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Conférences 1998 |
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L'ESPRIT
DANS L'ANCIEN TESTAMENT
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Conférence
de Françoise SCHMITH
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Jeudi 15 Janvier 98
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Ne vous attendez pas à une construction systématique plaisante, de type dogmatique sur l'Esprit, la Sagesse et la Prophétie dans l'Ancien Testament. Cela ne se présente pas comme cela. On ne peut pas, sauf à donner nous-mêmes aux termes qu'emploient les textes, un sens qui serait le nôtre d'avance, on ne peut pas faire comme si il y avait une construction monolithique, cohérente dans l'Ancien Testament, comme si on pouvait le traiter comme un tout qui dirait un certain nombre de choses sur l'Esprit, la Sagesse et la Prophétie. On va partir à l'envers de ce que nous savons d'une des définitions de l'Esprit dans le Nouveau Testament qui est considéré par tout le christianisme comme la plus proche de l'héritage de l'Ancien Testament. Et c'est chez Jean, donc dans le quatrième Évangile où l'Esprit est tout simplement, exclusivement au service de la meilleure interprétation, de l'interprétation vive du message de Jésus, une fois qu'il n'est plus là, en son absence. Il a quelque chose à voir avec la mort, avec l'absence et avec le message interprété, compris. La filiation entre cette signification qui est peut-être la plus ancienne dans le Nouveau Testament, avant la dogmatisation, et ce qui se passe dans l'Ancien Testament, n'est pas claire. Elle n'est pas uniforme. Avant d'entrer dans cette diversité et de vous montrer qu'il y a tout de même une cohérence objective, je voudrais vous rappeler où nous en sommes actuellement quant à l'histoire de la rédaction des textes de l'Ancien Testament, une histoire sans laquelle on ne comprendrait pas bien pourquoi nous devons être si prudents quand nous essayons de traiter un sujet thématique qui essaie de faire comme si il y avait une cohérence claire dans les textes. Je vais donc rappeler très vite où on en est même
si sur certains points au moins, cela peut presque choquer nos idées
reçues. On considère pour l'instant qu'il faut parler d'abord très prudemment d'une histoire d'Israèl entre 950 et 720 avant Jésus Christ, l'histoire d'un véritable État avec des scribes et par conséquent avec une littérature possible à Samarie, cela au moins depuis l'existence de la dynastie des Omrides. Ces gens du Nord, ces gens d'Israèl précèdent pour nous de plusieurs siècles le début de l'écriture d'une mémoire dans Juda qui ne commencera que beaucoup plus tard au 8ème siècle. Or c'est dès le 10ème siècle qu'à Samarie, il y a des scribes qui archivent. On a la certitude que Yahvé, Ya-Hu était bien le Dieu tutélaire des dynasties du Nord et que ce Yahvé du Nord avait grosso modo, du point de vue de la définition de son aspect, de ses fonctions divines les traits du Baal, du Dieu du Nord de la Syro-Palestine qui exerce son pouvoir sur l'orage, la pluie, la fertilité, mais aussi qui possède l'efficacité; la compétence. La compétence serait peut-être une meilleure traduction de ce qu'on appelle parfois la sagesse, la vie, compétence quant à la vie qu'il donne, Baal, au risque de sa propre mort. C'est aussi un dieu qui a un aspect guerrier. Ses attributs sont donc la foudre, le taureau sur lequel il marche, parfois un lion à cause de sa parèdre qui est Amat. Ce Dieu de Samarie ce Yahvé du Nord dans l'Ancien Testament achevé, tel que nous l'avons maintenant (2ème ou 3ème siècle avant notre ère),est est gommé en partie comme ayant les traits extrêmement mêlés de ceux du paganisme phénicien. Il faut bien voir qu'une grande partie des traditions que nous avons dans l'Ancien Testament sont en fait issues de ce fonds traditionnel, de ce "corpus" de Samarie dont les représentants principaux, les élites, sont descendus à Jérusalem au 8ème siècle en 720 au moment où l'Assyrie fait de l'Israèl du Nord une province syrienne. Là, les scribes sont au travail et une historiographie sommaire mais réelle est mise en place avec une théologie qui semble être une théologie du pacte. Exprès je n'emploie pas le mot "alliance" parce que alliance pour nous est déjà très dogmatique, très systématisé depuis le haut Moyen Age par nos théologiens. C'est pourquoi il vaut mieux employer un terme plus profane, plus large aussi comme celui de pacte. A partir du 8ème siècle en Juda, à Jérusalem commence un état qui a tous les traits de l'Etat, avec des routes, des grands magasins, mais surtout avec des scribes, avec un artisanat qu'on pourrait dire subventionné par Jérusalem, la capitale, qui est, en fait, une vieille ville sainte. Même avant l'existence d'Israèl et de Juda, Jérusalem semble avoir été la ville d'un sanctuaire, une ville existant par rapport à un sanctuaire. A partir du 8ème siècle, elle devient vraiment une capitale et, à son tour, elle a cette élite de gens qui écrivent et