
Présentation par Martine Cavro
Nous poursuivons donc notre réflexion
de Carême avec un temps sur rites et symboles, rites et symboles
dans notre vie sociale. On parle de perte de langage symbolique,
on parle de perte de rites et on va voir que notre vie de tous les
jours est parsemée de rites. Ensuite, nous verrons rites
et symboles dans notre foi : ce que les rites et les symboles révèlent
de notre relation à Dieu. Et nous parlerons particulièrement
des rites et des symboles de la veillée pascale.
I - Rites et symboles dans notre vie de tous les jours
L'Eglise
Catholique quand elle fait des rites et des symboles ne peut pas
faire autre chose que de prendre dans le langage existant dans les
cultures et dans les sociétés. On pense un peu que
c'est l'Eglise Catholique qui a inventé les symboles et que
ce sont des spécificités tout à fait catholiques.
Pas complètement parce que beaucoup d'appuis rituels qu'utilise
l'Eglise Catholique sont présents dans le langage rituel
disponible dans notre culture et notre société et
disponibles aussi dans d'autres cultures et d'autres sociétés.
Ce
détour par les rites utilisés régulièrement
dans notre société devrait nous sensibiliser à
faire davantage confiance dans les rites. Notre Eglise durant les
années 68 pour des tas de raisons a critiqué beaucoup
les rituels. Je pense que les temps sont mûrs aujourd'hui
pour revenir à une confiance plus tranquille dans ce qu'effectuent
les rites. Mon propos au départ est donc un propos anthropologique.
Je
vous propose deux petites observations, l'une à partir d'un
des rites qui nous est le plus familier, qui est le plus petit et
le plus régulier que nous faisons entre nous et que personne
n'a jamais appris, la célébration des anni-versaires
dans nos familles, et l'autre, à partir d'une vidéo.
A - La célébration des anniversaires
Je
suis surpris qu'en France quel que soit le niveau social et culturel,
quelles que soient la formation et la région de France, il
y a un rite qui se passe dans toutes les familles, c'est la célébration
des anniversaires. Il y a des moments où c'est tout petit
et il y a des moments où il y a tout un déploiement
par exemple pour les noces d'or du grand'père. Ce sont généralement
les femmes qui maintiennent ces pratiques. Personne n'a jamais appris
à célébrer un anniversaire et cependant généralement
tout le monde le fait très bien.
D'abord,
on invite les gens. Il y a l'anniversaire de mariage, il y a
l'anniversaire des enfants. Quand les enfants sont petits, généralement
il y a le couple pas plus. Quand l'enfant est plus grand, les parents
l'aident à voir qui on va inviter, il va falloir trancher.
Quand c'est l'anniversaire du grand'père, on va inviter plus
largement la famille. Il va y avoir une décision à
prendre autour de cela.
Une
fois que les invités arrivent, il y a un temps d'accueil,
puis il va y avoir une distribution de cadeaux, de bonbons, et puis
il va y avoir une progression vers le moment central, celui où
on va éteindre les lumières de la pièce,
apporter
le gâteau avec des bougies et le héros du jour va souffler
les bougies. On observe que c'est quelque chose de transculturel
quels que soient l'origine des familles, leur milieu social, leur
appartenance religieuse.
Eteindre les lumières, apporter le gâteau, souffler
les bougies, c'est exactement un rite. On ne sait pas pourquoi on
fait cela. On le fait, parce qu'on l'a toujours fait, c'est tout
ce qu'on
peut donner comme explication. Il n'y a pas besoin de mots. C'est
cela un rite, ça nous colle à la peau. On ne peut
pas faire autrement.
B - Qu'est-ce qu'un rite ?
Les
rites ne s'expliquent pas. Il n'y a pas de mots. C'est justement
parce qu'il manque des mots que c'est une procédure d'une
action rituelle que les mots ne peuvent pas expliquer. Les mots
sont impuissants et en tous cas, quelquefois indécents à
dire ce qui s'effectue dans le rite. C'est une procédure
qui effectue quelque chose.
