Pourquoi après "Qui est Jésus de Nazareth ?" question
sur laquelle nous nous sommes interrogés avec le Père
Joseph Moingt, en décembre dernier, avons-nous choisi de poser
cette nouvelle question, car il s'agit d'une question.
La réponse, à première vue peut apparaître
toute simple, nous la trouvons dans la première Epitre de Jean
(4,19) :
"Quant à nous, aimons, puisque Lui nous a aimé le premier.
Si quelqu'un dit "J'aime Dieu"
et qu'il déteste son frère, c'est un menteur.
Celui qui n''aime pas son frère qu'il voi
ne saurait aimer Dieu qu'il ne voit pas"
Que celui qui aime Dieu aime aussi son frère"
En fait, ce c'est pas si simple.
Première difficulté
Ce mot de frère n'est-il pas un peu dévalorisé
? On raconte volontiers une anecdote qui se passe dans un pays pourtant
exemplaire après la déségration : l'Afrique du
Sud, devenu république avec un ciel couleur d'espoir.
Un Sud-Africain blanc dit à un autre Sud-Africain noir : "nous
allons maintenant tout partager comme des frères."
La réponse fusa immédiatement :
"Ah non ! pas comme des frères, mais comme tout le monde : 50%/50%
pour chacun."
Deuxième difficulté
La parole même de l'Apôtre Paul dans l'Epître aux
Romains n'est pas une question mais une affirmation :
"Ceux que d'avance il a discernés, il les a aussi prédestinés
à reproduire l'image de son Fils, afin qu'il soit l'aîné
d'une multitude de frères."
A ce mot de "multitude de frères" semble être associé
comme une restriction : "ceux que d'avance il a discernés" :
la fraternité suppose-t-elle une élection, un choix de
Dieu ? Cela peut nous scandaliser.
Troisième difficulté
Nombreux sont ceux, y compris parmi nos amis dans cette salle, ce soir,
et ils représentent une grande partie de l'humanité, nombreux
sont ceux qui pensent en toute légitimité :
* que la fraternité entre les hommes existe ;
* mais qu'elle ne passe :
* ni par un Dieu, Père de tous les hommes ;
* ni par Jésus-Christ, en tant que frère, au nom
exemplaire, de beaucoup.
Nous respectons pleinement les convictions de chacun.
Quatrième difficulté
Yahvé dit à Caïn : "Où est ton frère
Abel ?" Il répondit : "je ne sais pas. Suis-je le gardien de
mon frère ?"
On pourrait poursuivre cette liste à n'en plus finir. L'histoire
ne nous donne pas de preuves convaincantes que les Chrétiens
aient été les meilleurs gardiens de la fraternité.
Dans notre trinité républicaine aussi, Liberté,
Egalité, Fraternité, la fraternité reste prononcée
du bout des lèvres.
Et pourtant ! Comme le dit Edgar Morin dans son livre "Une Politique
de Civilisation" (octobre 1996) "La mondialisation correspond au surgissement
des problèmes communs et spécifiques pour toute l'humanité
même si l'idée d'humanité est rejetée, voir
considérée comme obsolète".
Quant à nous, nous ressentons tous, au moins confusément,
la nécessité de créer les conditions de la rencontre
et de la fraternité, non pas au-delà de nos différences
mais avec elles.
Thierry de France
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