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FORUM Germinal |
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RETOUR D'EGYPTE | ||
4 Mars 1998 | ||
Livres, expositions, reportages : L'Egypte hante les esprits. Elle hante les librairies, les musées, les galeries, les vitrines où l'on encadre un pharaon entre deux clowns tristes. Dans les autobus parisiens, dans les wagons du RER, le voyageur plante son rêve sur les bords du Nil. Il y pousse, entre deux stations, de fabuleux jardins d'amour et des palais de pierres blondes au ciel de lapis-lazuli. Christian JACQ consacre à Ramsès II cinq tomes d'aventures et de louanges. Or, ce qui nous entraîne jusqu'à la fin de ces soixante-sept années de règne, ce ne sont ni les prodiges, ni les intrigues, moins encore la perfection un peu lassante de ce héros. Mais bien plutôt la nostalgie d'un âge d'or où le frôlement d'une aile, l'inflexion d'une branche, la course d'une étoile parlaient le langage des dieux. Chaque geste accompli, chaque mot prononcé y faisait écho et le merveilleux avait cette aisance, cette facilité si déconcertante qu'on trouve dans les rêves. Et puis il y a Moïse. Ramsès II et Moïse s'opposent comme l'ombre et la lumière. Capteur des énergies cosmiques, Pharaon en diffuse les bienfaits. Par lui renaît le soleil, se gonflent les rivières, mûrissent les moissons. Ses pouvoirs sont réels, sa magie inspirée, sa parole efficace comme celle de Dieu. L'aurore, l'astre et la source l'entourent de leur renaissance et de leur poésie. Sombre, obstiné, tourmenté, Moïse lui fait face. Une voix obscure en a fait son esclave et Moïse, à son tour, asservit son peuple à cette volonté implacable. Ses pouvoirs ? Une imposture. Sa magie ? Des tours de passe-passe. Ses visions ? Les mirages du désert. Sa détermination, farouche, parfois cruelle, met à profit le désordre et l'infortune. Sa légende est bâtie de pluies de grenouilles, de nuages de taons, de grêle, de foudre et de tonnerre. Tel dut apparaître Moïse, le prophète, aux yeux des Egyptiens de la XIX ème dynastie. Les propos de Ramses II sont lourds de reproches et d'avertissements : "Depuis toujours, les sages ont vénéré l'unité du divin dans le principe et sa multiplicité dans la manifestation(....). Promouvoir un dieu unique (...) l'espérance de fraternité entre les peuples. Une doctrine rigide conduit à la mort". Mais pour le prophète, Dieu n'a qu'un visage. Forçant l'admiration, Moïse poursuit sa route vers la Terre Promise, cette terre lointaine où couleront pour lui et pour tous les Hébreux le lait et le miel, préparant la venue de Celui qui dira, treize siècles plus tard : "Je suis le Chemin, la Vérité et la Vie. Nul ne vient au Père que par moi." Il n'est pas temps, encore, et le souverain égyptien, fort de 5000 ans de sagesse, règne "afin que le ciel repose sur ses piliers et que la terre soit en fête". Mais nous avons beaucoup à apprendre de lui. Il faudra le suivre dans la vallée des rois, pénétrer avec lui dans le sanctuaire de Seth. Ou bien l'accompagner dans le temple d'Amon, dans cette chapelle en granit rose où le fils de la lumière éveille lentement, de ses prières, l'effigie terrestre de la divinité. Contempler les fresques des chambres funéraires, toutes bruissantes d'oiseaux, comme des portes ouvertes sur l'Infini. Pour ressusciter, simplement, les pouvoirs de l'image et raviver en nous un sens étouffé : le sens du surnaturel. Anne Tauvel |
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