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Conférences 1998 |
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Les témoins,
signes d’espérance
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Christiane
BARADEL, d’après les notes relues de Claude Michel
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Chatenay, le 18/10/97
- Soirée avec les jeunes
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Introduction
Quels sont les témoins, signes d’espérance aujourd’hui? Il est important en ces temps difficiles à vivre de se sentir tous responsables de ce qu’est l’Eglise. Si nous désirons une Eglise vivante, église que nous constituons, où le poids de chacune de nos vies a autant d’importance, il nous faut nous sentir réellement partie prenante de celle-ci. Quand on est jeune, on est sur des chemins qui se cherchent, on a plein de questions, et il ne faut pas apporter trop vite des réponses, car il y aurait un risque de cristallisation sur des réponses hâtives. Je suis plus âgée que vous, et je sais que la jeunesse du coeur est à arroser, à cultiver et qu’elle se fortifie mais que, parfois, elle est blessée. Nous allons partager ensemble sur les témoins d’aujourd’hui. Notre monde est profondément blessé, la vie est difficile, il n’y a pas de travail pour une partie des jeunes ainsi que pour leurs parents. C'est une réalité douloureuse à vivre pour nos contemporains. Ceux qui ont du travail ne doivent pas devenir des "animaux féroces" afin de conserver leur travail comme une proie. Ils doivent poser un regard évangélique sur leur vie de travail. L’important est de se poser la question : qui sont les témoins de l’espérance pour nous aujourd’hui ? Avant de faire un saut qualitatif par rapport aux textes, j’aimerais que chacun fasse part de ce qu’est pour lui un témoin, pourquoi, et témoin de quoi. Quelle personne est témoin ? Pourquoi certains ne sont pas signes pour nous ? C’est important de faire cette démarche avant de passer aux textes de la tradition de l’Eglise, une tradition vivante. Ces textes nous nourrissent, sont porteurs d’un sens profond, pour nous éveiller à quelque chose. Certains diront peut-être, pour moi, tel chanteur est témoin. On se demandera pourquoi. Après ce temps de débroussaillage, on lira ensemble deux textes, celui de l’apparition à Marie-Madeleine et celui des Disciples d’Emmaüs, qui relatent la rencontre du Christ avec ses témoins. On reçoit à la mesure de sa soif. La soif creuse si nous sommes travaillés par elle. Ce qui serait souhaitable, c’est que vous disiez si ces textes vous parlent. Ces textes ont-ils du sens pour vous ? S’ils n’en ont pas, pourquoi ne vous parlent-ils pas ? Quels sont les signes de reconnaissance du Christ ? Pour vous en 1997, ces textes ont-ils du sens ? Si les textes de l’Eglise ne vous font pas signe, quoi que l'on puisse vous dire, ils n’auront pas d’intérêt. Nous sommes des vivants. Certains d’entre nous verront du soleil dans ces textes car il y a du soleil en eux. Comment ces textes fonctionnent-ils pour que nous soyons des vivants ? Remontée du premier carrefour : Le témoin rayonne par ses actes et sa manière d’être, donne envie de le suivre, il est témoin de l’amour de Dieu. Deux personnes m’ont donné envie de suivre et le scoutisme a été un élément important. Une personne qui laisse transparaître l’amour de Dieu est témoin. Ce sont plutôt des gens que l’on côtoie dans la vie que des modèles inaccessibles, tellement hauts par rapport à nous qu’on ne peut pas essayer de les imiter. Tellement hauts qu’ils ne sont plus imitables dans leur comportement. Ils ne sont plus humains. Sont témoins, signes d’espérance, des gens ordinaires dans la vie de tous les jours, dans la vie du boulot. Des gens qui ne témoignent pas tant par la parole que par le comportement, qui donnent envie de suivre, de faire pareil, de se lancer dans cette aventure, qui sachent demander aux autres, déclencher dans la vie des autres un mécanisme d’action, qui soient un moteur pour les autres. Le témoin est celui qui propose un autre chemin que la société, qui propose une autre façon de vivre, qui nourrit le