J'ai
pris comme exemple l'anni-versaire, mais on pourrait prendre autre
chose, par exemple le deuil. Là aussi il y a des procédures
qui existent parce que les mots ne peuvent pas toucher cela.
C'est
parce que le deuil comme l'anniversaire touche aux éléments
qui ont trait en nous à l'origine et à la fin. C'est
symétrique. L'origine et la fin sont des événements
auxquels nous n'avons pas accès par des mots. Nous n'avons
accès que par l'intermédiaire d'autres. Si je sais
que je suis le fils de Gaston Faure, ce n'est pas moi qui ai pu
le vérifier. Cela m'est venu par quelqu'un d'autre. Et si
je fête mon cinquième anniversaire, ce n'est pas moi
qui le décide, c'est parce que mes parents m'ont dit que
j'avais cinq ans.
Il
y a toujours un intermédiaire. Il n'y a pas d'accès
immédiat ni à mon origine, ni à ma fin dont
je ne sais rien. Je n'ai pas d'accès immédiat à
ces réalités qui sont l'origine et la fin. Dans toutes
les cultures c'est comme cela. Et c'est pourquoi on observe que
dans toutes les sociétés, les cultures ont équipé
de rituels très précis, les choses de l'origine et
les choses de la fin.
Les
choses qui tournent autour de la naissance, autour du mariage et
puis les choses de la mort sont équipées de rituels.
Les sociétés depuis l'origine savent que les mots
ne peuvent pas l'exprimer.
En
archéologie, en dehors des feux, les plus anciens témoignages
des traces des humanoïdes sur notre planète, ce sont
les tombes. Et on s'aperçoit que la manière dont les
gens sont enterrés témoigne de la présence
d'humains. Jamais aucun humain n'a enterré ses morts comme
un déchet. Dès les débuts, lorsque les premiers
hommes ont mis leurs congénères en terre, ils les
ont mis de manière très, très précise.
Je
reviens à l'anniversaire. Cette procédure touche à
notre origine. Pour le grand'père l'anniversaire négocie
puissamment avec la fin, sans que ce soit triste. On est à
la fois content de fêter ses 92 ans et en même temps
on se dit qu'on ne pourra peut-être pas fêter le 93ème
anniversaire. L'anniversaire sait qu'il y aura une fin mais ne le
dit pas. Dans l'organisation de 'anniversaire, il y a donc une négociation
subtile entre le temps qui fond, nous savons très bien le
faire et cette compétence est acquise. Nous savons très
bien à quel moment on va amener le gâteau avec les
bougies et puis le temps qui sépare de la dispersion où
on va se dire aurevoir.
Le
rite est impératif. On ne peut pas oublier quelque chose
ou bien on a l'impression que ce n'est pas bien. Le rite, de soi,
est conservateur. Si on bouge cela, on touche à quelque chose
qui touche à notre origine et à notre fin et cela,
c'est sacré. Quand on n'a pas fait tout à fait ce
qu'il fallait parce qu'il y a eu des problèmes, on est mal
longtemps.
Cela
a à voir avec la superstition dit Madame. A mon avis, non.
La superstition, c'est des choses de l'imaginaire qui vont toucher
très loin. Cela, je crois que ce n'est pas de la superstition.
C'est l'équipement rituel que nous avons à notre disposition.
C'est beaucoup plus sérieux que la superstition. La superstition,
c'est de dire "il y a des gens qui disent qu'ils ont vu la
Vierge Marie derrière l'abricotier à Milan."
On peut y aller, il y en a qui croient, d'autres ne croient pas.
On est relativement en paix.
L'anniversaire,
non. Si le rituel de l'anniversaire n'a pas été respecté,
il y a des gens dans le groupe familial qui vont être mal.
Ce n'est pas le cas de la superstition. Si moi, je n'ai pas vu la
Vierge dans l'abricotier près de Milan, moi je ne suis pas
mal. Les gens qui l'ont vue qui sont contents d'avoir vu la Vierge,
ça marche. Tant mieux pour eux, moi qui ne l'ai pas vue,
je ne suis pas mal.
