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Conférences 2003

 
 
RITES ET SYMBOLES
 
 
Père Pierre FAURE
 
 
30 mars 2003 
 
     
 

 

Présentation par Martine Cavro

     Nous poursuivons donc notre réflexion de Carême avec un temps sur rites et symboles, rites et symboles dans notre vie sociale. On parle de perte de langage symbolique, on parle de perte de rites et on va voir que notre vie de tous les jours est parsemée de rites. Ensuite, nous verrons rites et symboles dans notre foi : ce que les rites et les symboles révèlent de notre relation à Dieu. Et nous parlerons particulièrement des rites et des symboles de la veillée pascale.

I - Rites et symboles dans notre vie de tous les jours

     L'Eglise Catholique quand elle fait des rites et des symboles ne peut pas faire autre chose que de prendre dans le langage existant dans les cultures et dans les sociétés. On pense un peu que c'est l'Eglise Catholique qui a inventé les symboles et que ce sont des spécificités tout à fait catholiques. Pas complètement parce que beaucoup d'appuis rituels qu'utilise l'Eglise Catholique sont présents dans le langage rituel disponible dans notre culture et notre société et disponibles aussi dans d'autres cultures et d'autres sociétés.

     Ce détour par les rites utilisés régulièrement dans notre société devrait nous sensibiliser à faire davantage confiance dans les rites. Notre Eglise durant les années 68 pour des tas de raisons a critiqué beaucoup les rituels. Je pense que les temps sont mûrs aujourd'hui pour revenir à une confiance plus tranquille dans ce qu'effectuent les rites. Mon propos au départ est donc un propos anthropologique.

     Je vous propose deux petites observations, l'une à partir d'un des rites qui nous est le plus familier, qui est le plus petit et le plus régulier que nous faisons entre nous et que personne n'a jamais appris, la célébration des anni-versaires dans nos familles, et l'autre, à partir d'une vidéo.

A - La célébration des anniversaires

     Je suis surpris qu'en France quel que soit le niveau social et culturel, quelles que soient la formation et la région de France, il y a un rite qui se passe dans toutes les familles, c'est la célébration des anniversaires. Il y a des moments où c'est tout petit et il y a des moments où il y a tout un déploiement par exemple pour les noces d'or du grand'père. Ce sont généralement les femmes qui maintiennent ces pratiques. Personne n'a jamais appris à célébrer un anniversaire et cependant généralement tout le monde le fait très bien.

     D'abord, on invite les gens. Il y a l'anniversaire de mariage, il y a
l'anniversaire des enfants. Quand les enfants sont petits, généralement il y a le couple pas plus. Quand l'enfant est plus grand, les parents l'aident à voir qui on va inviter, il va falloir trancher. Quand c'est l'anniversaire du grand'père, on va inviter plus largement la famille. Il va y avoir une décision à prendre autour de cela.

     Une fois que les invités arrivent, il y a un temps d'accueil, puis il va y avoir une distribution de cadeaux, de bonbons, et puis il va y avoir une progression vers le moment central, celui où on va éteindre les lumières de la pièce, apporter le gâteau avec des bougies et le héros du jour va souffler les bougies. On observe que c'est quelque chose de transculturel quels que soient l'origine des familles, leur milieu social, leur appartenance religieuse.
Eteindre les lumières, apporter le gâteau, souffler les bougies, c'est exactement un rite. On ne sait pas pourquoi on fait cela. On le fait, parce qu'on l'a toujours fait, c'est tout ce qu'on
peut donner comme explication. Il n'y a pas besoin de mots. C'est cela un rite, ça nous colle à la peau. On ne peut pas faire autrement.

B - Qu'est-ce qu'un rite ?

     Les rites ne s'expliquent pas. Il n'y a pas de mots. C'est justement parce qu'il manque des mots que c'est une procédure d'une action rituelle que les mots ne peuvent pas expliquer. Les mots sont impuissants et en tous cas, quelquefois indécents à dire ce qui s'effectue dans le rite. C'est une procédure qui effectue quelque chose.

