionnaires de cette grâce et gestionnaires de cette parole. Les prophètes sont des hommes, parfois des femmes qui rappellent justement que les hommes ne doivent pas oublier.

     On pourrait dire que naturellement l'homme est porté à l'amnésie peut-être pour oublier les responsabilités qui sont les siennes et qui sont les responsabilités de son humanité même. C'est vrai qu'en exergue, j'ai souligné ce dialogue entre Joseph et cet inconnu du désert, cet inconnu qui dit à Joseph "que cherches-tu ?" et il répond " 'et-'ahaï 'anoki mebaques " "Je cherche mes frères". On pourrait penser aussi aux deux premières questions que Dieu pose à l'homme à l'origine, lorsque Dieu dit à Adam "où es-tu ?" après la faute. Bien sûr que Dieu savait où était Adam, mais est-ce que Adam savait, lui, où il était. "Où es-tu", veut dire "où en es-tu ?"

     La deuxième question que Dieu va poser, c'est celle qu'Il pose à Caïn après son meurtre. Il lui dit "où est Abel, ton frère ?" et Caïn répond "est-ce que je suis le gardien de mon frère ?" La bonne réponse c'est "oui, tu es le gardien de ton frère". Dieu à l'origine pose des questions à l'homme, à tout homme (nous ne sommes pas encore dans l'histoire d'Israël, nous sommes dans l'histoire de l'humanité. Adam est notre père à tous.) Les questions que Dieu pose à l'identité humaine individuellement et collectivement, c'est toujours ces mêmes questions. "Où en es-tu ? Où est ton frère ?" Comment se situer par rapport à soi-même ? Pour un croyant cela signifie aussi : comment se situer par rapport à Dieu et comment se situer par rapport à notre prochain. " Tout autre " est notre frère . En hébreu c'est très simple à dire pour dire autre on dit" 'aher ". ah, et ah c'est le frère. Et il se trouve que le mot " iha " signifie coudre, c'est pourquoi tout autre est un frère potentiel avec qui je peux coudre de la fraternité.

     Certains ont partagé la même matrice parce qu'ils descendent de la même mère ou du même père, alors ils sont frères sur le plan physiologique, biologique. Mais comme nous descendons tous de Adam et Eve et que Dieu a créé un seul homme et une seule femme qui sont à l'origine de l'humanité, alors nous sommes tous frères. Tout "autre" est un frère qui appelle cette couture. Il faut l'entendre en hébreu pour se rendre compte de cette évidence très simple que tout "autre" est frère et qu'il s'agit de construire, de coudre du lien comme on dit en français coudre, tisser des liens ou en découdre lorsque ça va mal.

    

     Donc la fonction des prophètes c'est de rappeler qu'il y a un travail de fraternité à réaliser et peut-être que la première mémoire des hommes c'est justement de se rappeler qu'ils ont un même père comme dit d'ailleurs le dernier prophète, Malachie, "N'avons-nous pas un seul père ?" C'est cette évidence qui a peut-être été oubliée un jour qui est à l'origine des conflits : "mon père est meilleur que ton père", "ma religion est meilleure que la tienne" ou "mon idéologie, ma politique est meilleure que la tienne", "ma manière de servir Dieu est meilleure que la tienne". A partir de là, les conflits commencent.

     Tout peut être relativisé si finalement nous nous rendons compte que les voies qui mènent à l'Eternel sont aussi nombreuses que les visages humains, comme dit cette formule du Talmud "de la même manière que les visages sont différents, les pensées sont différentes". Il suffit de regarder simplement nos propres communautés. Le judaïsme n'est pas Un, il est pluriel. Le christianisme n'est pas Un, il est pluriel. L'Islam n'est pas Un, il est pluriel. Pourquoi y a-t-il toujours de la protestation, de la rupture ? Parce qu'il y a de la différence et que le grand défi des hommes créés à l'image de Dieu, c'est d'assumer justement ces différences et de coudre ces différences non pas pour les abroger, non pas pour les supprimer, mais pour fabriquer un très beau costume d'Arlequin.

     Je vais maintenant passer la parole aux personnes qui doivent lire les deux premiers chapitres d'Osée.

(Lecture des deux premiers chapitres d'Osée.)

     La Bible est un curieux livre de foi. Ce n'est pas un livre qui expose les principes de la foi, c'est un livre qui raconte une histoire, l'histoire de l'humanité d'abord, l'histoire d'Israël ensuite à l'intérieur de l'humanité, et cette histoire est faite de hauts et de bas, de fidélités et d'infidélités, de mémoire et d'amnésies, de grandeur et de chutes. C'est un curieux livre Israël a gardé précieusement dans sa mémoire, dans ses écrits, sur des parchemins sans effacer un seul mot. C'est une sorte de paradoxe de garder des textes qui sont aussi durs vis-à-vis d'Israël, qui remettent en cause cette identité. Celle que Dieu a appelée au Sinaï à être royauté de prêtres et nation sainte est bousculée, vilipendée par les prophètes sans la moindre retenue. Curieux livre donc que ce livre de la foi et en même temps livre honnête qui ne cache pas les failles, des hommes et des collectivités, des peuples.

     On dit que le Messie descend de David. David le psalmiste est aussi celui qui a envoyé Ouri au front pour prendre Bat-seba. Et de cette union naîtra Salomon qui construira le Temple, la Maison de Dieu pour toutes les familles de la terre. Israël est sorti d'Egypte et a reçu le Décalogue au Sinaï. Quarante jours après, pris de panique en l'absence de Moïse, il se fabrique un veau d'or. Moïse va plaider pour Israël. Il brise les tables. Pendant quarante jours, il n'y a plus de Loi, le peuple est maintenu par la grâce de Dieu puisqu'il n'y a plus de Loi. Quarante jours après, le 10 du mois de tichri, Dieu pardonne. Ce sera à l'origine du grand pardon, le jour de l'expiation, le jour de Kippour, donc le 10 du mois de tichri, et Dieu redonne la deuxième table.