C - Les rites de l'ouverture des J.O.
Nous
allons passer maintenant à une gigantesque célébration.
Il s'agit des 16è Jeux Olympiques à Alberville.
Pierre Faure passe une courte séquence sur l'ouverture
des Jeux Olympiques à Albertville en 1992 : la phrase de
François Mitterrand déclarant l'ouverture des 16ème
Jeux Olumpiques d'hiver, l'arrivée du drapeau jusqu'au moment
où il est hissé au sommet du mât, l'arrivée
de la flamme portée par Michel Platini, sa montée
jusqu'à la vasque où elle s'allume.
La vidéo est suivie par un échange entre le conférencier
et les spectateurs impossible à reporter parce que les paroles
des participants étaient inaudibles.
II - Les rites religieux : la veillée pascale
Nous
allons essayer d'entrer dans la veillée pascale. Cela va
vous changer des jeux olympiques quoique dans les deux cas, on retrouve
un même symbole, une flamme qu'on va allumer. Le rite de la
lumière, c'est un rite qui est repris par la liturgie catholique
pour faire ses propres affaires.
C'est
une espèce de vocabulaire. Les Jeux Olympiques qui sont quelque
chose d'assez puissant, d'assez fort, d'assez universel utilisent
aussi le rite de la lumière. C'est probablement que c'est
quelque chose de fort de toutes façons.
Pour
nous, c'est quelque chose de fort parce que c'est ce qui va nous
visibiliser, presque sacramentaliser la lumière du Christ
qui l'emporte sur la mort, la victoire de la lumière sur
les ténèbres. Mais ce n'est pas puissant que pour
nous, c'est ce que je veux dire.
J'essaie
donc de commenter les éléments de la Veillée
Pascale. Pourquoi la Veillée Pascale ? Pour plusieurs raisons.
D'abord parce que dans l'Eglise des premiers siècles, la
plus grande liturgie de l'année c'était la vigile
pascale. Pourquoi ? Parce que c'était la seule célébration
dans laquelle avaient lieu des baptêmes. On baptisait une
fois par an. Certains pensent que ce ne serait peut-être pas
une mauvaise idée de retrouver cela. Mais le problème,
c'est qu'on baptise des enfants, parfois beaucoup, on ne peut pas
y arriver.
Si
on ne baptisait strictement qu'à la Veillée Pascale,
on n'aurait pas à expliquer aux fidèles qu'on est
baptisé dans la mort et la résurrection de Jésus.
Quand Mme Dupont vient demander un baptême pour ses enfants,
vous lui expliquez un petit peu, que le baptême c'est la plongée
dans la mort et la résurrection du Christ et elle vous écoute.
Mais enfin elle, elle venait plutôt pour effacer la tache
originelle, enlever le péché originel.
C'est
peut-être cela aussi, mais fondamentalement c'est la plongée
dans la mort et la résurrection du Christ. De plongée,
il y en a peu. Dans le rituel des petits enfants la première
forme qui est proposée c'est celle de l'immersion. C'est
parce qu'il y a des raisons pour ne pas faire l'immersion, qu'on
va faire par infusion ou ablution.
Quand
il n'y avait des baptêmes qu'à la veillée pascale,
il n'y avait pas besoin d'expliquer aux fidèles que le baptême
c'était la plongée dans la mort et la résurrection
du Christ. Le baptême se passait dans un baptistère
séparé où il y avait des adultes et des enfants.
On baptisait d'abord les adultes puis les enfants. Ils étaient
tout nus, l'onction baptismale se faisait sur tout le corps, et
les gens se souvenaient de ce qui leur était arrivé.
Le rituel leur collait à la peau. Une fois nettoyés,
asséchés, mais pleins de l'odeur du Saint Chrême
qu'ils avaient sur tout le corps, ils entraient pour la première
fois dans l'Eucharistie où toute l'assemblée chrétienne
les attendait. Ils s'en souvenaient. C'était une grande fête.