qui lisent, donc des scribes qui se mettent sous forte influence israélite à retravailler les traditions du Nord et à en faire un ensemble avec d'assez maigres archives des sanctuaires du Sud. Eux sont surtout intéressés par les traditions de type patriarcal , c'est à dire les traditions concernant les ancêtres locaux, les ancêtres tribaux. Une historiographie se met en place sous influence à la fois égyptienne forte et assyrienne encore pus forte avec une théologie qui est presque une idéologie de la rétribution. Les rois sont bénis dans leur travail dans la mesure où ils sont obéissants. Dans la mesure où ils sont désobéissants à la loi de Yahwé, c'est la catastrophe. Yahvé ici, n'a pas les traits de Baal comme à Samarie. Il a les traits de El. El est un autre des dieux anciens, cananéens de Syro-Palestine. C'est le même que Allah, c'est le même que Elohim. C'est la divinité. El n'a pas les traits du dieu de l'orage. Il a les traits d'un dieu géniteur, d'un dieu de l'engendrement, mais aussi d'un dieu créateur, d'un dieu qui parle. Il est caractérisé par sa monarchie. Finalement, c'est le monarque. C'est un roi. Baal est plutôt un guerrier. C'est un roi et il est conseiller. Il est un peu retiré des affaires et il est conseiller. Inutile de dire que dans un milieu dominé par une vision de "Yahvé égale El", on aura une importance très grande donnée à tous ceux qui sont, eux-mêmes des conseillers, donc des sages. Il y a tout un milieu de sagesse à Jérusalem qui devait être plus important qu'à Samarie. C'est donc cette histoire hachée et en deux temps qui a supposé finalement la réconciliation de deux traditions concurrentes et parfois opposées, qui nous donne cette impression de tension forte entre des milieux qui s'expriment pourtant dans le même livre. Il y a d'abord quand on pense à l'Esprit, au "ruah", non pas le texte de la Genèse qui est un des textes les plus tardifs de l'Ancien Testament, mais les textes prophétiques. Longtemps avant l'existence d'Israèl, le proche Orient ancien a connu l'exercice d'une fonction prophétique. Déjà à Mari, à Ugârit, en Mésopotamie et en Egypte, on a cette fonction. Elle a des traits divers. Elle peut être institutionnelle. La prophétie s'exerce à l'intérieur du milieu royal et pour le roi. La fonction royale elle-même est très liée à la fonction prophétique. Elle en dépend. Peut-être même qu'aux origines le roi "Méleck, c'est celui qui est inspiré, qui sait s'il faut faire la guerre ou pas, s'il faut entreprendre une expédition ou pas. Mais en fait, il le sait grâce à ses devins, grâce à ses prophètes. Ce sont donc les prophètes du roi, de la chapelle du roi, qui répondent aux questions du roi. Il y en a aussi qui sont, au contraire, très marginaux, qui interviennent brutalemnt, le plus souvent dans un cas de risque. Qu'elle soit institutionnelle ou marginale, finalement la prophétie apparaît toujours comme un contre-pouvoir par rapport au pouvoir central qu'il s'agisse de Samarie ou de Juda. Mais c'est surtout Samarie qui connaît les premiers grands textes prophétiques que vous connaissez qui sont aussi les petits prophètes, qui sont la base de la littérature prophétique quand on veut l'étudier d'un peu près. On pourrait travailler d'une façon très différente en cherchant comment fonctionne l'inspiration des prophètes. C'est un peu notre question. Elle n'est pas traitée dans ces termes-là dans les textes. On ne s'est pas demandé comment il se faisait que le prophète s'exprimait ainsi et pas autrement. Pourtant l'esprit (au sens anthropologique) du prophète est bien en relation avec un Esprit qui n'est pas donné à tout le monde et qui est considéré comme divin quel que soit le milieu d'où il procède et qui le fait agir et parler d'une façon ou bien passive (il parle malgré lui) ou bien au contraire de façon très, très responsable, très partie prenante de ce qui se passe et de ce qui se dit, et qui déjà interprète en même temps qu'il transmet une parole. Tout le Proche-Orient vit au fond dans une perspective de ce type prophétique, quels que soient les noms qu'on donne aux devins, exorcistes, etc...L'histoire des peuples est considérée comme entièrement manipulée, prédestinée, assumée par une destinée qui ne provient pas directement de ses projets. Le mot projet n'apparaît pas. Ce qui arrive c'est que des destinées manipulent l'histoire, la font. Et pourtant il y a dans toutes les cultures du Proche Orient ancien des spécialistes de cette destinée dont le métier consiste à la lire, à la savoir juste un peu d'avance. On est pris dans cette logique étrange pour nous, d'une culture polymorphe qui voit une Histoire entièrement manipulée dans la main de Dieu et dans laquelle les hommes n'ont presque pas de part. Et en même temps on a la possibilité à toutes les étapes de transformer cette destinée. Cela parce qu'il y a ces hommes, devins, prophètes, etc... Qui disent ce qui va arriver mais il ne le disent jamais que pour ménager un petit espace de liberté. En Israèl, cela se théologise dans nos textes. Cela