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FORUM Germinal

 
   L’aumônerie, ou comment ne pas être Shadok  
     
   17 Octobre 1997  
   

Pour la deuxième année consécutive, j’aurai la joie de passer du temps avec les jeunes de l’aumônerie. L’an passé fut un tournant dans ma vie à la paroisse, et aujourd’hui, j’aurais du mal à me passer de ces rencontres. Cette jeunesse chrétienne peut à la fois réaliser des évènements aussi spectaculaires que les JMJ cet été, et en même temps susciter autour d’elle un mélange de doute sur leur foi, de déception lorsqu’ils ne sont pas disponibles, d’inquiétude quant à l’avenir de leur engagement dans l’Eglise. En réalité, l’aumônerie n’est pas si paradoxale que cela. Encore faut-il éviter d’adopter le type de pensée illustré dans la fameuse série des Shadoks dans les années 70... Personne n’est à l’abri !

Une idée courante à propos de l’aumônerie pourrait s’exprimer ainsi : les jeunes d’aujourd’hui seraient moins croyants qu’hier, peu disponibles; ils seraient davantage des consommateurs que des fidèles, bref, il faudrait les prendre en main et les former. Il est clair que les jeunes n’aiment pas la messe, ne veulent pas lire la Bible, ne prient presque jamais seuls. Et il ne suffit pas de leur présenter ces pratiques d’une façon soi-disant plus originale, ou plus créative... sous peine de tomber dans la première maxime Shadok : " plus ça rate, plus on a de chances que ça marche "...

Néanmoins, et c’est beaucoup plus important, les jeunes m’ont marqué par la solidarité qu’ils manifestaient entre eux, au point de pouvoir tout faire à condition d’être ensemble, et de ne rien faire sans leurs amis réunis. Loin d’être un lieu de peu de foi, l’aumônerie est un lieu exemplaire pour nous tous. Je connais beaucoup de gens formidables à la paroisse, mais les jeunes sont particulièrement proches des premiers disciples de Jésus : jeunes, divers mais unis, souvent maladroits, parfois incrédules mais absolument disponibles pour l’essentiel du message du Christ. Lequel ?

Cette année j’ai cherché, grâce au Père Moingt et à Jacques Duquesne, à prendre en compte l’Incarnation dans toutes ses conséquences : l’ouverture de Dieu sur le devenir de l’Homme ; l’imperfection de Dieu aussi, car en amour, on a besoin de l’autre pour être soi-même; son impuissance même, lorsque le mal, prix de la liberté de l’homme, sont trop lourds. Ainsi, je crois que Dieu n’est pas omnipotent, mais qu’il a choisi l’homme en devenir pour deux Alliances successives qui n’ont qu’un seul motif, et une seule fin : l’amour, ou plus exactement, la liberté d’aimer. De ce fait, Jésus fut vrai homme en même temps que vrai Dieu, et fonda sa religion sur la joie et la certitude d’être toujours aimé, au-delà même de la mort. Enfin, l’Esprit ne serait que cet élan d’amour qui nous unit et nous appelle, le plus souvent par surprise...

Dans cet état d’esprit, l’activité d’animation n’est jamais ingrate. Ce Dieu-homme qui n’est qu’amour, ils le reconnaissent là où il est, parmi eux, et ils l’accueillent, d’une manière plus exigeante qu’on ne le croit trop souvent. Car la vie de l’aumônerie exige de la part de chacun une très grande disponibilité, sur le long terme. Ce qui les rend très régulièrement disponibles vis-à-vis de la paroisse.

Quand ils sont ensemble, ils sont capables, par exemple, de travailler énormément pendant la semaine des JMJ, et sans profiter beaucoup du show médiatique. Le reste de l’année, ils vont plus souvent à la messe que l’écrasante majorité des chrétiens.