cheminement intérieur. Yvette et Pascal sont témoins à Chatenay parce qu’ils ont réussi à faire bouger des jeunes à Châtenay. Les signes d’espérance sont liés à l’esprit d’enfance que tous peuvent avoir. Ce ne sont pas forcément des personnes, ce peut être un mouvement, un groupe, une dynamique (aumônerie, scoutisme). Il y a le jaillissement de la vie et l’instinct de survie, qui est une réalité autour de nous. Samuel Pisar était véritablement un homme qui par son action a fait oeuvre de courage, a montré un instinct de survie pour aller au-delà de la haine et reconstruire sans colère. C’était un avocat international, polonais. Le renouveau va au-delà de ce qu’on peut faire, c’est quelque chose qui nous dépasse. La paix que l’on a avec soi-même amène celle avec les autres et elle est source d’espérance. L’espérance est que l’homme peut dépasser tout. L’espérance est dans notre tête. Est témoin celui qui est libre de prendre sa vie en main sans tenir compte des contraintes de la société, comme Guy Gilbert, Soeur Emmanuelle, qui se lancent dans leur propre vie, dans ce qu’ils aiment, qui ont su dire non à un certain statut de vie économique et sociale, libres de prendre leur décision pour s’engager. Les meilleurs témoins sont ceux avec qui on vit. Il faut être deux pour qu’il y ait témoin, au sein d’une relation. On fait évoluer les témoins selon les situations. Depuis deux ans, il y a beaucoup de témoins dans ma vie car je suis catéchumène et ils se présentent à moi selon mon cheminement. On peut s’inquiéter quand on n’a plus de témoin. Il y a plusieurs sortes de témoins. L’Abbé Pierre, Soeur Emmanuelle ou Mère Thrèsea qui donnent leur vie. Moi je ne donne pas ma vie, mais je donne un peu de mon temps. Certains peuvent redonner confiance dans les moments difficiles, certains trouvent des points positifs. Dans les périodes de doute, certains m’ont aidé à retrouver la foi. C’est très difficile. Exposé : comment peut-on être témoin ? Je vais rebondir sur certaines phrases que vous avez dites. Mais auparavant, je dois vous dire que vos paroles ont autant de poids que la mienne.. Des personnes n’ont plus rien, mais quelque chose les pousse à vivre. La vie est plus forte que la mort. Nous ne sommes pas propriétaires de la vie ; un enfant qui arrive dans une famille est un don de Dieu, un don gracieux. On ne met pas la main sur la vie. On accueille un enfant qui nous est donné. La puissance de vie, l’énergie vitale, la vie à laquelle Dieu nous appelle dans la Bible - dans la loi mosaïque, on voit bien la mort et la vie et Dieu nous supplie : "Choisis la vie". Parfois on est dans l’égarement, et parfois on ne l’est pas. Mais Dieu vient nous dire : "tu es fait pour la vie. Reviens, retourne-toi." Je remarque dans vos propos une défiance entre les paroles et les actes. On ferait mieux de se taire, semblez-vous dire. Il y a un soupçon entre les mots prononcés, les paroles dites et les actes vécus. Avant de parler du témoignage, il faut donc parler d’authenticité. Nous recherchons des êtres vrais, authentiques avant d’être des témoins. On est d’abord dans l’ordre de l’authenticité si on a envie d’aller plus loin avec l’autre. De qui ou de quoi témoigne-t-on ? On n’est pas témoin de soi-même, mais de quelqu’un. Si une personne vous fait signe et vous donne envie de la suivre, c’est que quelqu’un en elle l’anime, l’attire et nous attire. Nous sommes attirés ensemble par le même Esprit. L’Esprit qui les anime, l’amour qui les anime. Quel est ce coeur palpitant qui fait battre le coeur de l’autre et le mien en résonance ? Le témoin rayonne et on a essayé de dire ce qui en lui nous attire. Ecoute beaucoup Guy Gilbert à la radio, il insiste toujours sur la source de tous ses actes, le Christ. Il rayonne parce que le sens de tous ses actes, le source de tous ses actes, c’est l’amour du Christ. Qu’est-ce qui me fait signe, m’attire, attire mon regard ? Quelle est la relation que l’on a avec le maître intérieur, le Christ qui fait qu’on devient ou non témoin ? Ces témoins sont vivants, contagieux, pour ceux qui les approchent. Est-ce l’idéal de vie ? Qui est la source ? Le Christ. C’est lui qui est au coeur de leur relation et irradie toute leur vie personnelle. Qui approche-t-on en fait ? N’est-ce pas le Christ qui s’approche de nous, par les mains de Guy Gilbert, de Soeur Emmanuelle, de leur douceur, de leur sourire, de leur énergie. C’est le Christ souffrant qui s’approche des plus pauvres. On voit l’extérieur qui nous fait signe. La Samaritaine est retournée au village après sa rencontre avec le Christ pour dire à ses voisins : "venez voir !" Elle rayonne et les gens lui demandent : "où as-tu été ?" Et eux-mêmes, à leur tour, vont voir la personne avec laquelle elle a trouvé la source de ce rayonnement. Mais si on va plus loin, quelle cause provoque l’attitude de cette femme, de cet homme ? Témoins, nous le sommes tous, car ce coeur-là de l’amour du Christ anime tous. Nous sommes en puissance des Guy Gilbert et des Soeur Emmanuelle. Le témoin est celui qui transcende sa vie au lycée, à la fac, au bureau. Il nous faut retrouver le coeur de la pulsation qui nous anime tous. Ce qui nous fait signe va faire signe aux autres. Paix et joie sont dons de l’Esprit (Saint Paul). On reçoit ces dons de Dieu si on a une disposition de cœur, et ce chacun d’entre-nous. Quand on est jeune, on a beaucoup d’idées sur ce qu’on fera. En vieillissant, on négocie avec les portes qui se ferment peu à peu. Tout chemin est porteur de vie. Mais comment nous mettons nous à l’écoute de la vie ? Le problème est que, souvent, on regarde à l’extérieur, à la périphérie de soi. Et moi, qui me fait vivre, qui fait que le coeur qui bat en moi est source pour l’autre ? Service, don, ouverture aux autres. Le bonheur n’est pas un amour refermé, mais ouverture sur l’autre, communion avec les autres. On parle souvent des témoins et de la force qu’ils manifestent, je dirai plutôt la puissance de vie qu’ils manifestent, la puissance du Christ. Lorsque notre coeur fait place à l’Esprit Saint, alors la puissance de Dieu nous habite dans les gestes que nous posons et nous pouvons alors déplacer des montagnes. Il suffit d’un rien : un petit grain de foi à quoi nous devons dire oui ou non, consentir à cela. La liberté et la joie Le témoin libère. Oui, c’est la liberté des enfants de Dieu. Il est important d’apprendre au fil du temps l’accueil de la différence, des formes diverses, importantes pour l’ensemble de la réalité. Ne pas rester dans le conformisme. Les témoins sont des êtres libres, car ils ont trouvé un autre référent qu'eux-mêmes, c’est le Christ qui est leur référent, l’amour du Christ, miséricordieux et rempli de compassion. Ceci leur permet d’être sources de vie. La joie, par les temps actuels, est très importante. Ce n’est pas la joie béate du niais qu’on tente parfois de coller à la peau des chrétiens pour montrer qu’ils sont peu évolués. Mais c’est la joie de celui qui se sait aimé, contre vents et marées. L’amour est plus fort que les difficultés. Quand on a fondé son amour sur le Christ, cette joie est indicible. J’ai la chance d’être dans un milieu de cadres, plutôt païens. La joie, où est-elle ? C’est la joie des frères et soeurs que le Christ m’a donnés. La vie est un don. Je sais que le Seigneur m'a confié ces personnes-là, je les aime et ils savent qu’ils sont aimés. Ils disent : on a de la chance d’avoir un croyant parmi nous et cela leur fait envie. On a le droit d’être fou dans le monde et cela n’empêche pas de faire un travail sérieux. Le témoin vit une joie profonde qui lui dit : le matin, je me lève, je ne sais pas ce que sera cette journée, mais je sais que tu l’as désirée pour moi et je vais la découvrir. Ceci permet de durer à des couples unis depuis de nombreuses années : Mon mari, là à mes côtés, est neuf tous les matins, il est beau. Le coeur de celui qui est témoin est animé par quelqu’un de plus grand que lui. Son fondement ne vient pas de lui-même. Ces paroles que je vous dis sont le fruit de beaucoup de labeur. Il est important de savoir que ce chemin, on doit le faire avec la confiance de la nouveauté, du vivant, la confiance dans le mari, les enfants, les êtres sur lesquels je ne mets pas la main et qui vont croître.