     C'est un curieux livre qui est une sorte de miroir de l'âme humaine. Chaque homme, chaque peuple s'il veut être honnête peut se retrouver dans la grandeur des personnages et dans leur chute. C'est ce texte-là qui est gardé en mémoire et qu'Israël doit préserver dans un rouleau de Torah, dans un rouleau du Pentateuque enfermé dans l'armoire de la synagogue. Si jamais il y a une lettre à peine effacée, ne serait-ce qu'une lettre un petit peu coupée parce qu'il y a un peu d'encre qui a sauté, la lecture publique du rouleau est interdite. On ferme le rouleau et on prend un autre rouleau jusqu'à ce qu'on ait réparé le rouleau. On préserve cette histoire parce que l'histoire des hommes n'est pas faite que de moments euphoriques, de grands moments d'extase mystique. L'histoire est faite de hauts et de bas, de fidélités et d'infidélités.

     Hôsea, Osée signifie sauveur. C'est certainement la même origine que Josué et certainement aussi que Jésus. Hôséa est un prophète qui exerce son sacerdoce dans le Royaume du Nord. On sait qu'à la mort de Salomon, il y a un schisme entre le Royaume du Nord et le Royaume du Sud. Le Royaume du Nord, le royaume d'Israël, le royaume d'Ephraïm, le fils de Joseph et le Royaume du Sud, le Royaume de Juda. En -720, le royaume du Nord sera complètement effacé de la carte par l'invasion des Assyriens et dix tribus sur douze vont disparaître, il ne restera que le royaume du Sud, le royaume de Juda qui donnera ensuite les judéens, juifs en français.

     Les juifs sont descendants des judéens. Hôséa s'adresse à ses contemporains du Royaume du Nord et il doit rappeler à ses frères et soeurs du royaume du Nord la fidélité. Tout à l'heure j'ai parlé du travail de mémoire que devait réaliser le peuple et le prophète comme un garde-mémoire, comme un allumeur de réverbères si on peut dire, un porte-parole pour réveiller les consciences endormies.

     Les prophètes ont peu de pédagogie si on pense à la pédagogie d'aujourd'hui au catéchisme où on sait que les professeurs font très attention à la manière dont on enseigne aux jeunes. Il y a des classes, il y a des niveaux. Les prophètes sont travaillés par l'urgence d'une situation. On peut présenter la pédagogie des prophètes sur un tryptique :

Première méthode prophétique : la réprimande, et Dieu sait si cette réprimande est décapante parfois. On l'a vu, on l'a entendu.

Deuxième méthode : la consolation, dire qu'on aime ceux qu'on réprimande. C'est important. On peut critiquer Israël mais de temps en temps, Israël a besoin d'entendre qu'on l'aime. On ne peut pas toujours dire "vous devez être à la hauteur du projet qui vous est confié". Alors le prophète, de temps en temps console. La main gauche pousse, dit le roi Salomon, et la main droite caresse.

Troisième méthode : parfois le prophète va aussi user des signes, soit les signes du vocabulaire, soit des attitudes presque théâtrales pour éveiller la conscience de ses contemporains.

     Imaginez Hoséâ, prophète ès-qualité, reconnu comme celui qui parle sous l'inspiration du Très-Haut se rendant dans le quartier de Pigalle, par exemple, pour aller chercher une femme de prostitution parce que l'Eternel lui a dit "va chercher une femme de prostitution !" Vous imaginez l'étonnement des contemporains d'Hoséâ. Que fait-il dans ce quartier, lui qui devrait rester du côté des maisons d'étude et des maisons de prière.

    Le voilà qui change de quartier et il va épouser une prostituée et cette femme va lui donner des enfants, des enfants de prostitution, avec des noms étonnants : Izréel, Dieu a semé ou Dieu sèmera, Lo-Ruhamah, non-aimée, Lo-Ammi, non mon peuple. Imaginez cette Madame Hoseâ se promenant maintenant dans le jardin du Luxembourg. Les enfants sont en train de jouer au bac à sable et voilà maman qui appelle ses enfants "Non mon peuple, non aimée ! on rentre à la maison, il est tard !" Vous imaginez les mamans en train de surveiller leurs rejetons entendant "tu n'es pas mon peuple, tu n'es pas aimée !"

     C'est la pédagogie du prophète. Le prophète doit bousculer, doit réveiller de toutes les manières possibles, la conscience endormie de ses contemporains.

     Le service de Dieu appelle toujours une vigilance, appelle un état d'éveil. La répétition n'est jamais bonne. Dans le chapitre 11 du Deutéronome, l'Eternel qui parle par la bouche de Moïse dit "et si vous écoutez les commandements que je vous donne aujourd'hui d'aimer l'Eternel votre Dieu." Aujourd'hui ! Est-ce aujourd'hui que Dieu a donné la Torah, la parole. C'est à l'époque de Moïse et la tradition dit "tu dois considérer qu'aujourd'hui la parole de Dieu a été donnée".

    La Parole de Dieu n'est pas une vieille dame. C'est une expérience amoureuse qui commence chaque jour, chaque fois. Dans la tradition juive cela s'exprime par l'accomplissement des commandements. Chaque commandement accompli est une manière de dire "je m'engage aujourd'hui dans l'amour de Dieu, dans le service de Dieu". D'une façon plus générale, le service de Dieu appelle un état d'éveil, ne pas faire les choses par habitude, par répétition, mais toujours renouveler comme si c'était la première fois et comme si c'était la dernière fois.