     J'ai pris comme exemple l'anni-versaire, mais on pourrait prendre autre chose, par exemple le deuil. Là aussi il y a des procédures qui existent parce que les mots ne peuvent pas toucher cela.

     C'est parce que le deuil comme l'anniversaire touche aux éléments qui ont trait en nous à l'origine et à la fin. C'est symétrique. L'origine et la fin sont des événements auxquels nous n'avons pas accès par des mots. Nous n'avons accès que par l'intermédiaire d'autres. Si je sais que je suis le fils de Gaston Faure, ce n'est pas moi qui ai pu le vérifier. Cela m'est venu par quelqu'un d'autre. Et si je fête mon cinquième anniversaire, ce n'est pas moi qui le décide, c'est parce que mes parents m'ont dit que j'avais cinq ans.

     Il y a toujours un intermédiaire. Il n'y a pas d'accès immédiat ni à mon origine, ni à ma fin dont je ne sais rien. Je n'ai pas d'accès immédiat à ces réalités qui sont l'origine et la fin. Dans toutes les cultures c'est comme cela. Et c'est pourquoi on observe que dans toutes les sociétés, les cultures ont équipé de rituels très précis, les choses de l'origine et les choses de la fin.

     Les choses qui tournent autour de la naissance, autour du mariage et puis les choses de la mort sont équipées de rituels. Les sociétés depuis l'origine savent que les mots ne peuvent pas l'exprimer. En archéologie, en dehors des feux, les plus anciens témoignages des traces des humanoïdes sur notre planète, ce sont les tombes. Et on s'aperçoit que la manière dont les gens sont enterrés témoigne de la présence d'humains. Jamais aucun humain n'a enterré ses morts comme un déchet. Dès les débuts, lorsque les premiers hommes ont mis leurs congénères en terre, ils les ont mis de manière très, très précise.

     Je reviens à l'anniversaire. Cette procédure touche à notre origine. Pour le grand'père l'anniversaire négocie puissamment avec la fin, sans que ce soit triste. On est à la fois content de fêter ses 92 ans et en même temps on se dit qu'on ne pourra peut-être pas fêter le 93ème anniversaire. L'anniversaire sait qu'il y aura une fin mais ne le dit pas. Dans l'organisation de 'anniversaire, il y a donc une négociation subtile entre le temps qui fond, nous savons très bien le faire et cette compétence est acquise. Nous savons très bien à quel moment on va amener le gâteau avec les bougies et puis le temps qui sépare de la dispersion où on va se dire aurevoir.

     Le rite est impératif. On ne peut pas oublier quelque chose ou bien on a l'impression que ce n'est pas bien. Le rite, de soi, est conservateur. Si on bouge cela, on touche à quelque chose qui touche à notre origine et à notre fin et cela, c'est sacré. Quand on n'a pas fait tout à fait ce qu'il fallait parce qu'il y a eu des problèmes, on est mal longtemps.

     Cela a à voir avec la superstition dit Madame. A mon avis, non. La superstition, c'est des choses de l'imaginaire qui vont toucher très loin. Cela, je crois que ce n'est pas de la superstition. C'est l'équipement rituel que nous avons à notre disposition. C'est beaucoup plus sérieux que la superstition. La superstition, c'est de dire "il y a des gens qui disent qu'ils ont vu la Vierge Marie derrière l'abricotier à Milan." On peut y aller, il y en a qui croient, d'autres ne croient pas. On est relativement en paix.

     L'anniversaire, non. Si le rituel de l'anniversaire n'a pas été respecté, il y a des gens dans le groupe familial qui vont être mal. Ce n'est pas le cas de la superstition. Si moi, je n'ai pas vu la Vierge dans l'abricotier près de Milan, moi je ne suis pas mal. Les gens qui l'ont vue qui sont contents d'avoir vu la Vierge, ça marche. Tant mieux pour eux, moi qui ne l'ai pas vue, je ne suis pas mal.