Nous
avons perdu cela. Peu à peu les choses s'améliorent
et on essaie de caser les baptêmes à des dates plus
symboliques et plus signifiantes. Ce serait bien qu'il n'y ait plus
jamais de veillée pascale sans baptême. Pour comprendre
la veillée pascale, il faut imaginer que c'était une
seule fois dans l'année où il y avait des baptêmes
et ces baptêmes ne pouvaient se faire qu'à la fête
de la Résurrection.
De
plus cette veillée pascale, c'est elle qui explique le carême,
ce n'est pas l'inverse. La constitution du Carême fait partie
de la fête de Pâques. C'est pour mieux préparer
la fête de Pâques qu'on a vu apparaître trois
jours de jeûne, jeudi, vendredi et samedi-saint. Et pour se
préparer à ces jours préparatoires, on a augmenté
peu à peu, et c'est devenu 40 jours pour des raisons bibliques
: 40 ans au désert, 40 jours sur la montagne ; c'était
toujours 40, 40 représentant une génération.
Nous
avons du mal à penser les choses puisque nous, nous allons
du Carême vers Pâques mais le sens des choses c'est
que c'est Pâques qui va vers le Carême. C'est l'énergie
de la mort et résurrection du Christ, c'est le mystère
pascal qui a produit le Carême. Quand arrive la fête
de Pâques, elle est arrivée par une formidable préparation.
Vraisemblablement,
on pourrait dire "le but du ramadan, c'est le ramadan."
C'est à dire que la pénitence a un but en soi, un
but de purification. On ne mange pas dans la journée, il
y a une formidable socialisation le soir. Si le Carême est
mal compris, on pourrait dire aussi que le but du Carême,
c'est le Carême. Ce n'est pas du tout chrétien. On
devrait avoir honte de dire une chose pareille.
Le
Carême n'est qu'un temps de préparation à me
disposer enfin à ce que la résurrection du Christ
m'atteigne au plus profond. Cela consiste à préparer
ma résurrection. Ce n'est pas autre chose.
Ce
n'est pas des pratiques de purification austères qui pourraient
avoir une justification entre elles. Mon imaginaire, ma culpabilité,
ma propre auto-censure va assez bien avec le fait que le carême
comprend certaines privations. Jeûner c'est bien en soi, ne
pas boire d'alcool c'est bien en soi, aimer mieux ma femme pendant
ce temps-là c'est bien en soi, mais tout ça n'a rien
préparé encore de la résurrection.
La
spécificité chrétienne du Carême c'est
une seule chose, c'est disposer à ce que la vie du Ressuscité
entre dans la plus grande part et la plus profonde fibre de mon
individu. Quand les gens qui ont préparé cela célèbrent
la Pâque, cela se voit. On ne comprend pas ce que met en oeuvre
la veillée pascale si on n'a pas compris cela parce que c'est
la seule fête de l'année à laquelle on se prépare
autant que cela.
L'Avent
par rapport à Noël ce n'est pas pareil puisque la lumière
de Noël ne vient pas de Noël, elle vient de Pâques.
Nous n'aurions jamais célébré la naissance
de Jésus s'il n'était pas mort et ressuscité.
Vous savez aussi qu'il faut attendre le 4ème siècle
de l'Eglise pour voir apparaître une célébration
de la fête de Noël. Mais dans les premières années
qui ont suivi la mort du Christ, on est sûr qu'on a célébré
la Pâque annuelle. On célébrait même déjà
la Pâque hebdomadaire, le dimanche parce que c'est la résurrection
qui a le plus marqué.
La
Veillée Pascale est pleine de cela. La lumière chrétienne
apparaît à Pâques et la lumière de Noël
ce n'est que le reflet de Pâques. Cela n'a pas intéressé
l'Eglise pendant 4 siècles de célébrer la naissance
de Jésus parce que la seule naissance qui était célébrée
à l'époque, ce n'était jamais à la date
de la naissance, c'était à la mort. Pour les martyrs
qui sont morts dans les premiers siècles on fêtait
leur naissance au ciel. Quand les martyrs avaient été
des copains de la communauté, vous pensez bien qu'on fêtait
leur mémoire. Mais on la célébrait à
la date anniversaire de leur mort.