     Quel est le sens de cette démarche, de ce curieux mariage effectif et de cette nomination. C'est afin de renvoyer au peuple une image de sa conduite. La Bible est un livre parfois difficile, mais c'est un miroir de l'âme humaine. La vie du prophète est un miroir de ses contemporains. Regardez le prophète et vous vous verrez vous-mêmes. Finalement l'étonnement des contemporains de Hoséâ ne devrait pas tellement être suscité car c'est le peuple qui, d'une certaine manière, se prostitue, qui oublie l'Alliance avec Dieu. Ce que le prophète réalise, ce n'est que mettre en évidence ce que le peuple lui-même est en train de vivre. On se rend rarement compte de ses défauts. En général, on voit les défauts chez les autres. La Tradition dit " quand on voit les défauts de quelqu'un, c'est son propre défaut qu'on voit ". Si quelqu'un est voleur, il voit les gens voleurs, si quelqu'un est menteur, il voit les gens menteurs, si quelqu'un est médisant, il voit les gens médisants. C'est sa propre expérience qui permet de voir les défauts. On connaît la parabole de la poutre et de la paille et le prophète renvoie au peuple Israël sa propre faiblesse.

     La relation avec Dieu serait une relation maritale. C'est un thème très important de la tradition prophétique et amplifié ensuite par la tradition juive. La relation à Dieu est entendue sur différents modes. En particulier les fêtes juives, les fêtes du calendrier renvoient chacune à une dimension particulière de Dieu. Le sabbat, le septième jour renvoie au Dieu créateur, la fête de Pâque renvoie au Dieu libérateur, la fête de Pentecôte renvoie au Dieu législateur, la fête des cabanes renvoie au Dieu protecteur, la fête du nouvel an renvoie au Dieu juge, juge de l'humanité et la fête du grand pardon renvoie au Dieu rédempteur, celui qui pardonne. Dans tous ces cas de figure, la relation est plutôt verticale. C'est Dieu qui est au-dessus et qui offre sa grâce de la vie, de la liberté, de la Loi, de la protection, du pardon. Mais nous voyons déjà dans la Bible une allusion à une relation maritale : "Vous ne vous prostituerez pas après vos yeux et après votre coeur". Le mot de prostitution est entendu comme l'infidélité.

     La fête de Pentecôte, la fête des semaines, voit dans la révélation du décalogue le mariage entre Dieu et Israël. L'époux serait Dieu, l'épouse Israël, le Sinaï serait une sorte de dais nuptial, Moïse serait le rabbin ou le prêtre de la cérémonie, la Torah serait l'acte de mariage et les dix commandements seraient l'anneau de l'Alliance. On a tous les ingrédients pour un mariage. Mais c'est entre autre Osée, Hoséâ qui va mettre en évidence cette relation maritale c'est-à-dire que la relation à Dieu n'est pas seulement une relation verticale, le Créateur par rapport aux créatures ou le libérateur par rapport aux opprimés, mais aussi le mari par rapport à l'épouse. Ce n'est pas le même rapport, bien sûr, si la relation est verticale ou si elle est horizontale. La relation verticale, c'est une relation de protection, de grâce et de gratuité. Finalement les enfants, à la maison des parents, reçoivent le couvert, la vie et le logis. Dans une relation maritale il y a davantage la notion de responsabilité et de partage et si la communauté d'Israël est l'épouse de Dieu, il y a le même rapport que l'homme par rapport à la femme et lorsque la femme, Eve, va être créée, Dieu dit "je vais faire un ' ézer kenegdo ", un compagnon ou une compagne en vis-à-vis.

     De la même manière que la femme est compagnon vis-à-vis de l'homme, de la même manière, Israël devient vis-à-vis, alter ego, vis-à-vis de Dieu. Et il y a une responsabilisation beaucoup plus importante de la notion d'Alliance puisqu'il s'agit là d'un véritable partage. Le mariage est entendu comme un partage de responsabilités. Or le fait qu'Israël abandonne cette responsabilité de l'Alliance pour aller courir vers d'autres dieux, les amants, c'est affaiblir le sens de cette alliance et ce n'est pas permettre à Dieu d'être connu dans le monde.

     Qui sont les amants ? Les amants sont appelés Baals. Baal, c'est un dieu cananéen. Il en existe plusieurs, par exemple : Baal-Péor qui a donné Belphégor, Baal-Zebul à l'origine de Béelzébuth, Baal-Berit également, maître de l'alliance. En général, le dieu Baal, dans les découvertes que nous avons faites des cultes cananéens, correspond à des dieux de la sexualité, de la fécondité ou de la pluie, c'est-à-dire des dieux de la nature qui sont très importants dans la société cananéenne parce que c'est un pays qui n'a pas d'eau.

     La terre de Canaan est un pays qui n'a pas d'eau. Il y a juste le Jourdain. Mais l'Eternel a déjà dit "je vous conduis vers un pays où les yeux doivent être tournés vers le ciel", contrairement à l'Egypte parce que l'Egypte a le Nil qui déborde régulièrement tandis que dans le pays de Canaan, la terre promise aux promesses, la promesse de l'eau dépend du regard vers le ciel. Donc il n'y a pas d'eau. C'est pourquoi le culte cananéen est un culte qui renvoie aux divinités de l'eau, de la fécondité, de la sexualité. Parce qu'on a besoin de l'eau. Baal signifie en hébreu, le possesseur, celui qui possède. Quand on veut parler d'un propriétaire, on dit un " baal bayit ", un possesseur de maisons.