C - Les rites de l'ouverture des J.O.

     Nous allons passer maintenant à une gigantesque célébration. Il s'agit des 16è Jeux Olympiques à Alberville.

Pierre Faure passe une courte séquence sur l'ouverture des Jeux Olympiques à Albertville en 1992 : la phrase de François Mitterrand déclarant l'ouverture des 16ème Jeux Olumpiques d'hiver, l'arrivée du drapeau jusqu'au moment où il est hissé au sommet du mât, l'arrivée de la flamme portée par Michel Platini, sa montée jusqu'à la vasque où elle s'allume.

La vidéo est suivie par un échange entre le conférencier et les spectateurs impossible à reporter parce que les paroles des participants étaient inaudibles.


II - Les rites religieux : la veillée pascale

     Nous allons essayer d'entrer dans la veillée pascale. Cela va vous changer des jeux olympiques quoique dans les deux cas, on retrouve un même symbole, une flamme qu'on va allumer. Le rite de la lumière, c'est un rite qui est repris par la liturgie catholique pour faire ses propres affaires.

     C'est une espèce de vocabulaire. Les Jeux Olympiques qui sont quelque chose d'assez puissant, d'assez fort, d'assez universel utilisent aussi le rite de la lumière. C'est probablement que c'est quelque chose de fort de toutes façons.

     Pour nous, c'est quelque chose de fort parce que c'est ce qui va nous visibiliser, presque sacramentaliser la lumière du Christ qui l'emporte sur la mort, la victoire de la lumière sur les ténèbres. Mais ce n'est pas puissant que pour nous, c'est ce que je veux dire.

     J'essaie donc de commenter les éléments de la Veillée Pascale. Pourquoi la Veillée Pascale ? Pour plusieurs raisons. D'abord parce que dans l'Eglise des premiers siècles, la plus grande liturgie de l'année c'était la vigile pascale. Pourquoi ? Parce que c'était la seule célébration dans laquelle avaient lieu des baptêmes. On baptisait une fois par an. Certains pensent que ce ne serait peut-être pas une mauvaise idée de retrouver cela. Mais le problème, c'est qu'on baptise des enfants, parfois beaucoup, on ne peut pas y arriver.

     Si on ne baptisait strictement qu'à la Veillée Pascale, on n'aurait pas à expliquer aux fidèles qu'on est baptisé dans la mort et la résurrection de Jésus. Quand Mme Dupont vient demander un baptême pour ses enfants, vous lui expliquez un petit peu, que le baptême c'est la plongée dans la mort et la résurrection du Christ et elle vous écoute. Mais enfin elle, elle venait plutôt pour effacer la tache originelle, enlever le péché originel.

     C'est peut-être cela aussi, mais fondamentalement c'est la plongée dans la mort et la résurrection du Christ. De plongée, il y en a peu. Dans le rituel des petits enfants la première forme qui est proposée c'est celle de l'immersion. C'est parce qu'il y a des raisons pour ne pas faire l'immersion, qu'on va faire par infusion ou ablution.

     Quand il n'y avait des baptêmes qu'à la veillée pascale, il n'y avait pas besoin d'expliquer aux fidèles que le baptême c'était la plongée dans la mort et la résurrection du Christ. Le baptême se passait dans un baptistère séparé où il y avait des adultes et des enfants. On baptisait d'abord les adultes puis les enfants. Ils étaient tout nus, l'onction baptismale se faisait sur tout le corps, et les gens se souvenaient de ce qui leur était arrivé. Le rituel leur collait à la peau. Une fois nettoyés, asséchés, mais pleins de l'odeur du Saint Chrême qu'ils avaient sur tout le corps, ils entraient pour la première fois dans l'Eucharistie où toute l'assemblée chrétienne les attendait. Ils s'en souvenaient. C'était une grande fête.