se réfléchit du point de vue de la théologie. C'est dans cet espace que la sagesse du Proche Orient a ménagé à la responsabilité humaine que se glisse cette fonction prophétique dans l'Ancien Testament. Les scribes ont donc un pouvoir immense que ce soit à la cour ou au Temple, ou dans la ville. C'est pourquoi la différence que nous faisons entre la sagesse et la prophétie est une différence artificielle. Il y a des genres littéraires différents, mais ce sont les mêmes gens, c'est la même classe. Ces scribes sont très forts, très peu nombreux et polyglottes la plupart du temps et ils détiennent un certain pouvoir. Mais certains se spécialisent dans un travail qui nous donne des collections de proverbes alors que d'autres nous donnent des collections d'oracles. Ce que nous n'avons pas, ce qui est un fantôme pour nous, c'est le personnage -prophète ou le personnage-sage. Il a existé, mais lui, on ne l'a pas. Ce qu'on a, ce sont les collections d'oracles. Ce sont les livres prophétiques, ce sont les récits sur le prophète comme Elie ou Elisée qui sont l'oeuvre des scribes, de la cour après Josias, ou à Jérusalem à partir du 8ème, 7ème ou 6ème siècle. Donc attention à des frontières qui seraient des frontières fausses. Cela dit, on peut bien faire une différence du point de vue des genres littéraires entre trois types de corpus à l'intérieur du biblique qui travaillent d'une façon différente le rapport à ce qu'on appellera l'Exprit et qui traduit d'une façon tendancieuse souvent le mot vent ou souffle, le fameux "ruah". Trois types. D'abord du point du vue du temps, le plus ancien, c'est certainement l'histoire deutéronomiste comme oeuvre achevée. C'est l'histoire deutéronomiste qui nous donne la base. C'est donc quelque chose qui tourne autour du Deutéronome comme son nom l'indique, autour de la découverte d'une loi sous Josias au 7ème siècle. On est entre la grande crise assyrienne qui a détruit Israèl et la grande crise babylonienne qui va détruire Jérusalem. C'est entre les deux,(et il n'y a pas beaucoup de temps) que se constitue ce premier grand corpus national qui va être le noyau du livre où les Juifs vont vivre quand ils n'auront plus ni de terre à eux, ni de temple à eux, ni de roi à eux, ni en fait de sacerdoce à eux. Il va falloir vivre autrement et ils vont vivre dans un livre. Ce livre est construit autour de l'histoire deutéronomiste qui commence à être rédigée dans cette grande tension entre la conquête assyrienne et la conquête babylonienne. Les textes deutéronomistes qui tiennent entre le livre de Juges et le 2ème livre des Rois ont une figure de l'Esprit assez particulière. Peut-être parce que la dynastie devient chancelante et menacée, c'est l'Esprit de Dieu agissant sur un homme qui est la grande figure, qui guide l'historiographie deutéronomiste. Les Juges pourtant tous très différents, sont caractérisés en ce que l'Esprit de Yahwé est sur eux. Ce n'est pas le Saint Esprit au sens où nous l'entendrons après les grands conciles trinitaires. Il y a longtemps qu'en Orient, on fait la différence entre l'esprit d'Untel et l'esprit de quelqu'un d'autre. L'Esprit de Dieu, c'est aussi un autre terme. C'est comme cela qu'il faut le prendre. L'esprit de Yahvé et pas l'esprit de Tartempion est sur Otniel, Gédéon, Jephté et le meut, le fait bouger. On pourrait dire aussi le souffle parce qu'il n'est pas sûr qu'on ait pensé esprit au sens grec, pneuma, qui pour nous est devenu une espèce d'évidence. Cet esprit fait des rois, il fait des guides et il peut créer des guides à partir de pas grand chose. Samson est une grande brute et Otniel n'est pas non plus un très important chef d'Etat, mais ils peuvent cependant être mus par cet esprit de Yahwé et en tant que tels être des libérateurs. C'est très important qu'un peuple qui se sentait menacé par l'immense puissance que représentait l'empire assyrien et ensuite l'empire babylonien pense cela, le pense comme ça, donc le pense comme guide. On pourrait caractériser cet Esprit de Yahvé comme un Espri qui guide, qui meut quelqu'un pour le guider. Et guider aussi son peuple. A la tête de la communauté, on aura donc des gens qui, à la manière de Moïse qui est très important dans ce milieu, seront mus par cet Esprit de Yahvé. Mais attention, l'esprit est doublé d'un autre terme qui n'a pas eu un aussi grand avenir dans le christianisme de sorte que nous, nous l'avons souvent laissé tomber. Le judaïsme, lui, y a fait très attention et dans les premières synagogues on le voit représenté très fort. Cet autre terme, c'est la main de Yahvé. Elle est aussi importante que le souffle et si donc, vous reprenez un certain nombre de textes, faites aussi attention aux passages où la "main de Dieu" fait faire quelque chose à quelqu'un ou à un groupe que vous faites attention au souffle. Pour nous, le souffle et l'esprit, c'est mieux que la main, pour un israélite, c'est pareil.c'est quelque chose qui permet le geste. On avait dans l'historiographie deutéronomiste, pas mal réfléchi sur le concept d'autorité, en