     Que représente le Baal ? Le Baal représente le culte de l'instinct qui est soit la sexualité, soit le culte qui renvoie à des sacrifices pour obtenir de l'eau du ciel. Toutes les idolâtries dans la Bible, en particulier les idolâtries cananéennes, renvoient à des cultes de l'instinct. C'est pourquoi la Bible met en garde. Lorsqu'on voit dans le Lévitique, la liste des abominations devant l'Eternel, on s'aperçoit que ce sont toujours des conduites de la nature, lorsque l'homme se laisse aller à sa nature la plus basse du point de vue de la révélation de Dieu, par exemple de faire passer ses enfants dans le feu ou bien la zoophilie, ou l'homosexualité qui est condamnée par rapport à la révélation de Dieu.

     Toutes ces conduites sont des conduites qui renvoient l'homme à sa propre nature alors que le culte de Dieu est un culte qui appelle le dépassement de la nature. Le fait de rencontrer Dieu, de dépasser sa propre nature, c'est le sens même de la sainteté, c'est le mouvement de dépassement de sa nature. Lorsque l'homme est lié à sa nature, finalement il est "être de nature" ; lorsque l'homme réussit à gérer sa nature par la Parole de Dieu qui lui est confiée pour s'élever, alors il est dans le mouvement de la sainteté.

     Tous les hommes voudraient profiter des produits de la terre lorsqu'ils ont semé et travaillé, et pourtant la Bible nous dit "lorsque tu moissonneras, tu laisseras un coin pour le pauvre". Qu'est-ce qui oblige à laisser un coin pour le pauvre, qu'est-ce qui m'oblige à ne pas prendre la totalité de ma récolte ? C'est la Parole de Dieu qui fait irruption dans ma conscience et qui dit : le coin sera pour le pauvre. Le fait de laisser le coin pour le pauvre parce que Dieu le demande, c'est m'inscrire dans le mouvement de la sainteté. Je dépasse ma nature gloutonne, totalitaire qui affirme : "si j'ai travaillé, je prends tout". Je dépasse ce rapport totalitaire au monde pour donner la part du pauvre.

     Le Baal renvoie toujours à un culte de l'instinct. Si Israël se détache du projet de Dieu il retombe dans le travers des cultes de l'instinct, des idolâtries condamnées par la Révélation. Dans le culte de l'instinct, l'homme est avec lui-même, l'homme est avec son instinct. Il n'y a pas d'altérité fondamentale, radicale dans l'idolâtrie, telle que la définit la Bible. L'homme est renvoyé à lui-même, à sa solitude et à son instinct. La grande découverte du prophétisme c'est que l'homme est appelé à sortir de sa nature pour rencontrer la Parole de Dieu. Et la Parole de Dieu est obligeante du point de vue du prophétisme. C'est le dépassement de la nature qui fait la relation authentique, l'altérité de l'homme, de l'Hébreu avec Dieu.

     Quel est le sens de la démarche du prophète Hoséa ? Il va épouser une femme de prostitution c'est-à-dire une femme qui, jusqu'à présent, ne connaissait pas la réalité d'une fidélité dans le temps. Une prostituée est une femme qui permet à l'homme d'assouvir un désir dans un temps très bref.

     Il n'y a pas d'alliance avec une prostituée, il n'y a pas de temps qui s'écoule, il y a l'appel d'un désir qui est assouvi et une fois que le désir est assouvi, l'homme va s'en retourner et cette femme est un lieu anonyme par qui les hommes vont passer sans qu'il y ait d'alliance. Le propre d'une alliance c'est la fidélité dans le temps. La notion d'alliance implique le temps. C'est pourquoi les prophètes sont les hommes de la mémoire qui oblige à l'avenir. L'alliance est permanente. C'est pourquoi ce que Dieu a conclu une fois ne peut jamais être aboli et l'alliance est éternelle. Parce que le propre de l'alliance c'est de continuer dans le temps. Qu'une alliance s'ajoute à une autre alliance ne change rien à la pérennité d'une alliance. Elle est éternelle. Elle est dans le temps et comme il s'agit du temps de Dieu, puisque c'est Dieu qui est à l'origine de l'Alliance, alors elle dure le temps de Dieu c'est-à-dire le temps de l'éternité.

     La question de la fidélité d'Israël qui est posée ici c'est : "est-ce qu'Israël va se maintenir dans le temps ou non ?" La facilité c'est de tomber du niveau de la relation à Dieu dans le culte de l'instinct, oublier la responsabilité de l'Alliance. C'est pourquoi Dieu dit : "Lo-Rohamah , tu n'es plus aimée, Lo-Ammi, tu n'es plus mon peuple (non avec moi)". La relation que Dieu établit avec l'homme, nous disent les prophètes, est le reflet de la relation de l'homme avec Dieu. L'homme s'écarte de Dieu ? Réaction : il y a l'éloignement de Dieu. C'est toujours un jeu de miroir, c'est toujours un mouvement de questions-réponses. Si vous m'abandonnez deux jours, je vous abandonnerai le troisième. C'est la logique des relations. Et il faut reconstruire, s'élever de nouveau pour redécouvrir ce que nous avons perdu, pour reconstruire quelque chose.

     Israël perçoit Dieu comme un Baal ou sa relation avec Dieu passe par la dimension du Baal, du Dieu possesseur. Mais ce que Dieu attend, c'est que sa relation à l'homme ne soit pas une relation de possesseur, mais une relation de ischi. "Car viendra le temps, dit l'Eternel, où tu ne m'appelleras plus "mon Baal", mon possesseur, mais où tu m'appelleras "ischi", mon mari, mon homme." Il y a plusieurs termes en Hébreu pour parler de l'homme. Il y a le "Adam" qui veut dire le terreux, le glébeux, celui qui vient de l'humus. Il y a le "Isch". La différence, c'est que Isch désigne toujours l'homme dans sa dimension morale, dans sa dimension relationnelle.