La
grande fête hebdomadaire de la Pâque, c'est bien la
mort et la résurrection de Jésus, jamais sa naissance.
L'Eglise peut marcher très bien sans jamais fêter Noël,
elle ne peut pas marcher sans célébrer la Pâque.
Le coeur de la pile atomique chrétienne c'est la mort et
la résurrection du Christ. Il faudrait que le degré
de festivité, de splendeur et de beauté de la liturgie
pascale, l'emporte de beaucoup sur les autres fêtes.
Ce
sur quoi on a gagné c'est que le nombre des fidèles
présents à la veillée pascale est en train
d'atteindre et parfois de dépasser celui de la veillée
de Noël. Pendant longtemps il y avait beaucoup plus de monde
à la messe de minuit à Noël. La veillée
pascale, elle, est chargée maintenant de toute la préparation
du Carême. Je trouve cependant que quelquefois notre Carême
s'organise un peu comme un but en soi. Le Carême devrait être
une espèce d'anticipation durant laquelle on se prépare
pour ne rien laisser perdre quand on va célébrer la
Pâque. On savoure la fête quand on la prépare.
La
date de la fête de Pâque est liée à la
lune et non pas au soleil. Trois jours avant la veillée pascale
vous verrez la pleine lune. Le calcul est fait de la même
manière chez les Juifs.
Quatre
parties durant la veillée pascale :
1 - Célébration de la lumière
L'élément
très important c'est que l'Eglise est dans la nuit et l'enjeu
rituel du début qui est vraiment essentiel, c'est le rapport
entre la nuit et la lumière. L'opposition lumière-ténèbres
est une des oppositions fondamentales qui fondent nos vies. Non
seulement à cause du rythme diurne-nocturne qui est le rythme
de base de nos vies, mais aussi parce que c'est métaphoriquement
fondamental.
Par
mille endroits l'opposition lumière-nuit est une opposition
à la fois naturelle et surnaturelle, à la fois religieuse
et biologique qui nous
traverse tous. C'est cet élément-là que prendra
la veillée pascale pour en jouer mais en mettant en relief
que au coeur du centre, c'est la victoire de la lumière sur
les ténèbres réalisée dans le corps
du Christ.
Cela
c'est complètement confessant et ça n'a plus rien
à voir avec la flamme olympique. C'est vraiment la victoire
définitive, celle qui traverse les temps et l'espace par
le corps du Christ étendu aux dimensions de l'Histoire et
où (c'est déjà fait) la lumière a définitivement
gagné sur les ténèbres.
Il
y a quelques décombres encore, mais c'est fait. Il y a encore
des bouts de ténèbres dans les coins, il y a encore
des bouts de nuit mais la célébration de la Veillée
Pascale, c'est la célébration de ce qui est donné
: la lumière l'a emporté sur les ténèbres.
St Jean a bien compris cela quand il écrit son prologue où
il ré-écrit le texte de la Genèse pour lui
et il mettra au centre : "la lumière est venue dans
le monde et les ténèbres n'ont pu l'atteindre."
C'est l'une des plus belles images du mystère pascal et c'est
pourquoi la célébration de la veillée pascale
commence par cela.
La
totalité des célébrations chrétiennes,
le baptême et toutes les autres, après un temps d'accueil,
commencent par une liturgie de la Parole. On s'assied et on écoute
la Parole, sauf la Veillée Pascale. La Veillée Pascale
commence par faire une très grande célébration
de la lumière et ce n'est que lorsqu'on a acclamé
cette lumière comme victoire de la lumière sur les
ténèbres, définitivement acquise dans le Christ
qu'on s'assied pour lire la Parole et feuilleter le livre des histoires
de la famille.