     Nous avons perdu cela. Peu à peu les choses s'améliorent et on essaie de caser les baptêmes à des dates plus symboliques et plus signifiantes. Ce serait bien qu'il n'y ait plus jamais de veillée pascale sans baptême. Pour comprendre la veillée pascale, il faut imaginer que c'était une seule fois dans l'année où il y avait des baptêmes et ces baptêmes ne pouvaient se faire qu'à la fête de la Résurrection.

     De plus cette veillée pascale, c'est elle qui explique le carême, ce n'est pas l'inverse. La constitution du Carême fait partie de la fête de Pâques. C'est pour mieux préparer la fête de Pâques qu'on a vu apparaître trois jours de jeûne, jeudi, vendredi et samedi-saint. Et pour se préparer à ces jours préparatoires, on a augmenté peu à peu, et c'est devenu 40 jours pour des raisons bibliques : 40 ans au désert, 40 jours sur la montagne ; c'était toujours 40, 40 représentant une génération.

     Nous avons du mal à penser les choses puisque nous, nous allons du Carême vers Pâques mais le sens des choses c'est que c'est Pâques qui va vers le Carême. C'est l'énergie de la mort et résurrection du Christ, c'est le mystère pascal qui a produit le Carême. Quand arrive la fête de Pâques, elle est arrivée par une formidable préparation.

     Vraisemblablement, on pourrait dire "le but du ramadan, c'est le ramadan." C'est à dire que la pénitence a un but en soi, un but de purification. On ne mange pas dans la journée, il y a une formidable socialisation le soir. Si le Carême est mal compris, on pourrait dire aussi que le but du Carême, c'est le Carême. Ce n'est pas du tout chrétien. On devrait avoir honte de dire une chose pareille.

     Le Carême n'est qu'un temps de préparation à me disposer enfin à ce que la résurrection du Christ m'atteigne au plus profond. Cela consiste à préparer ma résurrection. Ce n'est pas autre chose.

     Ce n'est pas des pratiques de purification austères qui pourraient avoir une justification entre elles. Mon imaginaire, ma culpabilité, ma propre auto-censure va assez bien avec le fait que le carême comprend certaines privations. Jeûner c'est bien en soi, ne pas boire d'alcool c'est bien en soi, aimer mieux ma femme pendant ce temps-là c'est bien en soi, mais tout ça n'a rien préparé encore de la résurrection.

     La spécificité chrétienne du Carême c'est une seule chose, c'est disposer à ce que la vie du Ressuscité entre dans la plus grande part et la plus profonde fibre de mon individu. Quand les gens qui ont préparé cela célèbrent la Pâque, cela se voit. On ne comprend pas ce que met en oeuvre la veillée pascale si on n'a pas compris cela parce que c'est la seule fête de l'année à laquelle on se prépare autant que cela.

     L'Avent par rapport à Noël ce n'est pas pareil puisque la lumière de Noël ne vient pas de Noël, elle vient de Pâques. Nous n'aurions jamais célébré la naissance de Jésus s'il n'était pas mort et ressuscité. Vous savez aussi qu'il faut attendre le 4ème siècle de l'Eglise pour voir apparaître une célébration de la fête de Noël. Mais dans les premières années qui ont suivi la mort du Christ, on est sûr qu'on a célébré la Pâque annuelle. On célébrait même déjà la Pâque hebdomadaire, le dimanche parce que c'est la résurrection qui a le plus marqué.

     La Veillée Pascale est pleine de cela. La lumière chrétienne apparaît à Pâques et la lumière de Noël ce n'est que le reflet de Pâques. Cela n'a pas intéressé l'Eglise pendant 4 siècles de célébrer la naissance de Jésus parce que la seule naissance qui était célébrée à l'époque, ce n'était jamais à la date de la naissance, c'était à la mort. Pour les martyrs qui sont morts dans les premiers siècles on fêtait leur naissance au ciel. Quand les martyrs avaient été des copains de la communauté, vous pensez bien qu'on fêtait leur mémoire. Mais on la célébrait à la date anniversaire de leur mort.