     Isch donne ischa. Le isch ne peut pas être seul, il y a toujours la femme, la ischa. Le isch est l'être relationnel. C'est pourquoi il désigne aussi un être noble sur le plan de la vertu. C'est pourquoi le isch peut aussi désigner un ange. Lorsque Jacob combat contre un ange on dit qu'il combat contre un isch et même dans le cantique de la Mer Rouge, Dieu est appelé isch, l'homme qui mène la guerre " isch milhama " Isch renvoie toujours à l'être relationnel. Si la relation au Baal renvoie l'homme à sa solitude, finalement au culte de son instinct qui est sa propre solitude, la relation à isch renvoie au vrai partenariat.

     A travers le premier enseignement de Hoséa, on nous dit qu'il y a deux manières de servir Dieu. La première manière, celle qui consisterait à s'accaparer Dieu, est de faire Dieu notre possesseur. "C'est Dieu qui m'a créé comme cela, je suis violent, c'est ma nature, c'est Dieu qui a fait que je suis violent". Lorsque Dieu a demandé à Caïn : "pourquoi tu as tué ton frère ?" Caïn dit "Suis-je le gardien de mon frère ?" Et il y a une lecture du midrash qui dit "le gardien de mon frère, c'est celui qui dit je" (le gardien de mon frère, moi). "Si toi, Dieu, tu ne voulais pas que je tue Abel, il fallait m'empêcher. Si, mon Dieu, tu ne voulais pas qu'il y ait des avions qui crashent sur des tours, il fallait empêcher les avions de le faire. Si, mon Dieu, tu ne voulais pas qu'il y ait des enfants israëliens ou palestiniens qui meurent de la folie des hommes, tu n'avais qu'à désamorcer les bombes". C'est la manière de posséder Dieu. C'est la relation aux Baals. Ce n'est pas une relation responsabilisante. La responsabilité c'est le fait de dépasser son instinct. La responsabilité c'est de voir après pour l'autre. C'est le contraire de la conduite instinctive.

     La deuxième démarche religieuse c'est d'assumer la relation en face à face avec Dieu, non pas Dieu appelé Baal mais Dieu appelé Isch, c'est-à-dire l'homme et à ce moment-là tout croyant est d'une certaine manière dans la dimension féminine par rapport à Dieu. Et la dimension féminine, c'est la dimension de l'accomplissement, c'est la dimension de la direction. En hébreu pour indiquer la direction, on met les mots au féminin. La féminité est porteuse du projet de Dieu. Dieu construit le monde par le ventre des femmes et vous remarquerez que lorsque les femmes agissent dans l'histoire, Dieu n'agit pas, parce que les femmes ont la direction du couple et ont la direction de l'histoire. Chaque fois que les femmes agissent dans l'histoire Dieu dit : Amen !

     Dieu parle moins aux femmes qu'aux hommes parce que les femmes naturellement, instinctivement, sont déjà les porteuses de l'espérance. La dimension de ischa dans la relation à Dieu, c'est la dimension de la construction de l'histoire, non pas dans le sens de l'appropriation de Dieu en tant que Baal, mais la responsabilisation de l'homme par rapport au projet de Dieu qui lui est confié.

Conclusion

     Je terminerai en disant qu'il n'est pas très fréquent qu'un rabbin se trouve dans une église pour porter la Parole. Il ne faut pas vous étonner si certains rabbins n'ont pas la même démarche. Les choses se construisent lentement. Pour moi c'est une grâce de participer régulièrement au dialogue interreligieux, c'est aussi ma responsabilité, c'est une manière de gérer la grâce que Dieu me donne que de m'engager et de répondre chaque fois que je peux, positivement, aux demandes de dialogue interreligieux, en particulier entre Juifs et Chrétiens et ce dialogue on peut l'entendre justement comme une volonté non pas de nous approprier Dieu, mais de construire un peu plus de fraternité, un peu plus de paix, un peu plus de justice. A la fin, le prophète dit "tu seras fiancé avec moi pour toujours par la justice, la droiture, la grâce et la miséricorde." Les deux premiers termes renvoient à Dieu dans son attribut de rigueur et les derniers à son attribut de miséricorde et de charité. Le Dieu de la justice est aussi le Dieu de l'Amour.

 

                                                        

     Question : Je suis orthodoxe. J'ai deux questions : Pourquoi est-ce que c'est mieux l'autre que soi ? et la deuxième question : Comment est-ce que Dieu appelle l'homme ? Est-ce que Dieu n'a de sens que par rapport à l'homme ? Est-ce que Dieu et l'homme c'est comme un cercle et un point, un tout et un petit rien, ou est-ce que c'est comme le vide et tout le reste du monde ?

     Réponse : Est-ce que c'est mieux l'autre que soi ? Il est dit, dans le Lévitique : "tu aimeras ton prochain comme toi-même. Je suis l'Eternel !". Cela signifie qu'il faut s'aimer soi-même, se connaître soi-même. C'est à partir de cette expérience du "je", de l'amour minimum de soi qu'ensuite on peut aller vers les autres. Si on n'a pas une bonne opinion de soi, si on n'a pas un minimum d'amour de soi, si on est en état dépressif de décomposition, de stress, on a du mal à aller vers les autres parce qu'on est enfermé dans ses propres problèmes.

     La Bible ne dit pas "Tu t'aimeras toi-même !" Elle considère que c'est déjà acquis. A partir de là, quand on a une conscience positive de soi, il reste une autre démarche, c'est de rencontrer l'autre. Si je suis moi et s'il y a l'autre, pour l'autre je suis aussi l'autre. On est toujours l'autre d'un autre. Comment faire pour que les "je" et les "tu" vivent ensemble. Tout est dans la relation. Nous ne vivons pas seuls. On n'a un nom que parce qu'on vit avec les autres. On appelle les autres par leur nom. Si on est tout seul, la conscience de soi suffit à soi. Il suffit de résoudre les problèmes de subsistance, manger, se vêtir, se loger.