C'est
la seule fois dans l'année où on met en tête
l'affirmation rituelle. Dans l'Eglise catholique, il y a un seul
cierge, mais il y a un cierge pour chacun. C'est tout à fait
important. Je ne dis pas que les Jeux Olympiques sont dans le fusionnel,
mais on voit bien que c'est autre chose, il n'y a pas de flamme
olympique pour chacun. Chez nous, Christ est lumière pour
chacun et progressivement la lumière se communique à
tous., le prêtre trace une
Quand les premiers écrivains chrétiens vont essayer
d'expliquer pourquoi on célèbre l'Eucharistie, le
premier jour de la semaine, le dimanche, la première raison
qui leur vient à l'esprit, ce n'est pas la résurrection
du Christ, c'est parce que c'est le premier jour où Dieu
créa la lumière contre les ténèbres.
C'est impressionnant pour nous aussi. Dans la veillée pascale,
il y a cela aussi. C'est ce qui nous permet de comprendre pourquoi
le premier texte de la liturgie de la Parole sera le texte de la
Genèse sur la Création.
La
veillée pascale joue sur ces deux énormes réservoirs
d'énergie qui sont la dimension "Création"
et la dimension "Résurrection du Christ". Donc,
il y a du transhistorique de la Création et il y a du salut
particulier dans l'Histoire. Cela explique que la fête de
Pâques est la plus grande fête de l'année. C'est
la seule qui articule des choses aussi fortes, aussi fondamentales
qui sont à la racine de ce qui nous fait exister comme êtres
humains (le rapport lumière-ténèbres) et comme
êtres chrétiens (l'entrée dans le mystère
de la mort et résurrection du Christ). La fête de Noël
n'articule pas cela.
Sur
le cierge pascal croix : il marque alpha en haut et oméga
en bas et au milieu les quatre chiffres du millésime de l'année.
Il dit ainsi une manière de mettre le Christ au centre du
temps. C'est une affirmation de la centralité du Christ dans
le mystère du temps qui est impressionnante. Il dit ceci
: "Le Christ hier et aujourdhui, commencement et fin de toutes
choses, alpha et oméga, à lui le temps et l'éternité,
à lui la gloire et la puissance pour les siècles sans
fin"
Cela
vaut la peine de le méditer parce que au moment même
où on est dans l'opposition cosmique entre la nuit et la
lumière, (il fait nuit, on a juste un petit feu) on dit le
centre de l'opération qu'on est en train de faire qui est
le Christ dans l'histoire. Et c'est ce Christ de l'histoire qui
est ressuscité dont on peut dire : avant lui, il n'y a rien,
après lui, il n'y aura plus rien, il est le temps et l'éternité.
Ce n'est pas magique ; la magie ce serait de croire que c'est le
cierge qui fait la résurrection du Christ. C'est notre foi
qui fait que notre cierge est le symbole du Christ ressuscité.
Après
la bénédiction du feu, la procession marche derrière
le cierge. Cela évoque l'Exode : "Le Seigneur les précédait,
le jour sous la forme d'une colonne de nuée pour leur indiquer
la route et la nuit sous la forme d'une colonne de feu pour les
éclairer : ils pouvaient ainsi poursuivre leur marche jour
et nuit." Ce texte illustre ce que nous faisons dans la procession
de la lumière à la suite du cierge pascal.
La
Bible est remplie de figures, de prototypes d'un seul type, le Christ.
Donc les Pères de l'Eglise vont avoir une espèce de
gourmandise à utiliser ces prototypes et à montrer
que le cierge pascal c'est le prototype, la figure du Christ. Ce
qui préfigurait les fidèles marchant derrière
le cierge pascal, c'est ceux qui marchaient derrière la colonne
de nuée de l'Exode.
Notre
liturgie préfigure cela et du coup, dans cette figure des
fidèles qui suivent le cierge pascal, il y a la réalisation
finale de ce qui était préfiguré dans l'Exode,
d'un peuple libéré sans qu'il n'ait rien fait, par
la grâce de Dieu, qui traverse les eaux de la mort, laisse
les ennemis de l'autre côté, entre dans la Terre Promise.