Le témoin sait cela, rend grâce de tout cela car il sait qu’il reçoit tout de Dieu . Il sait regarder et voir la nouveauté, même si le sillon est toujours le même. C’est ce qui fait battre le coeur des témoins. Remontée d’un ou deux groupes sur les textes (Marie-Madeleine et Emmaüs) Actualisation de l'apparition à Marie-Madeleine Ces deux textes sont liés au texte de nos vies. Quand Marie- Madeleine va au tombeau, elle veut retrouver le corps du Maître qui est mort. Le comble est qu’elle ne le trouve pas. Elle voit qu’il y a une personne qu’elle ne reconnaît pas qui lui dit : "pourquoi pleures-tu ? Qui cherches-tu ?" Nous voyons des personnes à côté de nous dans notre quotidien, que nous ne reconnaissons pas. Elle s’entend appeler :"Marie". Chacun de nous est appelé comme Marie par le nom de l’intimité qui lui correspond, par le jardin secret de qui il est. Quand Jésus appelle, Marie-Madeleine le re-connaît, car elle l’a vu vivant avant. Nous non. Mais les paroles de Jésus résonnent en nous et parce que quelque chose en nous est capable de Le reconnaître, comme Marie-Madeleine qui reconnaît le Christ, Celui quel connaissait. Nous reconnaissons cette dimension de vie qui fait vivre l’autre, celle de l’Esprit, parce que l’Esprit est aussi en nous. Plus intime à nous que nous-mêmes. Il nous fallait être appelé pour le reconnaître. C’est la même chose pour Marie-Madeleine, elle est appelée "Marie". Elle reconnaît la voix de Celui qu’elle connaissait. Nous avons dans nos vies des personnes qui nous ont dit des paroles qui ont provoqué en nous un retournement complet de notre vie. Quelque chose de plus grand. Marie-Madeleine voyait Jésus et ne le reconnaissait pas, elle entend la voix de Jésus et elle le reconnaît. Les événements ont pris sens. Avez-vous remarqué comme nos sens sont parfois très trompeurs ? Marie-Madeleine reconnaît Celui qu’elle a connu avant. Quand nous avons des témoins qui nous font signe, ce que nous reconnaissons en eux, ce ne sont pas forcément d’abord des actes isolés, mais plus profondément, c’est le sens de leur vie, le fondement de leur vie. Ils ont le courage d’assumer leur vie. Nous avons tous à choisir librement le sens de notre vie. Le témoin est celui qui choisit de suivre le Christ, et l’Ami pour rejoindre la multitude. Il le fait avec légèreté. Quand on subit le chemin, tout devient pesant. Un prisonnier dans sa prison peut être libre et un jeune emmuré dans sa prison intérieure. La liberté est la capacité que nous avons d’assumer en conscience les choix que nous posons. Par moments, nous sommes des emmurés vivants dans nos convictions et nos certitudes. Ce que nous demande le Christ, c’est l’ouverture. "Ne me touche pas... Va trouver mes frères..." Dans la relation avec le témoin, il y a une sorte de main mise sur l’autre, nous avons envie de le toucher, cela nous ferait devenir presque aussi "bons" que lui. Jésus demande autre chose à Marie-Madeleine. Elle ne doit pas toucher l’Ami qui doit être donné à la multitude. Elle doit comprendre que la proximité du Seigneur, ce ne sont pas ses yeux, ses mains, mais c’est dans son coeur. C’est un apprentissage difficile. Les sens concourent aussi à la dimension de perception, de la foi. Ce n'est pas seulement de l’ordre de l’adhésion. Il ne faut pas séparer ce qui est de l’ordre de la foi du corps. Nous sommes humains parce que nous percevons les choses. On pose parfois des actes d’égarement parce qu’on est trompé non par nos sens mais par notre jugement. Il faut reconnaître la parole du Maître intérieur, être à l’écoute de cette parole. On pourrait dire que la Résurrection est majeure dans ce texte, mais pour moi, ce qui est majeur dans ce texte, c’est qu’elle l’ait reconnu à l’écoute. Nous devons reconnaître celui qui nous appelle pour devenir des croyants adultes. Tant que je ne prononce pas : "oui, Maître, je viens", quelque chose manque, car Dieu veut un partenaire. Question : une phrase m’a marquée : quand Jésus dit : "Ne me touche pas". J’ai l’impression qu’il y a impureté. Non, ce n’est pas une question d’impureté, mais il y a un avant et un après. Avant, beaucoup de personnes ont touché Jésus. Après la Résurrection, il faut que la pédagogie divine fasse comprendre qu’ils doivent passer dans une modalité toute autre de connaissance, qu’ils passent de la