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FORUM Germinal |
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Solidarité | ||
24 Septembre 1998 | ||
Si la solidarité est le sentiment qui pousse les hommes à s'aider mutuellement, c'est avant tout pour moi une notion qui concerne des groupes importants : solidarité entre les peuples, entre les nations. Bien entendu, je reconnais que ceci est un peu réducteur, mais c'est quand même l'impression qui domine a priori. Je pense également, qque l'emploi "massif" que l'on fait aujourd'hui de ce mot dans notre société, date d'un passé relativement proche ; probablement lié à la crise économique et à une plus grande conscience des problèmes, grâce au développement des moyens d'information. Mais avant d'être largement employé aujourd'hui, le terme était déjà implicite dans la devise républicaine qui orne nos édifices publics : liberté, égalité, fraternité. Qu'est-ce que la solidarité dans les actes au sein d'une nation, sinon ce qui permet de rétablir un peu plus d'égalité pour rendre les hommes plus libres et plus fraternels ? C'est devenu chez nous un véritable principe de gouvernement, peut-être même un peu galvaudé dans le souci de trop bien faire, le mieux pouvant être parfois l'ennemi du bien : impôt sur les grandes fortunes rebaptisé "impôt de solidarité sur la fortune" pour qu'il ne subsiste aucun doute sur sa destination, contrats dits "de solidarité" pour favoriser le départ d'anciens et laisser la place aux jeunes dans les entreprises (à l'efficacité parfois quelque peu discutable), régime de retraite par répartition où les actifs d'aujourd'hui paient les retraites des actifs d'hier (avec les limites que l'on reconnaît aujourd'hui à la formule). Jusqu'à la structure des tarifs sur les différents réseaux de desserte ou d'alimentation en énergie de notre territoire, où l'on pratique une péréquation dans les tarifs destinée à offrir des conditions d'accès au service aussi voisines que possible, qu'on soit parisien ou isolé au fin fond de la Lozère : le bénéfice sur les lignes rentables est utilisé pour éponger les pertes sur les lignes déficitaires. Bref, la solidarité habite notre vie de tous les jours et fait partie de notre paysage habituel : c'est le principe régulateur qui permet de corriger les écarts lorsqu'ils deviennent trop voyants ou trop difficiles à supporter. Mais tout ceci ne concerne que des choses bassement matérielles ? Il y a aussi et heureusement, la solidarité de coeur, la prise de conscience personnelle, qui transforme en actes les idées généreuses de chacun. C'est cette forme de solidarité qui me permet de redescendre au niveau de l'individu et intéresse aussi plus particulièrement les lecteurs de Germinal. La solidarité de coeur ne se traduit pas forcément par des actions très visibles : elle me paraît même devoir être caractérisée par sa discrétion. Solidarité par exemple dans la prière, notamment en ce temps de Carême, prise de conscience que nous sommes tous fils d'un même Père, et que nous ne pouvons savourer notre bonheur tout seuls, dans l'indifférence du malheur des autres : solidarité dans l'épreuve que nous devons partager dans la mesure du possible avec ceux que nous côtoyons chaque jour, au travail, en communauté, dans la rue. Solidarité avant tout au sein de la famille, première école d'entraide, entre frères et soeurs, d'abord, entre parents et enfants ensuite, puis plus tard entre les autres générations. Cette solidarité intime implique une attention de tous les instants pour essayer de déceler le besoin ou les attentes de l'autre ; pour définir la manière dont on pourra lui venir en aide en respectant sa liberté, au point qu'il ne saura pas toujours d'où vient la main qui l'aura secouru. La famille reste sur ce point, comme sur d'autres, la premièree école de vie, où l'on peut d'ailleurs passer aux travaux pratiques vingt quatre heures par jour. Je dois avouer que je suis très frappé à ce sujet de rencontrer tous les jours dans la rue ou le RER, des jeunes qui se présentent comme SDF, sans famille et démunis de toute ressource : en ajoutant souvent qu'ils ne peuvent percevoir le RMI puisqu'ils n'ont pas 25 ans. Est-ce que des parents rejettent aujourd'hui plus qu'avant leurs enfants parce qu'ils n'arrivent plus à les supporter ? Est-ce que des enfants en mal d'émancipation s'éloignent plus fréquemment qu'avant du foyer familial ou le quittent parce que leurs parents ne s'entendent plus ? Est-ce un phénomène de société nouveau aujourd'hui ? Il y a là un mystère que j'aimerais percer, car je n'arrive pas à me persuader que la crise économique explique tout dans ce domaine? J'ai plutôt tendance à penser qu'il y a une perte de valeurs plus forte au sein de certaines familles, peut-être aggravée par la crise et que le réflexe naturel de solidarité ne joue plus comme avant entre les générations. Pour terminer quand même sur une note optimiste, je ne résiste pas à l'envie de vous dire que nous avons depuis quelque temps une occasion tout à fait particulière de témoigner notre solidarité envers nos enfants, qui doivent faire face à une situation plutôt agréable mais très éprouvante sur le plan physique. Lorsque des triplés naissent dans un foyer, c'est à la fois une bénédiction du ciel et le parcours du combattant pour les parents ; assurer 18 biberons par jour relève de l'exploit impossible à deux et le soutien de l'entourage familial est décisif dans ce cas. Je peux vous assurer que, par la force des choses, les grands parents retrouvent très vite une nouvelle jeunesse quand ils doivent faire face la nuit à trois bambins qui ne demandent qu'à réveiller toute la maisonnée, si on ne répond pas sur le champ à leur appel insistant ! En mathématiques, il faut en général trois équations pour résoudre un problème à trois inconnues : donner trois biberons à deux, en protégeant par ailleurs le sommeil des parents, n'est pas chose facile entre deux et quatre heures du matin : mais avec un peu d'entraînement (et de chance) on peut y parvenir. Je ne vous dévoilerai quand même pas notre secret sur ce point, solidarité familiale oblige ! Daniel DESORMIERE N.D.LR. Pour plus de précisions, nous nous permettons d'ajouter que depuis le 23 Novembre dernier, Daniel Desormières est grand père de trois adorables triplés , Benoît, Quentin et Thibaut, chez son fils Olivier qui habite à Maisons Lafitte. Germinal félicite les heureux grands parents pour cette naissance. |
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