particulier en travaillant la fonction monarchique primitive, celle de David notamment. Or la fonction de David (2 Sam 23,2), tient au fait non seulement que l'Esprit de Yahvé le guide, mais au fait que l'Esprit de Yahvé "parle" par lui. C'est en deuxième concept important. Si nous conservons l'esprit de Yahvé et celui de la "main de Dieu", Il faut aussi prendre le 3ème terme qui est celui de la parole. Il y a un lien entre la façon dont parle quelqu'un et ce qui insuffle sa parole. Ce n'est pas le concept d'inspiration au sens de nos catéchismes ou de nos théologies. C'est beaucoup plus simple. C'est que quand on parle, on souffle et que si c'est le souffle de Yahvé qui fait parler David, c'est comme si on était en présence d'une sorte de théophanie, une sorte de manifestation de Dieu. Et donc l'autorité de David est considérable. Le morceau à l'intérieur de l'histoire deutéronomiste qui montre le mieux ce qu'est la mise en récit c'est le cycle d'Elie et d'Elisée En effet, l'Ancien Testament ne fait jamais de théologie, il ne fait que raconter, et le judaïsme continue, on aime raconter dans le judaïsme plutôt que de faire de la théologie. Donc ce qui raconte l'Esprit de Yahvé dans l'histoire deutéronomiste, c'est dertainement le cycle d'Elie et d'Elisée, notamment 1 Rois 17 à 19. Les récits qui mettent Elie en phase avec son temps et avec son peuple, sont aussi des récits qui montrent ce que c'est que la manipulation d'un prophète qui est aussi un sage par Yahvé. Elie a beaucoup de caractéristiques du sage. En même temps cette spiritualisation du prophétisme d'Elie c'est quelque chose qui reste très, très concret. Par exemple Elisée recevra une double portion de l'esprit d'Elie. Qu'est-ce que cela veut dire pour nous ? Rien. Cela se traduit en fait, par une extraordinaire abondance de gestes magiques, mais cela dit bien qu'il faut rester dans des catégories très objectives parce qu'on n'a pas encore commencé au 6ème et 7ème siècle à conceptualiser énormément les choses. On les voit comme des choses qui se promènent. La main de Yahvé, c'est tout juste si on ne la voit pas dans les textes. Elie est aussi mû par la main de Yahvé.(1 Rois 18). Le corpus deutéronomiste est enfermé dans une terrible logique qui est de type assyrien de ce qui se passe dans l'ordre politique contemporain; Cette logique, cette arithmétique c'est qu'à tout geste d'obéissance correspond une bénédiction, à tout geste de désobéissance correspond une malédiction. C'est même pas tout à fait comme cela qu'il faudrait dire les choses. C'est moins de l'ordre de la rétribution que de l'ordre de l'effet comme l'effet secondaire d'un médicament. Il y a un geste d'un roi qui a un effet immédiat mais qui transgresse un ordre divin relayé par exemple par un prophète ou par un devin. Samuel parfois est un peu devin sur les bords. L'effet secondaire est dans le prolongement c'est-à-dire que plus rien ne peut arrêter les effets de ce qui vient de commencer. C'est ce qu'on voit très bien avec Saül. Toute l'histoire d'Israèl et de Juda est lue et exposée dans l'histoire deutéronomiste comme le grand développement de cette logique avec ses effets. Très vite, à la fin du 6ème siècle quand Jérusalem tombe, l'histoire deutéronomiste n'intéresse plus les lecteurs ou les méditants comme une histoire politique au sens monarchique. Ils s'y intéressent au sens de leur salut personnel et il se trouve alors que chaque juif va se sentir prisonnier de cette terrible logique. Cela aboutit dans le Nouveau Testament à des questions comme : "pourquoi est-il aveugle ? Qui est-ce qui a péché, lui, son père ou son grand-père ?" Il y a une sorte de logique qui ne s'arrête plus et qui fait effet pendant des générations. Ce qui était pensé au plan politique, au plan de la monarchie plus précisément devient démocratique, se distribue sur les individus, lecteurs des textes. Alors le corpus prophétique apparaît , bien que rédigé par des gens qui sont peut-être les mêmes que les rédacteurs du corpus deutéronomiste, comme un antidote à cette fermeture. Chacune des oeuvres prophétiques ouvre, en quelque sorte, un nouvel espace d'invention, de liberté, de possibilités à ceux que la logique deutéronomiste enferme. Or, pour bien marquer cette rupture avec la logique si terrible de la rétribution deutéronomiste, le matériau prophétique emploiera les mêmes concepts que ceux du deutéronomiste et qui sont probablement les concepts dont on se sert à l'époque. Le même Moïse par exemple, qui chez le deutéronomiste est un modèle du prophète manipulé devient celui qui étend la main et fait les choses. C'est très visible dans le récit de l'Exode : il y a deux récits imbriqués l'un dans l'autre. Dans l'un, Moïse regarde ce qui se passe, dans l'autre c'est sa main qui fait les choses. Le prophète alors depuis Michée tranquillement dit : "je" suis rempli de l'Esprit de Dieu. De nouveau, les récits de vocation prophétique semblent préférer le concept de la main à celui de l'esprit. Dans Isaïe 6, le vocation d'Isaïe, dans la