     De quelle manière Dieu appelle l'homme ? Il l'appelle par son prénom c'est-à dire par le nom que ses parents lui ont donné. Quand Moïse est né on ne sait pas le nom que sa mère lui a donné. Il n'a pas de nom mentionné clairement dans les textes. Lorsque le panier d'osier va arriver devant le palais royal, la princesse dont on ne connaît pas le nom non plus, va prendre cet enfant et va le nommer Mosche. Mosche cela veut dire celui qui fait sortir de l'eau. C'est ce nom que Moïse va garder dans sa mémoire. C'est le nom que lui donne sa mère adoptive qui va devenir sa mémoire.

     La tradition orale dit qu'au moment où Moïse s'est approché du buisson, il a entendu dans sa voix intérieure son nom : Mosche, Mosche. La tradition dit : il l'a entendu comme la voix de son père. Il a dit "est-ce toi, mon père ?" Dieu lui dit "non, je ne suis pas ton père, je suis le Dieu de tes pères". Une tradition dit qu'au Sinaï tous ceux qui se trouvaient présents ont entendu la voix de Dieu comme la voix du père. Dieu parle par notre mémoire intérieure. C'est peut-être la voix du doux silence du prophète Elie et chacun est appelé par son propre prénom.

     Quelle relation ? Est-ce que c'est l'infiniment grand devant l'infiniment petit, l'infini devant le zéro, le vide devant le plein ? Au moment de la rencontre, c'est comme un homme qui parle à son ami et Dieu parla à Moïse comme un homme parle à son ami. Vous voulez savoir comment Dieu parle aux hommes ? Faites l'expérience de l'amitié ! En Hébreu pour dire le prochain, le terme utilisé c'est le mot "réa", ce n'est pas tout à fait le prochain car il y a un mot pour le prochain " qarob ". On traduit "tu aimeras ton prochain comme toi-même", mais c'est plus subtil que cela en Hébreu. Il faut faire de l'Hébreu pour entendre le message des prophètes. Réa c'est un mot antinomique qui signifie une chose et son contraire. En français le mot prescription veut dire à la fois la Loi et l'absence de la Loi, cela veut donc dire une chose et son contraire. Et le mot Réa signifie à la fois le mal, le mauvais et en même temps le berger.

     Cela veut dire que toute relation avec l'autre peut basculer soit dans le négatif, je vois l'autre comme un ennemi, ou bien au contraire j'accepte d'être le berger, je suis le gardien de mon frère. Lorsqu'on arrive à cette expérience de l'amitié, à cette proximité vis-à-vis de l'autre, si on comprend cette relation, on peut avoir une expérience de la relation entre Dieu et l'homme. C'est l'expérience de la tente du rendez-vous " ohel môhed ". Dieu parle à Moïse comme un homme parle à son ami. Est-ce que c'est l'infini devant le zéro? Si on compare en valeur absolue Dieu et l'homme, on va dire que c'est " ketsel ober " comme l'ombre qui passe. Mais au moment de la relation, c'est une relation " d'ézer kenegdo ", parce que Dieu appelle l'homme à parachever ce qu'il a commencé et l'homme appelle Dieu à lui donner la force d'achever ce que Dieu a commencé. Lorsque nous prions Dieu, nous lui demandons : "Dieu, aide-nous à t'aider !".


    Question : Je me pose des questions sur ces cadeaux empoisonnés que Dieu fait à Osée : une femme de prostitution, des enfants aux noms bizarres. Qu'est-ce que c'est que la séduction de Dieu ?

     Réponse : La caractéristique du phénomène prophétique c'est que le prophète n'est plus libre d'échapper à Dieu. Il est séduit. C'est la découverte de la vérité de Dieu et de la vérité de son message qui fait que le prophète ne peut pas faire autre chose que d'être le porte-parole de Dieu. Il y a un prophète qui essaie de s'échapper, c'est Jonas, mais il ne pourra pas. Jérémie dit "tu m'as séduit et je t'ai suivi" Moïse essaye de résister un peu "pourquoi moi ?". Mais la grande idée du prophétisme, c'est que la rencontre avec Dieu devient obligeante. La vérité de la rencontre avec Dieu et la vérité du message qui est révélé fait que le prophète ne peut plus faire autre chose que d'accomplir la volonté de Dieu.

     Alors la vie du prophète finalement c'est une sorte de parole de Dieu qui est transmise au peuple. Ici au lieu de dire au peuple "vous vous prostituez, vous abandonnez l'Eternel" Osée va suivre la recommandation, la prescription de Dieu d'aller prendre cette femme de prostitution. Mais cette femme va devenir la femme du prophète, donc elle n'est plus prostituée. Cette femme qui appartenait à tout le monde finalement elle devient la femme d'un homme, elle devient Madame Hoséa. Finalement c'est un message d'espérance: la prostitution peut se transformer en fidélité et cette démarche du prophète Hoséa en même temps bouscule le peuple et finalement ce cadeau empoisonné n'est pas aussi empoisonné que cela, " Gomer Bat-Divlayim " car elle s'appelle " Bat-Divlayim " qui signifie "la fille de celui qui est le gâteau de figues". Gomer Bat-Divlayim ce n'est pas n'importe quelle femme, son nom est très symbolique. Gomer vient de " ligmor " qui veut dire "compléter".