     La grande fête hebdomadaire de la Pâque, c'est bien la mort et la résurrection de Jésus, jamais sa naissance. L'Eglise peut marcher très bien sans jamais fêter Noël, elle ne peut pas marcher sans célébrer la Pâque. Le coeur de la pile atomique chrétienne c'est la mort et la résurrection du Christ. Il faudrait que le degré de festivité, de splendeur et de beauté de la liturgie pascale, l'emporte de beaucoup sur les autres fêtes.

     Ce sur quoi on a gagné c'est que le nombre des fidèles présents à la veillée pascale est en train d'atteindre et parfois de dépasser celui de la veillée de Noël. Pendant longtemps il y avait beaucoup plus de monde à la messe de minuit à Noël. La veillée pascale, elle, est chargée maintenant de toute la préparation du Carême. Je trouve cependant que quelquefois notre Carême s'organise un peu comme un but en soi. Le Carême devrait être une espèce d'anticipation durant laquelle on se prépare pour ne rien laisser perdre quand on va célébrer la Pâque. On savoure la fête quand on la prépare.

     La date de la fête de Pâque est liée à la lune et non pas au soleil. Trois jours avant la veillée pascale vous verrez la pleine lune. Le calcul est fait de la même manière chez les Juifs.

     Quatre parties durant la veillée pascale :

1 - Célébration de la lumière

     L'élément très important c'est que l'Eglise est dans la nuit et l'enjeu rituel du début qui est vraiment essentiel, c'est le rapport entre la nuit et la lumière. L'opposition lumière-ténèbres est une des oppositions fondamentales qui fondent nos vies. Non seulement à cause du rythme diurne-nocturne qui est le rythme de base de nos vies, mais aussi parce que c'est métaphoriquement fondamental.

     Par mille endroits l'opposition lumière-nuit est une opposition à la fois naturelle et surnaturelle, à la fois religieuse et biologique qui nous
traverse tous. C'est cet élément-là que prendra la veillée pascale pour en jouer mais en mettant en relief que au coeur du centre, c'est la victoire de la lumière sur les ténèbres réalisée dans le corps du Christ.

     Cela c'est complètement confessant et ça n'a plus rien à voir avec la flamme olympique. C'est vraiment la victoire définitive, celle qui traverse les temps et l'espace par le corps du Christ étendu aux dimensions de l'Histoire et où (c'est déjà fait) la lumière a définitivement gagné sur les ténèbres.

     Il y a quelques décombres encore, mais c'est fait. Il y a encore des bouts de ténèbres dans les coins, il y a encore des bouts de nuit mais la célébration de la Veillée Pascale, c'est la célébration de ce qui est donné : la lumière l'a emporté sur les ténèbres. St Jean a bien compris cela quand il écrit son prologue où il ré-écrit le texte de la Genèse pour lui et il mettra au centre : "la lumière est venue dans le monde et les ténèbres n'ont pu l'atteindre." C'est l'une des plus belles images du mystère pascal et c'est pourquoi la célébration de la veillée pascale commence par cela.

     La totalité des célébrations chrétiennes, le baptême et toutes les autres, après un temps d'accueil, commencent par une liturgie de la Parole. On s'assied et on écoute la Parole, sauf la Veillée Pascale. La Veillée Pascale commence par faire une très grande célébration de la lumière et ce n'est que lorsqu'on a acclamé cette lumière comme victoire de la lumière sur les ténèbres, définitivement acquise dans le Christ qu'on s'assied pour lire la Parole et feuilleter le livre des histoires de la famille.