Ce qui m’amène à la seconde partie de mon propos : l’organisation. Autant l’attitude des jeunes étaient déconcertante par rapport à la religion mais riche humainement, autant je fus frappé par la multiplication des réunions d’adultes concernant l’organisation, les préparations, l’organisation des préparations... Deuxième proverbe Shadok, que je cite sans méchanceté : " pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué "... Je passais presque autant de temps sans les jeunes qu’avec eux - il est vrai qu’étant donné le manque d’animateurs, j’étais le seul, en dehors de Nicolas Tardieu à être à la fois " animateur " et " responsable de niveau " - je manque de place pour écrire à quel point Nicolas est important pour nous, lui qui donne tout à l’aumônerie, et qui est l’image de ce qu’elle a de meilleur, de plus disponible et de plus original.

De nombreuses certitudes sont en vigueur dans l’encadrement, et qui ne sont pas toujours discutées : messes d’aumônerie, nécessité de thèmes annuels, d’alternance action-réflexion, conceptions de la direction de l’aumônerie, de la lecture de la Bible... D’où une seconde série d’idées reçues de l’aumônerie : " les jeunes doivent apprendre l’autonomie ; en attendant il s’agit de préparer minutieusement leurs activités ; ce qu’ils apprécieront forcément... " Pourquoi les Shadoks " pompaient "-ils sans cesse ? " Parce que ça pouvait pas nuire "...

En réalité, les jeunes sont, et ont sans doute toujours été autonomes pour ce qu’ils veulent faire. Et ils s’arrangent toujours pour réinterpréter les consignes...

Ceci dit, je me réjouis des changements qui ont lieu cette année : des jeunes de Terminale pour animer les 4èmes-3èmes ; des couples d’accueil pour recevoir les 1ères-terminales ; des ateliers thématiques autogérés par les jeunes (musique, théâtre, jardinage...). Cette année, je serais, avec Sophie ma compagne, " couple d’accueil ". Le fait d’accueillir des jeunes régulièrement chez nous me plaît énormément. Mais n’oublions pas qu’il n’y a pas plus de couples d’accueil que d’animateurs l’an dernier, et que finalement, l’aumônerie restera la même qu’auparavant, pour la qualité comme pour la quantité des activités.

De plus, on peut s’interroger sur ce nouvel encadrement adulte, alors que la structure est entièrement fondée sur la fraternité fusionnelle entre les jeunes. Mais si l’aumônerie sert à quelque chose, c’est bien à cette sociabilité adolescente très particulière, en dehors de l’univers des adultes. La formule des " foyers d’accueil ", toute pratique et intéressante qu’elle soit, ne relève pas de l’animation proprement dite : les couples n’appartiennent plus à l’univers des jeunes, et les réunions n’ont pas lieu à l’aumônerie.

Un animateur qui n’est plus étudiant, qui a un emploi, comme moi, peut finalement être beaucoup plus éloigné d’eux qu’il ne le voudrait. L’organisation devrait à mon sens reconnaître ce décalage entre générations, et le fait qu’elle ne maîtrise qu’une petite partie de la vie de l’aumônerie.

Les jeunes sont si attachés à ce lieu, et en même temps si indépendants de l’encadrement adulte, qu’il me semble que seul un jeune peut être animateur - j’entends par " jeune " quelqu’un de leur génération, qui partage leur mode de vie, leur langage. Si je devais retenir un " projet " important pour l’aumônerie, ce serait d’inciter et de former les jeunes à poursuivre leur rôle d’animateurs de l’aumônerie, pour les années à venir. Face à cet enjeu décisif, les adultes devront accepter de ne pas être en haut ou au centre de l’aumônerie, mais simplement de la garder telle qu’elle a toujours été.

Cependant, cette expérience de " foyers d’accueil " me paraît très intéressante pour la qualité de la rencontre qu’elle va permettre avec les jeunes. Ce n’est pas rien d’accueillir près de dix jeunes chez soi, dans son intimité. Quand on l’a accepté, beaucoup de choses deviennent possibles de part et d’autre : les couples voudront faire partager ce qui leur tient le plus à coeur, d’un point de vue personnel, spirituel, artistique, etc., et les jeunes seront plus disponibles, même pour des activités qu’ils auraient rejetées, qu’ils auraient eu raison de rejeter à l’aumônerie même. Ainsi, c’est un nouveau défi, une nouvelle histoire que je m’apprête à construire avec les jeunes de mon équipe : je sais déjà que je ne serai pas déçu.

 Eric Barbot

 
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