     Avec Hoséa, elle achève sa situation de prostitution, elle entre dans une nouvelle relation qui est une relation dans le temps avec Hoséa et elle prépare un repas. La datte et les figues sont très importants dans la tradition d'Israël et dans le paysage des prophètes. A partir de maintenant elle donne le repas uniquement à un seul homme. Même l'expérience de Hoséa avec cette prostituée devient finalement une union durable qui est justement signe qu'il y a une possibilité de sortir de cette aliénation aux Baals pour reconstruire authentiquement le lien avec Dieu. C'est un message d'espérance.

 

    Question : J'aurai deux questions. La première : vous avez parlé de la dimension verticale et de la dimension horizontale. La verticale, créateur-créature, le très-haut, le petit, la relation horizontale, la relation maritale. Est-ce qu'on pourrait parler d'une certaine égalité avec Dieu. C'est ma première question.

La deuxième : est-ce qu'on ne pourrait pas dire que le fait que la Bible ne retient pas que la fidélité mais aussi toutes les infidélités du peuple, est une preuve que c'est la Parole inspirée. Le livre ne raye pas les péchés du peuple et on a ce livre depuis des siècles.

     Réponse : J'ai parlé en effet de relation verticale, avec le Dieu Créateur, le Dieu libérateur, le Dieu juge et la relation maritale comme la femme vis-à-vis du mari qui apparaît ici dans le discours d'Hoséa. Est-ce qu'on peut parler d'égalité ? Si je pense en Hébreu, la notion d'égalité n'existe pas. Toute égalité entraîne la vanité. Si A égale B, il n'y pas besoin de A ni de B. Il n'y a qu'en mathématiques que A égale B. Mais dans la réalité on ne trouve pas d'égalité parce qu'un homme c'est un infini. Qui sauve un homme sauve le monde entier.

     On ne peut pas comparer Dieu et l'homme. Mais par contre on peut parler en termes d'alliance. C'est-à-dire un partage des responsabilités. Le Dieu de la Bible est le Dieu des commencements. Il n'est pas dit : il y eut un soir, il y eut un matin, jour septième parce que nous sommes dans le septième jour, et à la fin, dans cette rencontre universelle messianique de la fraternité retrouvée, Dieu dira : il y eut soir, il y eut matin, jour septième, ce sera le huitième jour. Donc plutôt que de parler d'égalité, je parle de l'alliance responsabilisante et cela rejoint la première question, c'est-à-dire que l'homme a une responsabilité dans l'achèvement du monde.

     Quant à votre deuxième question : oui, on croit que la Parole de Dieu a inspiré les prophètes lorsqu'ils ont décrit les situations de grandeur et les situations de chute et on doit tout maintenir parce que l'histoire est faite de hauts et de bas. Oui, on peut dire que c'est une manière d'authentifier cette parole. On ne la trafique pas, on ne l'arrange pas. On aurait pu. On ne l'a pas fait..


    Question : Comment parleriez-vous à des bouddhistes ?

     Réponse : C'est une question que les prophètes ne se sont pas posée semble-t-il, car il y a deux formes religieuses exprimées dans le discours biblique, c'est ou le monothéisme, ou l'idolâtrie ou polythéisme qui serait le fait d'avoir oublié à un moment donné de l'histoire humaine, le principe du monothéisme. A partir de Enosh (Gen 4,25) on a commencé à donner le nom de Dieu aux éléments de la nature. Avant, les hommes savaient que Dieu est le créateur des éléments de la nature et à un moment donné on donne le nom de Dieu aux éléments de la nature.

     Le polythéisme serait une occultation du principe monothéiste originel. Du point de vue de la foi biblique, il y aurait un monothéisme originel qui ensuite serait passé à un polythéisme parce que les hommes n'ont pas su garder la relation authentique avec l'être absolu. En fait la démarche d'Abraham, c'est la redécouverte du monothéisme. Pour les prophètes, il y a donc deux voies.

     Aujourd'hui il est évident que la rencontre avec d'autres spiritualités et notamment les spiritualités comme le bouddhisme, fait que l'homme est perçu d'une autre manière que l'homme qui pense ou qui ressent mais aussi dans un état de méditation. Cela oblige à poser la question : que diraient les prophètes de cette situation ?.

     On peut dire qu'il n'y a pas de définition positive de Dieu dans le discours prophétique. Les prophètes ne disent pas qui est Dieu. Même Moïse qui demande à Dieu "fais-moi voir ta face !" Dieu lui dit "l'homme ne peut pas me voir et vivre". Il y a des noms de Dieu comme le tétragramme, comme Elohim, comme Shaddaï. Chaque nom révèle une relation de Dieu avec le monde mais non pas ce que Dieu est en lui-même. L'essence de Dieu ne peut pas être saisie mais seulement l'existence de Dieu, la manifestation de Dieu.

     Il y a à la fois la dimension transcendante de Dieu, insaisissable mais en même temps, le prophète affirme que Dieu est proche de ceux qui l'invoquent avec sincérité (Ps 145). Il s'occupe de l'histoire, il s'occupe de l'humanité. Donc à la fois Dieu est transcendant et en même temps il est proche. Dieu est au-dessus des louanges, au-dessus de toute louange, c'est-à-dire qu'il n'existe pas de mots sauf le silence, comme le roi David a dit : "et pour Toi, le silence est louange".

     Il existe un état de conscience, peut-être hors de la conscience qui est justement une faille du prophétisme. Mais comme les prophètes ne décrivent que très peu leur ascension, leur expérience spirituelle, ce qui a été gardé dans la tradition, c'est le discours concret des prophètes, un discours pragmatique. On peut penser que le lien qui pourrait exister avec les spiritualités d'Extrême-Orient passerait à ce moment-là par la démarche prophétique ascensionnelle, au-delà des mots, au-delà des sensations, et les mystiques juifs qui s'affirment comme les continuateurs des prophètes ont établi des modes de méditation, avec certains mots, certaines postures, qui peuvent faire apparaître des liens avec l'expérience bouddhiste. En effet, là il s'agit de la phase ascensionnelle et de la rencontre avec ce qui est au-delà de toute réalité.