vocation de Jérémie, c'est d'abord la main de Dieu, en lien d'ailleurs avec la parole que va écouter le prophète et qu'il va transmettre ensuite, c'est la main de Dieu qui le met en scène et qui le rend capable de faire le prophète. Pourtant, un des prophètes, celui qui a été écrit en réalité à trois grands moments de l'histoire d'Israèl, Isaïe, qui est une littérature à lui tout seul, qui couvre la chute de Jérusalem, qui est commencé d'écrire vers le 8ème siècle, puis ré-écrit dans le 2ème Isaïe au moment de la chute de Jérusalem et ensuite, dans le 3ème Isaïe au moment du retour de Babylone, Isaïe probablement s'est compris lui-même comme le spécialiste, comme celui qui allait reprendre à son compte tout ce qu'on avait utilisé, dit ou pas dit, sur l'Esprit avant lui. Il va aussi bien être négatif et dans un certain sens profaner le concept en parlant d'un esprit de folie, d'un esprit d'ignorance, d'un esprit qui peut disparaître ou reparaître, donc dans un premier temps on peut dire qu'il déstructure ce que l'Esprit de Dieu pouvait avoir de monolithique dans la pensée dogmatique de son époque. Le corpus d'Isaïe est le premier à accéder à un vrai monothéisme radical alors que jusque-là on choisissait entre les dieux quel était le meilleur. Les autres dieux sont des ennemis on rien du tout mais on ne dit pas qu'ils n'existent pas tandis qu'Isaïe va jusqu'à éliminer l'existence des autres dieux, ce qui du point de vue philosophique, du point de vue de la pensée est une révolution énorme. A partir du moment où on élimine les autres dieux, il faut par exemple, rendre compte du problème du mal, puisque ce sera le même dieu qui sera comptable du mal comme du bien. Ce n'était pas pensable avant Isaïe. Il suffisait de mettre le mal du côté des méchants dieux. Maintenant l'esprit de Dieu va prendre une énorme importance chez Isaïe, une importance qui est à la taille de cette révolution, de ce monothéime qui apparaît radicalement. Et après avoir démonté sa fonction magique précédente, il va le concentrer dans une histoire du salut du peuple qui va traverser la crise de sa vie comme peuple. Il commence par dire négativement, par exemple, "l'esprit de l'Egypte va disparaître", donc le concept est sur la table, on peut le reprendre. Puis il va reprendre ce concept positivement en disant "mais l'esprit de justice, Yahvé en fait quelque chose". Isaïe pose une distance nouvelle entre l'esprit comme concept et le dieu qui en fait quelque chose. Dans la pensée magique, il y a des esprits. Quand Saül est vraiment très embêté, il demande à Samuel de faire quelque chose du côté des esprits, au sens des fantômes. On peut aussi être victime d'un esprit de mensonge. L'esprit a une puissance magique. Avec Isaïe, non. Le monothéisme l'oblige à sortir d'une conception magique.,. Et il le fait en distribuant avec de nouveaux attributs ce concept d'esprit. Il le fait ausssi en faisant parler Yahvé en "je", un je qui n'est pas confondable. "Je mets en vous un esprit nouveau" (ch 11) "Je mets mon esprit en vous" (ch 36) "Ils ont attristé mon esprit"...etc L'esprit de Dieu n'est pas encore ce que nous appellerons le Saint Esprit, même si on dit l'esprit de Dieu. L'esprit devient une manière de dire l'action directe de Yahvé dans l'histoire de son peuple. C'est pourquoi le lieu où l'on trouve le mieux cette fonction de Yahvé, c'est ce qu'on appelle la collection des chants du serviteur (ch 42 à 50) avec une liberté théologique inouïe pour les contemporains d'Isaïe, puisqu'il s'agira de Cyrus, le roi de Perse, quand il dira "j'ai mis mon esprit en lui" (42,1). Plus tard, un petit prophète, Zacharie, va élargir le rôle du prophète. Zacharie a une vision et voit des chevaux montés, des cavaliers. Il ne comprend pas ce qu'il voit et c'est un Ange qui est là et qui lui dit "Mais qu'est-ce que tu vois ?" - "Des cavaliers !" Et l'Ange lui explique de quoi il s'agit. Il s'agit d'une grande inspection de la terre. Puis il voit des forgerons, des cornes. "Qu'est-ce que tu vois ?" - "Des forgerons et des cornes !" - Eh bien tu vois cette autre frontière transgressée qui est la frontière qu'ont transgressée les grands empires comme des cornes qui sont rentrés et Israèl et en Juda, mais tu vois aussi les forgerons qui vont limer les cornes pour permettre de nouveau, de vivre. Il voit l'Ange de Satan, il voit le Satan...etc jusqu'à retrouver ses chars et ses cavaliers à la 7ème vision. En fait ça représente un chandelier, cette vision; Zacharie, le petit prophète de l'époque perse, quand il n'y a plus ni roi, ni grand temple où on représente la victoire de Yahvé sur le chaos, ni dynastie, ni aucune autonomie politique, le petit prophète Zacharie au pied de son chandelier, avec son rêve, il est en fait au centre de l'univers et un Ange fait de lui l'interprète de cette vision qui lui fait voir le monde entier parcouru par les cavaliers de Yahvé et qui est concentré autour de cette promesse d'un retour à Jérusalem. Là on est sorti de la perspective de l'esprit de Dieu qui entrait dans un