vision des yeux à la vision du coeur, et qu'ils trouvent la proximité qui est celle du Christ intérieur. Le Christ doit monter vers son Père pour que l’Esprit soit donné. C’est un apprentissage difficile pour s’approcher du Christ ou se laisser approcher par Lui. Cela nécessite qu’on laisse tout ce qu’on croyait connaître sur lui, pour faire la découverte du Christ à l’intérieur de soi, dans le sanctuaire du coeur. Pour s’en approcher, il faut enlever ses sandales comme Moïse. Si on ne le fait pas, on n’entre pas dans le sanctuaire, on ne rencontre ni le Christ intérieur, ni les autres. Et on pose des actes extérieurs mais on n’entre pas dans l’acte intérieur, issu du coeur. Les fruits sont très différents. A la radio, j’ai écouté Mère Térèsa raconter l’anecdote suivante : "Une de ses soeurs vient de lui dire qu’il n’y a plus de riz mais 600 personnes à nourrir. Elle lui conseille d’aller à l’oratoire pour prier. Mère Térèsa explique : qu’il advienne ce qui doit advenir, si cela doit se faire, cela se fera. Quinze minutes plus tard, le sac d’un livreur s’éventre dans la cour et il vient sonner pour le donner. On prépare avec, 601 bols de riz, dont un pour le pauvre". C’est la même chose dans nos vies. On est capable de déplacer des montagnes, et ce n’est pas nous qui le faisons, mais le Christ en nous. C’est de même nature, le problème est que nous n’y croyons pas. Il y a les actes que je peux poser. J’ai fait l’expérience d’un séjour à l’hôpital. Il y a des infirmières qui ont une manière brutale de soigner leurs malades et d’autres qui ont une tendresse infinie. A la fin de mon séjour, je suis allée remercier l’une d’elle en lui disant : "Je vous remercie pour les actes que vous posez, car j’ai compris la tendresse pour le souffrant comme tendresse de Dieu (même si elle n’était pas croyante)". Ce qui manifeste sa présence aux autres est le coeur même de l’humanité du Christ, la divinité du Christ, c’est la plénitude de son humanité. Cette infirmière était étonnée que je la remercie. Elle manifestait tendresse et compassion comme le Samaritain. Comment nous reconnaissons-nous dans les pèlerins d'Emmaüs. A propos des Pèlerins d’Emmaüs, le cardinal Lustiger dit souvent qu’il aurait aimé écouter la catéchèse du Christ sur la route. Enfin, on aurait quelque chose de solide. Vers la fin du texte, le Christ dit : "Coeurs sans intelligence.. et il retrace avec eux tout ce qui le concernait en passant par Moïse et les prophètes". Mais, le Christ a beau leur expliquer, ils ne comprennent encore rien. Alors il fait semblant de s’en aller plus loin. Ils ne le reconnaissent toujours pas, malgré sa "super-catéchèse". Quelle leçon d'humilité ! Dieu a pris le risque de l'homme. Le Christ entre donc pour rester avec eux à leur demande. Leurs yeux s'ouvrirent et ils le reconnurent, mais Il avait disparu. Il y a là tout un apprentissage entre ce qui est de l'ordre de la foi à celui de la reconnaissance de Jésus "Notre coeur n’était-il pas tout brûlant ?" Il a fallu la fraction du pain et la relecture des Ecritures. C’est très actuel : on ne voit rien au début, on a beau nous expliquer. Il y a une fissure qui se fait : la question d’un collègue qui va provoquer tout un travail d’anamnèse, de relecture, et je vais me souvenir que mon coeur était tout brûlant. Le coeur de la personne, le sanctuaire du cœur où tout est un, était brûlant et cela nous fait changer de trajectoire. C’est important de faire cette expérience dans nos sens. Nous ne sommes pas voyants seulement dans la tête, mais aussi dans le corps. On vit des expériences. Entendre la Parole, c’est le même acte que de manger la Parole. Au début, les catéchumènes devaient sortir avant le mystère eucharistique. Il faut faire attention au risque d’idôlatrer l’Eucharistie. La Parole est aussi importante que l’Eucharistie. On devrait favoriser des liturgies de la Parole pour entrer en communion les uns avec les autres et avec la parole du Christ ainsi qu’avec les catéchumènes. Nous sommes dans le monde incarné marqué par la dualité, un monde des oppositions, des contraires. Notre jugement est modelé par cette structure mentale. Il faut remonter à la source première, à l’unité primordiale, celle de l’Esprit. C’est cela, que nous reconnaissons en l’autre quand il nous attire. Il y a l’Esprit et