    Question : Au début vous avez dit que ce qui est important, c'est la parole associée à chaque chose. Il y a un mot, un nom associé à chaque chose. Mais avec le mot, le nom, la parole, on risque de construire une idéologie. C'est nécessaire pour avoir quelque chose de signifiant. Mais est-ce que cela ne risque pas d'amener une concurrence avec d'autres idéologies et donc de tomber dans le totalitarisme ? Comment résoudre cette contradiction entre d'une part : elle est indicible et d'autre part, si elle est dicible, à ce moment-là on fait une idéologie qui va avoir un caractère exclusif ?

     Réponse : En fait c'est aussi un des enseignements du prophétisme. C'est que toute expérience humaine peut basculer dans l'idolâtrie. Naturellement l'homme est porté vers l'idolâtrie c'est-à-dire porté à donner le nom de Dieu aux éléments du monde, que ce soit les éléments extérieurs du monde comme les étoiles, ou bien donner le nom de Dieu à ses propres expériences subjectives. Et entre idoles et idéologies, c'est la même racine. Autrement dit la tentation de plaquer des vérités sur des parcelles du monde et de prendre ces parcelles pour le tout. Il y a le risque de faire de chaque chose une parole et les prophètes nous mettent en garde. C'est-à-dire pour reprendre les termes de Hoséa, l'homme est toujours envoyé soit aux Baals, soit au isch, au relationnel.

     Chaque chose est parole, cela signifie que l'homme doit se mettre en permanence dans le mouvement de dépasser l'objectivation pour dynamiser par la parole. Le risque c'est de faire de la parole, la chose alors qu'il s'agit de faire de la chose, la parole. C'est pourquoi les prophètes sont des porte-parole. C'est pourquoi le prophétisme ne s'arrête pas au "voir", mais s'arrête à "l'écoute". Il n'y a pas d'arrêt sur l'écoute puisque l'écoute appelle en permanence la fluidité d'un échange.

     Tout pouvoir est corrupteur. Tout pouvoir porte en lui la faille. Le pouvoir politique, d'une certaine manière, est condamné par les prophètes. Le roi va abuser de son pouvoir. Le juge va abuser de son pouvoir. Le prêtre va abuser de son pouvoir tel que c'est écrit dans la Bible, aussi bien les rois d'Israël que les rois des nations. La seule possibilité c'est la marche d'Abraham, la marche permanente, c'est sans arrêt la parole, sans arrêt l'échange, c'est-à-dire ce que les prophètes appellent la connaissance de Dieu. La connaissance de Dieu c'est le mouvement infini de la remise en cause de son savoir, de son amour, pour le faire avancer davantage. C'est la fonction prophétique qui est une fonction de contre-pouvoir à l'intérieur de la société qui rappelle cette mise en marche permanente de la parole.


    Question : Vous venez de dire "l'image est totalitaire". J'aimerais bien savoir ce que vous entendez par là. Dans le tout début de votre exposé, vous avez opposé le philosophe au prophète en disant que le prophète n'est pas seul mais que le philosophe est seul. Est-ce que vous n'avez pas caricaturé un peu le philosophe ? Il y a toute une tradition de la philosophie occidentale qui commence à Socrate. Or Socrate sans le dialogue, sans la recherche avec d'autres, cela n'a pas de sens.

     Réponse : Quand je dis que l'image est totalitaire, je veux dire que le voir englobe tout dans l'immédiateté du regard. L'écoute oblige le temps : je n'entends que s'il y a du temps pour que les syllabes puissent s'égrener. Il y a de la patience. L'image n'est pas liée au temps, elle est immédiate. L'écoute demande le temps. C'est ce que je voulais dire par l'image est totalitaire.

     Dans la démarche philosophique par rapport à la dimension prophétique c'est vrai qu'il faudrait peut-être un peu nuancer ce que j'ai dit. Je peux dire quand même la chose suivante : c'est que le philosophe part de lui-même pour trouver la vérité et il ne sait pas où il va. L'a priori de la philosophie c'est de placer la pensée au centre et la vérité au bout d'un chemin. Fondamentalement la démarche prophétique est une démarche posée en altérité immédiate. On est "l'autre" de quelqu'un. Cela découle aussi d'une certaine conception que l'Hébreu a de lui-même. Il n'y a pas de preuve de l'existence de Dieu mais le prophète a sa preuve.

     Sa preuve est la suivante : je suis un être qui reçoit la vie. Si je suis l'être qui reçoit la vie, cela signifie qu'il y a l'être qui donne la vie. Donc il y a Dieu. C'est la démonstration existentielle de l'existence de Dieu.


    Question : Pourquoi parle-t-on si peu de la femme dans la bible ?

     Réponse : Il y a eu quelques prophétesses quand même : Myriam, Déborah. Mais pourquoi parle-t-on si peu des femmes ? Parce que les hommes laissent peu de place aux femmes et comme l'Histoire a une part contingente, les hommes font l'Histoire. Les hommes prennent tellement de place que finalement il en reste peu pour les femmes. Ainsi des trois femmes qui ont participé au salut de Moïse, (sa soeur, sa mère, la princesse égyptienne) on ne connaît le nom d'aucune d'elles. Il y a toutes les expériences des hommes qui sont les expériences de la force et de la violence, du retour à la nature et puis il y a le discours de la femme qui apparaît lorsqu'il n'y a plus d'espérance et qui dit "mais j'ai une matrice".

 

 

 
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