prophète pour aller vers ce qui sera l'Apocalypse, le prophète qui a accès à une vision céleste de Yahvé qui gouverne le monde. Pendant ce temps-là, le 3ème grand corpus, celui de la Sagesse, fait aussi éclater parallèlement à celui des prophètes la grande fermeture du texte deutéronomiste, la grande logique de la rétribution arithmétique : "tu as fait cela, il arrivera cela, tu n'as pas fait cela, il n'arrivera pas cela". Et cette Sagesse s'y prend autrement. Si on ne tient pas compte de la sagesse très tardive, c'est-à-dire de l'époque hellénistiquecomme le livre de la Sagesse ou Ben Sirac, l'esprit ne joue pas un grand rôle dans la Sagesse elle-même. C'est la prudence dont il est question. Il s'agit d'une pensée de la bonne conduite, mais pas au sens deutéronomiste, pas au sens de la rétribution immédiate. Depuis les Proverbes jusqu'à l'Ecclésiaste, la Sagesse se trace un chemin en passant par Job par lequel nous terminerons vers un affinement du concept de conduite bonne ou mauvaise. Cela va de "bonne ou mauvaise" pour bien s'en tirer dans la vie, un art de vivre. On cherche les règles d'une bonne conduite, ce qui ne veut pas dire que ce n'est pas important. Cela veut dire qu'on cherche aussi les règles d'une vie fraternelle, d'une convivialité possible. On cherche dans la Sagesse quelque chose qui ouvre une voie nouvelle aussi à la pensée dans le judaïsme et qui est unique, qui ne se retrouve pas chez les prophètes sauf quand ils sont très mêlés de Sagesse, comme chez Amos. Et c'est : "qu'est-ce qui organise le monde ? comment Yahvé a-t-il organisé le monde ? Est-ce qu'il y a une sorte de régulation ? Est-ce qu'il y a un "ordre du monde" auquel il faudrait faire attention pour définir les critères de notre propre existence ? C'est donc très empirique et c'est à l'école de la recherche des Égyptiens. Quel est l'ordre, la rigueur de la mise en ordre du monde habitable offert aux hommes pour qu'ils y vivent, contre le chaos dont il a fallu le faire naître ? Et est-ce qu'on peut se conformer à cet ordre ? Cette définition d'une conduite bonne ou mauvaise s'est faite à coups de polarités binaires : il y a les sages et les sots, les intelligents et les fous... et on cherche sa voie comme cela en faisant du ping-pong. Parfois la présence du dieu est sensible au sage. Il ne fait pas que avoir une sagesse empirique. Son chemin de vie, cette espèce de recherche qui en un peu précurseur de l'éthique actuelle est aussi une recherche de ce qu'est une convivialité avec le divin. Mais tranquille, pas comme le deutéronomiste, pas tragique, pas du tout ritualisée. A partir de la grande crise de l'histoire de Jérusalem, la crise de la Sagesse coïncide avec la crise du monothéisme prophétique et cet art de vivre paraît ne pas suffire. C'est Job et Qohélet qui sont les meilleurs représentants de cette lutte pour arracher ce qu'on pourrait appeler un Esprit de Dieu, ce qu'on pourrait appeler déjà une spiritualité à la tension de la souffrance et du mal injuste, dont la rétribution ne peut pas expliquer l'existence. Avec Job, on a dans un discours qui est celui d'Elihu (33 et 34), la description de l' anthropologie contre laquelle il lutte, une anthropologie toute bête qui est : l'homme a un esprit qu'il reçoit de Dieu, Dieu a un autre esprit qui est incommensurable, donc nous, on n'a rien à dire, on est toujours des pécheurs. Et Job n'accepte pas cette espèce de Sagesse-là. Il se laisse plutôt défaire de ce que toute la théologie a de magique. Les amis de Job représentent ce qu'a de magique la théologie de l'époque. C'est magique de penser "si je fais cela, il va m'arriver cela" ou "s'il m'arrive cela, c'est parce que j'ai fait cela". C'est une pensée magique, ce n'est pas la pensée du monothéiste qu'est Job. C'est aussi une pensée magique qui va accumuler la pénitence et les sacrifices...etc pour reconnaître la grandeur de Dieu à la mesure de l'humiliation de l'homme. Job refuse aussi cela et il perd ses amis comme il se dénude. Il fait à l'envers, le mouvement d'Adam et Eve dans la Genèse, mais ce dont il se dépouille, c'est de l'explication de sa souffrance, de son mal d'être, de vivre seul. Il se défait même de l'appel à Dieu.
Donc la spiritualité de Job est une spiritualité du dénouement théologique : accepter même de ne pas comprendre. Le livre de Job donne la parole à des choses ridicules, un crocodile, un hippopotame, même si on y voit le dieu Horus. Les derniers chapitres de Job alors qu'on attend enfin une réponse, ce n'est pas une réponse, cela ne fait qu'accentuer la solitude de Job et sa protestation. C'est donc une spiritualité de la souffrance pure, acceptée comme pure, de la solitude traversée, mais qui débouche sur la contestation de l'Esprit de Dieu. Et c'est dans ce sens qu'à la fin du livre, Job est reconnu comme celui qui n'a pas menti, qui est dans le vrai, dont l'esprit est vrai. C'est évidemment la réponse la plus massive qui pouvait être apportée à l'arithmétique de l'historien deutéronomiste, du noyau central de l'Ancien Testament.