Une
fois que tous les fidèles ont allumé leur cierge,
chacun recevant le don de la lumière par le Christ, en devient
responsable aussi. Chacun est devenu porteur de cette lumière.
C'est la liturgie qui le rend porteur. S'il l'a acceptée
comme don, alors il en est responsable. Il doit lui-même être
témoin de cette lumière et faire ce qu'il faut pour
que en lui les ténèbres disparaissent et que la lumière
l'envahisse le plus profondément possible.
Puis
vient le chant qui annonce la Pâque. On a des périodes
dans l'histoire de l'Eglise où les fidèles attendaient
le clou de l'année : c'est quand le diacre chantait l'Exultet.
Actuellement, on n'a pas la très belle musique qui fascine
absolument tout le monde parce qu'on est dans une culture éclatée.
2 - Les lectures
Ensuite
on entre dans la liturgie de la Parole. C'est un peu difficile parce
qu'elle est longue. Sept lectures sont proposées. Il y a
une espèce de répétivité : lecture,
psaume, oraison, on se lève on se rassied, lecture etc… On
feuillette l'album de famille, on feuillette la Bible pous se réjouir,
pour savourer les préfigurations du Christ.
La
vérité des choses vient d'avant nous et la crédibilité
de ce qui s'est passé dans le Christ est renforcée
beaucoup parce que dans le passé, déjà il y
avait eu des annonces de cela. Dans nos sociétés on
a de la difficulté à comprendre cela parce que dans
notre culture, on a presque basculé de l'autre côté.
Si on veut savoir la vérité des choses, pour mes grands
parents, il faut aller voir mon petit neveu parce que il n'y a que
lui qui sait faire marcher l'ordinateur.
Lui
sait la vérité des choses. Une difficulté de
notre culture, c'est qu'elle est complètement déportée
vers l'avenir. comme on ne l'a jamais été dans l'histoire.
Au contraire la culture biblique comme la culture africaine était
déportée vers le passé. Pour savoir ce qu'il
faut faire, en Afrique, devant les problèmes
actuels, on va interroger les anciens.
Ce
qui est à comprendre dans
la liturgie de la Parole c'est que ce n'est pas autrefois, c'est
aujourd'hui que cela se passe. Ce n'est pas passéiste ce
que nous faisons. A partir du moment où nous confessons que
le Christ est vivant, c'est aujourd'hui que cela se passe. C'est
aujourd'hui que se passe la création de la lumière,
que la lumière chasse les ténèbres...etc. C'est
vrai que c'est un peu difficile et que culturellement parmi les
fidèles de nos assemblées, il y a moins de facilité
à cela. Dans certaines paroisses, on y passe toute la nuit.
3 - La liturgie baptismale
Après la liturgie de la Parole, il y a la liturgie baptismale.
Etant donné que la plupart d'entre nous ont été
baptisés, bébés, une critique se fait jour
quand on voit que des gens sont baptisés adultes. On dit
"moi, j'aimerais bien avoir été baptisé
adulte". La réponse à cela c'est "venez
à la veillée pascale ! ". A la veillée
pascale, on va faire jouer les principaux éléments
du baptême et vous allez le célébrer votre baptême.
Cela va se faire bien puisqu'il y aura du nouveau, avec le
cierge
pascal devenu responsable de la lumière du Christ pour lutter
contre les ténèbres, pour votre part, vous allez de
nouveau confesser la foi. C'est exactement ce qui se fait au baptême.
Et ensuite il y a le geste de l'eau qui est une sorte de réactivation
du baptême. Il y a tous les éléments : la confession
de foi, la lumière et l'eau. La veillée pascale est
le lieu de la rénovation du baptême.
Tout se termine par la liturgie eucharistique qui n'est pas réservée
à la veillée pascale.
Note - L'auteur étant actuellement au Canada, nous n'avons
pas pu le joindre pour lui faire relire son texte. C'est donc à
peu près textuellement le texte enregistré que vous
avez pu lire ici, avec son style oral. Nous l'avons modifié
le moins possible de peur de trahir la pensée de l'orateur.