     C'est la seule fois dans l'année où on met en tête l'affirmation rituelle. Dans l'Eglise catholique, il y a un seul cierge, mais il y a un cierge pour chacun. C'est tout à fait important. Je ne dis pas que les Jeux Olympiques sont dans le fusionnel, mais on voit bien que c'est autre chose, il n'y a pas de flamme olympique pour chacun. Chez nous, Christ est lumière pour chacun et progressivement la lumière se communique à tous., le prêtre trace une

Quand les premiers écrivains chrétiens vont essayer d'expliquer pourquoi on célèbre l'Eucharistie, le premier jour de la semaine, le dimanche, la première raison qui leur vient à l'esprit, ce n'est pas la résurrection du Christ, c'est parce que c'est le premier jour où Dieu créa la lumière contre les ténèbres. C'est impressionnant pour nous aussi. Dans la veillée pascale, il y a cela aussi. C'est ce qui nous permet de comprendre pourquoi le premier texte de la liturgie de la Parole sera le texte de la Genèse sur la Création.

     La veillée pascale joue sur ces deux énormes réservoirs d'énergie qui sont la dimension "Création" et la dimension "Résurrection du Christ". Donc, il y a du transhistorique de la Création et il y a du salut particulier dans l'Histoire. Cela explique que la fête de Pâques est la plus grande fête de l'année. C'est la seule qui articule des choses aussi fortes, aussi fondamentales qui sont à la racine de ce qui nous fait exister comme êtres humains (le rapport lumière-ténèbres) et comme êtres chrétiens (l'entrée dans le mystère de la mort et résurrection du Christ). La fête de Noël n'articule pas cela.

     Sur le cierge pascal croix : il marque alpha en haut et oméga en bas et au milieu les quatre chiffres du millésime de l'année. Il dit ainsi une manière de mettre le Christ au centre du temps. C'est une affirmation de la centralité du Christ dans le mystère du temps qui est impressionnante. Il dit ceci : "Le Christ hier et aujourdhui, commencement et fin de toutes choses, alpha et oméga, à lui le temps et l'éternité, à lui la gloire et la puissance pour les siècles sans fin"

     Cela vaut la peine de le méditer parce que au moment même où on est dans l'opposition cosmique entre la nuit et la lumière, (il fait nuit, on a juste un petit feu) on dit le centre de l'opération qu'on est en train de faire qui est le Christ dans l'histoire. Et c'est ce Christ de l'histoire qui est ressuscité dont on peut dire : avant lui, il n'y a rien, après lui, il n'y aura plus rien, il est le temps et l'éternité. Ce n'est pas magique ; la magie ce serait de croire que c'est le cierge qui fait la résurrection du Christ. C'est notre foi qui fait que notre cierge est le symbole du Christ ressuscité.

     Après la bénédiction du feu, la procession marche derrière le cierge. Cela évoque l'Exode : "Le Seigneur les précédait, le jour sous la forme d'une colonne de nuée pour leur indiquer la route et la nuit sous la forme d'une colonne de feu pour les éclairer : ils pouvaient ainsi poursuivre leur marche jour et nuit." Ce texte illustre ce que nous faisons dans la procession de la lumière à la suite du cierge pascal.

     La Bible est remplie de figures, de prototypes d'un seul type, le Christ. Donc les Pères de l'Eglise vont avoir une espèce de gourmandise à utiliser ces prototypes et à montrer que le cierge pascal c'est le prototype, la figure du Christ. Ce qui préfigurait les fidèles marchant derrière le cierge pascal, c'est ceux qui marchaient derrière la colonne de nuée de l'Exode.

     Notre liturgie préfigure cela et du coup, dans cette figure des fidèles qui suivent le cierge pascal, il y a la réalisation finale de ce qui était préfiguré dans l'Exode, d'un peuple libéré sans qu'il n'ait rien fait, par la grâce de Dieu, qui traverse les eaux de la mort, laisse les ennemis de l'autre côté, entre dans la Terre Promise.