l’âme. L’Esprit est un. Quand nous percevons le rayonnement de quelqu’un, c’est la fine pointe de notre âme qui reconnaît en l’autre la fine pointe de son âme. La vie parle à la vie. Très tôt, j’ai eu une phrase présente en moi :la vie parle à la vie. Je savais quand je rencontrais quelqu’un s’il était un vivant. Quand on passe à côté de quelqu’un qui est emmuré, blessé, si on lui tient la main, on sent les ailes blessées se redéployer. Toute personne qui est porteuse de vie donne la vie à l’autre. Si nous ne le sommes pas, nous ne leur donnons pas la vie. Le Christ en nous a besoin de nos mains, de notre coeur, de nos yeux pour approcher chacun d’entre nous et si nous sommes des vivants, nous apportons le Christ à nos frères et le Seigneur voit sa création au travers de chacun de nous. Mais voulons-nous la vie ? Les témoins ne sont pas à Katmandou, ni à Rome. C’est nous, c’est vous. Quelle est la famille du Seigneur sur la terre ? Tous ceux qui regardent l’autre et voient en l’autre l’icône du Christ. Tous ceux-là, quelle que soit leur religion. A chaque fois que je ne fais pas quelque chose pour mes frères, cela dégrade tous les hommes. Il y a un pressentiment très fort qu’il y a quelque chose d’important chez le souffrant, je ne peux pas le laisser, car mon frère, c’est moi. S’il est avili, je suis avili. C’est cela le Corps du Christ. Nous formons le Corps du Christ uni par son Esprit. Chaque fois qu’un homme est atteint si nous ne sommes pas atteints, nous sommes des repus, des emmurés. Si on a un métier et les autres non on peut dire. "Ma famille est sauve, les autres, cela ne m’intéresse pas". Mais les problèmes vont perdurer on est tous solidaires, on est tous touchés. Moi aussi, il m'arrive de dire : repos. Mais j’ai conscience que je ne suis pas sur le bon chemin. Ce n’est pas que cela ne soit pas bien moralement, mais je sens que je ferme la porte à l’Esprit, car je suis pécheur. Je dis parfois au Seigneur : "je fais tout ce que vous me demandez d’habitude, mais là je suis fatiguée". Quand je dis, je ne peux pas, je ferme la porte à l’Esprit car je ne compte que sur mes seules forces. Il faut qu'un jour que nous soyons des croyants sur nos deux jambes, avec une nourriture d’adulte et non d’enfant. Témoin, on ne peut pas exister les uns sans les autres, du fait de l’Esprit qui est présent et du fait qu’on voit dans l’autre le visage du Christ. Il faut faire attention de ne pas se laisser enfermer par ce que l’on croit connaître et savoir. Je connais des chemins d’égarement comme chacun d'entre nous. Il faut garder la capacité d’étonnement des premiers jours, l’étonnement des premiers instants. Il faudrait souhaiter qu’on ne s’habitue pas à une personne. C’est vrai aussi du Christ. On n’a jamais fini de découvrir le Christ. A France Telecom, je travaille avec une trentaine de cadres supérieurs qui me demandent ce que j’ai vécu après les retraites. Je leur raconte. Ils ont droit à leur mini-catéchèse. Je leur dis qu’à chaque fois qu’il y a une eucharistie, il y a la liste des vivants et des morts et je leur demande s’ils souhaitent que leur nom figure dans la liste des vivants. Ils disent oui comme si quelque chose en eux tressaillait de joie à la pensée que leurs noms seront prononcés devant Dieu Parfois, en travaillant, je sens que je commence à me disperser, le centre de moi-même devient agité, je n’habite plus dans le centre de moi-même. Je sens de l’agitation, un sixième sens se met en mouvement. Je m’accorde trente secondes de recentrement comme dans le jardin de Marie-Madeleine. Je n’entends pas de voix, mais, je retrouve mon jardin intérieur. Parfois, des personnes entrent dans la pièce où je me trouve. Mais ils ne savent plus pourquoi, ils voulaient entrer. Moi, je sais : parce que la vie parle à la vie. La vie s’est réunifiée et je laisse transparaître un peu de ce qui est l’origine de l’autre. Il entre mais ne sait pas pourquoi il entre. C’est la vie qui l’attire. C’est vrai pour tout le monde, pour chacun d'entre nous. Quand nous avons une densité qui est légèreté, alors les autres viennent à vous sans problème. Mais c’est celui que vous manifestez qui attire l’autre. On s’est effacé devant l’Esprit pour que l’autre puisse entrer en communion en nous et avec nous. |
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