Débats
Question sur le chapitre 37 d'Ezéchiel
Le chapitre commence ainsi : "La main du Seigneur fut sur moi : il me fit sortir par l'esprit du Seigneur et me déposa au milieu de la vallée ; elle était pleine d'ossements." Donc on a dès le début, les deux éléments : la main et l'esprit, de la main et du vent qui font bouger le prophète à la manière dont au début du livre, Yahvé lui-même bougeait. Donc dès le début, on sent qu'il y a une analogie entre le prophète et Yahvé lui-même. Donc au milieu de la vallée qui est pleine d'ossements , il va se passer quelque chose qui casse complètement une théologie de l'esprit et de la vie concevable dans le milieu judéen classique. Je prends le verset 4 "Il me dit, donc Yahvé dit à Ezéchiel "prononce un oracle (c'est un geste rituel de prononcer un oracle, cela ne se faisait pas n'importe comment. ) Prononce un oracle sur ces ossements". En soi, il y a de quoi mettre tous les lévites en l'air. C'est impensable. Déjà l'ossement est en soi, impur et ici Yahvé veut que le prophète parle et parle un oracle, donc une parole de Dieu à un ossement. Il faut imaginer le scandale. C'est une profanation absolue ; non seulement le prophète va se profaner lui-même en s'approchant des ossements, mais en plus il profane la parole de Yahvé qui n'a jamais été faite pour s'adresser à des ossements. "Ainsi a parlé Yahvé à ces ossements : je vais faire venir en vous un souffle, un ruah, un vent pour que vous viviez. Je mettrai en vous un "ruah" et vous vivrez. Alors vous connaîtrez que je suis Yahvé. Il y a donc la formule de l'oracle normale avec la finale "alors vous saurez qui est Yahvé". Mais ce sont des ossements qui sont les destinataires et l'esprit est mis au service de la réanimation de ces ossements. C'est donc à la fois une recréation, c'est du même ordre que la création et en même temps c'est une création dans ce que vomit en quelque sorte, la tradition sacerdotale et rituelle. Au verset 9, il y a pire que de prononcer un oracle sur les ossements. Parce que finalement, ça ne marche pas. Il n'y a pas de souffle en eux, Au verset 9 "Yahvé me dit : prononce un oracle contre le ruah". Les traductions s'arrangent. Si elles ont mis l'esprit au début, maintenant, elles mettent le souffle, le vent. Mais c'est le même mot. Donc "prononce toi ( un bonhomme, un nabi, et de plus on l'appelle souvent fils d'homme) prononce un oracle contre l'esprit, prononce un oracle, fils d'homme, dis à l'esprit : ainsi parle le Seigneur Dieu ; souffle, viens des quatre points cardinaux, souffle sur ces morts et ils vivront. C'est un récit de résurrection évidemment. Mais c'est un récit de résurrection qui n'est pensable dans le corpus prophétique, qu'à condition de supporter deux profanations, premièrement de la tradition sacerdotale, du temple, qui n'a plus d'objet, deuxièmement de la théo-logie, c'est-à-dire de tout ce qu'on sait de l'esprit de Dieu et de la parole de Dieu dans le reste du corpus. Le prophète, fils d'homme, pour qu'il y ait résurrection, va devoir faire le prophète à l'égard de l'esprit, du souffle pour qu'il fasse l'impossible qui est de faire vivre un peuple mort et desséché comme un paquet d'ossements. Donc Ezéchiel est, en ce sens, au milieu de la crise et il n'est sort qu'en renversant les termes de la traditions religieuse.
Question sur la finale du livre de Job qui en fait est une heureuse fin.
Il faut faire la différence entre le cadre narratif en prose qui a permis que le texte soit canonique, mais toute l'histoire est un poème et cela ne se termine pas bien du tout. Cela ne se termine pas. Cela se termine par la théophanie, donc par ces hippopotames et Job qui dit " je regrette bien". Mais on ne sait pas ce qu'il regrette exactement. Il regrette le sac et la cendre. Est-ce que cela veut dire qu'il regrette le type de deuil qu'il a mené, qui est inutile. Si on ne tient pas compte du récit en prose qui est une histoire qui emballe le tout et qui le rend lisible, le poème lui s'achève par cette impossible théophanie. Ce Dieu qui dit "mais est-ce que tu as déjà regardé un crocodile ou un hippopotame ?" J'exagère parce que c'est un très gros hippopotame et un très gros crocodile, enfin un dinosaure, si on avait su à l'époque ce que c'était que les dinosaures. Et Job laisse tomber carrément? il ne va pas plus loin. Cela s'arrête là. Simplement le lecteur est libéré en quelque sorte, avec Job, s'est libéré au passage de tout un tas de conduites magiques, tous un tas de visions magiques, de ce que pouvait être le mal subi par Job. Job dit qu'il n'y a pas de système d'explication du mal. C'est tout.
Question sur l'image de Dieu que sous-tend Job, un Dieu oppresseur devant lequel on n'a qu'à s'écraser ?
Ce n'est même pas cela, c'est un peu ça, mais ce n'est pas non plus "tu n'as qu'à t'écraser". Simplement, il ne faut pas mélanger, les problèmes de théogonies, les problèmes de naissance du monde, de sagesse. La Sagesse n'a pas la clé du problème du mal.