     Une fois que tous les fidèles ont allumé leur cierge, chacun recevant le don de la lumière par le Christ, en devient responsable aussi. Chacun est devenu porteur de cette lumière. C'est la liturgie qui le rend porteur. S'il l'a acceptée comme don, alors il en est responsable. Il doit lui-même être témoin de cette lumière et faire ce qu'il faut pour que en lui les ténèbres disparaissent et que la lumière l'envahisse le plus profondément possible.

     Puis vient le chant qui annonce la Pâque. On a des périodes dans l'histoire de l'Eglise où les fidèles attendaient le clou de l'année : c'est quand le diacre chantait l'Exultet. Actuellement, on n'a pas la très belle musique qui fascine absolument tout le monde parce qu'on est dans une culture éclatée.

2 - Les lectures

     Ensuite on entre dans la liturgie de la Parole. C'est un peu difficile parce qu'elle est longue. Sept lectures sont proposées. Il y a une espèce de répétivité : lecture, psaume, oraison, on se lève on se rassied, lecture etc… On feuillette l'album de famille, on feuillette la Bible pous se réjouir, pour savourer les préfigurations du Christ.

      La vérité des choses vient d'avant nous et la crédibilité de ce qui s'est passé dans le Christ est renforcée beaucoup parce que dans le passé, déjà il y avait eu des annonces de cela. Dans nos sociétés on a de la difficulté à comprendre cela parce que dans notre culture, on a presque basculé de l'autre côté. Si on veut savoir la vérité des choses, pour mes grands parents, il faut aller voir mon petit neveu parce que il n'y a que lui qui sait faire marcher l'ordinateur.

     Lui sait la vérité des choses. Une difficulté de notre culture, c'est qu'elle est complètement déportée vers l'avenir. comme on ne l'a jamais été dans l'histoire. Au contraire la culture biblique comme la culture africaine était déportée vers le passé. Pour savoir ce qu'il faut faire, en Afrique, devant les problèmes actuels, on va interroger les anciens.

Ce qui est à comprendre dans la liturgie de la Parole c'est que ce n'est pas autrefois, c'est aujourd'hui que cela se passe. Ce n'est pas passéiste ce que nous faisons. A partir du moment où nous confessons que le Christ est vivant, c'est aujourd'hui que cela se passe. C'est aujourd'hui que se passe la création de la lumière, que la lumière chasse les ténèbres...etc. C'est vrai que c'est un peu difficile et que culturellement parmi les fidèles de nos assemblées, il y a moins de facilité à cela. Dans certaines paroisses, on y passe toute la nuit.

3 - La liturgie baptismale

      Après la liturgie de la Parole, il y a la liturgie baptismale. Etant donné que la plupart d'entre nous ont été baptisés, bébés, une critique se fait jour quand on voit que des gens sont baptisés adultes. On dit "moi, j'aimerais bien avoir été baptisé adulte". La réponse à cela c'est "venez à la veillée pascale ! ". A la veillée pascale, on va faire jouer les principaux éléments du baptême et vous allez le célébrer votre baptême. Cela va se faire bien puisqu'il y aura du nouveau, avec le cierge pascal devenu responsable de la lumière du Christ pour lutter contre les ténèbres, pour votre part, vous allez de nouveau confesser la foi. C'est exactement ce qui se fait au baptême. Et ensuite il y a le geste de l'eau qui est une sorte de réactivation du baptême. Il y a tous les éléments : la confession de foi, la lumière et l'eau. La veillée pascale est le lieu de la rénovation du baptême.

      Tout se termine par la liturgie eucharistique qui n'est pas réservée à la veillée pascale.

Note - L'auteur étant actuellement au Canada, nous n'avons pas pu le joindre pour lui faire relire son texte. C'est donc à peu près textuellement le texte enregistré que vous avez pu lire ici, avec son style oral. Nous l'avons modifié le moins possible de peur de trahir la pensée de l'orateur.

 
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