Intervention : Zundel dit du Dieu de Job qu'il est un rouleau compresseurJob dans l'Ancien Testament est quand même un de ceux qui est le plus droit, le plus debout. C'est peut-être un rouleau compresseur qu'il a en face de lui, mais c'est comme le petit bonhomme tout seul devant un tank sur la place Tien An Men. On voit peu d'hommes aussi debout que Job, portant sa souffrance et refusant les bandes Velpeau à droite et à gauche et les onguents. Il conteste, il s'inscrit dans la contestation. Quand le Nouveau Testament relit Job dans les récits de la Passion, il les relit bien de cette façon. Quand Jésus dit "Pourquoi m'as-tu abandonné ?" il n'y a pas non plus la réponse à côté. Job n'a probablement jamais été lu tout seul. Job est à lire dans un ensemble. Job est une contestation du Dieu du Deutéronomiste et non pas une contestation de Dieu. C'est une contestation d'un Dieu qui, à la petite semaine, donnerait les explications du mal
Question sur la Bible lue par l'Islam.C'est une question d'Histoire de l'Église. Il faudrait la poser à Joseph Moingt. Ce qui est évident du point de vue biblique, c'est qu'il y avait deux choix possibles au moment de la clôture du Nouveau Testament. Il y avait ce concept d'esprit qui était très fort à Qûmram. Les derniers siècles avant notre ère et les premiers siècles après notre ère, tout le monde judéen, dans toutes ses branches a été hanté par le problème de l'esprit. Peut-être à cause de l'énorme impact de la culture grecque, du pneuma. Il y avait deux possibilités : La Sagesse pouvait transmettre au Nouveau Testament le concept de sophia, comme étant le deuxième personnage, manifestation du divin, des fonctions divines. Il n'y a jamais que trois fonctions divines quel que soit les mondes religieux dans lesquels on s'enfonce, le divin s'exprime à l'intérieur de trois fonctions : l'une étant souveraine et de sagesse, l'autre étant monarchique, royal e, de militance, guerrière, combative et la troisième concernant la fertilité, la fécondité et tout ce qui se reproduit. Si on pense plusieurs dieux, c'est très simple parce qu'on distribue les fonctions. En Canaan, cela faisait El qui est le Dieu sur son trône, Baal avec son arme qui défend l'ordre du ponde contre le chaos et qui génère la pluie et puis une autre qui s'occupe de la reproduction des vaches et des femmes et des champs. Quand on n'a plus qu'un dieu, on retrouve les trois fonctions. Simplement c'est le même dieu qui fait tout. A un moment donné chacune de ces fonctions prend la forme soit de concept, soit de figure. La Sagesse offrait au Nouveau Testament la possibilité de reprendre à son compte le concept de sophia. Et ce n'est pas cela qui s'est passé. C'est l'esprit beaucoup plus ambigu qui a été choisi. C'est cela la question que je poserais aux premiers textes de l'histoire de l'Église "pourquoi l'Église a-t-elle préféré faire fonctionner le troisième poste avec l'esprit plutôt qu'avec la sagesse qui était disponible ? L'esprit dans l'Ancien Testament n'est pas achevé et la sagesse l'était. Question inaudibleLa théologie, c'est quelque chose de récent. On a commencé à vivre avec la pensée des dieux bien avant d'élaborer ce que cela pouvait vouloir dire. Cette distribution, l'esprit de sagesse, l'esprit de mensonge, l'esprit de vérité, l'esprit de justice...c'est un des moments par lesquels on est passé pour en venir à conolider le concept d'esprit de Dieu qui alors tend à la personnification, sinon tout au moins à la stabilisation. Dans l'Antiquité, tout autour du milieu biblique, dans tout le monde égyptien ou mésopotamien, on a pensé que les gens avaient un esprit de colère, ce qu'on appellerait peut-être maintenant des tendances à la colère. Dans la Genèse, c'est différent. Le premier chapitre de la Genèse est un texte qui démythise, qui déstructure un mythe absolument ambiant, constant dans le Proche Orient ancien, de la Mésopotamie à la Grèce qui est celui de la grande bataille primitive du Dieu créateur qui ne crée pas du tout ex nihilo, mais qui crée en mettant de l'ordre là où c'est du chaos, le chaos n'étant pas le contre-ordre, mais étant le pré-ordre. Il y a du chaos c'est-à-dire rien de vivable, c'est stérile, c'est épidémique, c'est catastrophique, on ne peut pas y survivre et le dieu qui l'emporte sur les autres dieux, met de l'ordre dans tout cela. A l'époque de la rédaction de ces textes, le plus grand mythe, le mieux connu en Syrie et en Palestine, c'est celui de Babylone et Mardouk, dieu de Babylone y est considéré comme ce fameux dieu créateur, c'est-à-dire celui qui a mis de l'ordre. Comment a-t-il mis de l'ordre ? En soufflant, en utilisant le vent pour gonfler comme une baudruche le malheureux grand poisson initial, le grand Léviathan initial qui s'appelle Tiamat, une espèce d'immense sardine. Il souffle là-dedans, ça éclate, il coupe en deux et ça fait l'hémisphère céleste et l'hémisphère terrestre. Et dans deux moitiés on peut vivre. Donc il a ouvert le monstre primitif avec son ruah. Alors dans Genèse 1 on a une déstructuration du mythe. Tout y est. Il y a le vent, il y a l'abîme (une traduction de Tiamat), il y a les deux hémisphères et puis il règne. Il est donc le dieu régnant, le dieu créateur. Donc Genèse 1 démythise ce qui est le mythe ambiant et général sur la création du monde pour en faire autre chose. Il en fait tout autre chose sur sa fin. Le sage pointe son nez à la fin en disant : tout cela est suspendu au septième jour, au calendrier qui lui est tout à fait juif, qui s'achève sur le sabbat, jour où Dieu attend de ce monde le repos qui doit venir de sa création mais qu'il ne reçoit pas. Ainsi le lecteur sait que de sabbat en sabbat, il vit un calendrier du monde et dont le dieu attend que sa création le repose enfin c'est-à-dire au sens biblique de reposer, répondre. Il y a une espèce de relecture à partir de la fin. Il y a un temple, c'est l'arche de Noé, il y a les luminaires qui sont domme dans le temple éclairant l'obscurité, il y a tout ce qu'il faut de dedans, il y a les hommes. Le monde entier devient un temple où se célèbre le sabbat en attendant qu'il se célèbre pour de bon., le dernier sabbat étant celui où la réponse sera réelle où l'un parlera à l'autre et l'autre parlera à l'un dans une harmonie absolue. |
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