Après sa "Manifestation" aux pauvres, à Noël, et sa "Manifestation" aux païens, à la fête des Rois Mages, voici la "Manifestation" de Jésus sur son identité, sa personnalité, sa mission dans le monde. D'après les évangiles, c'est Son Père qui nous le présente.

Nous croyons que Jésus est Dieu et homme. Il est l'Homme-Dieu. En tant qu'il est Dieu, nous ne pouvons le connaître et parler de Lui qu’à travers les données de la révélation. Mais en tant qu'il est l'un de nous, nous pouvons le connaître comme nous connaissons nous-mêmes ou les autres qui nous entourent.

En collectant chaque jour tout ce qui se passe autour de nous, en nous et chez les autres, nous avons une somme d'expériences pour faire face à la vie. La pleine conscience de nos acquis constitue notre personnalité.

Au cours de notre vie, il y a des événements qui jouent le rôle de polarisateurs et qui déclenchent en nous un éveil qui nous donne une vue d’ensemble de tout ce qui se passe. Quand la vue d’ensemble embrasse toute notre vie, et va au-delà de notre environnement, c’est le grand éveil qui donne le sens total de notre vie.

L’éducation et la culture visent enfin de compte, à la découverte de soi-même, via la découverte des autres. Il y a un déclic à faire, qui fait qu’on peut fermer les livres, le regard sur les autres, pour prendre conscience de soi-même et au besoin, de le dire. Quels parents, quels maîtres ne s’attendent pas à déclencher chez leurs enfants, leurs disciples, l'envol de leurs propres ailes ? La grandeur du rôle des éducateurs est de savoir attendre, après avoir donné des éléments qui éveillent.

Le Baptême de Jean représente dans la vie de Jésus le moment décisif où sa connaissance du monde, de Dieu, de lui-même atteint son apogée. Il se sait maintenant l'Envoyé de Dieu. Il sait qu'il est le tout autre. Il est le Fils en qui Dieu a mis toutes ses complaisances. Son Baptême est vraiment l'Epiphanie : " Il vit les cieux s’ouvrir, et l’Esprit de Dieu descendre comme une colombe et venir sur lui. Il entendit la voix qui disait : " Celui-ci est mon Fils bien-aimé ; en lui j’ai mis tout mon amour."

Jésus découvre que l'Esprit de Dieu l'habite comme une onction. Il est le Christ, l'Oint de Dieu. Il est reconnu par Dieu le Fils Unique donné au monde comme signe de son amour. Tout ce qu'il y a de quintessence dans les Ecritures est utilisé ici pour accréditer le témoignage.

Au commencement, il y a la présence de l'Esprit, tel une colombe, à la première page de la Bible qui plane sur les eaux pour les féconder. La citation du psaume 2 explicite ce que veut dire le témoignage : "" Tu es mon Fils, Moi, aujourd'hui, je t'ai engendré.""

La présence de ces citations nous dit comment la première communauté chrétienne était sûre de l'accomplissement de l'histoire du peuple de Dieu, en Jésus Christ. Le récit du baptême de Jésus n'était possible que par l'enseignement direct, confidentiel de Jésus lui-même. Car Tout se passe d'abord en lui-même.

Pendant trente ans, il fut un juif ordinaire, vivant de son travail pauvrement, comme le fils du menuisier de Nazareth. Comme tout juif pratiquant, il fréquentait la synagogue ; il écoutait, lisait la Bible.

Mais aujourd'hui, tout devient différent. Tout ce que dit l'Ecriture, il comprend que c'était écrit pour lui. Nous sommes ici au cœur du Mystère de l'Incarnation. Jésus est le fils de Marie. Son père, tout le monde sait que c'est Joseph. Comment à partir de cet environnement humain, Jésus découvre-t-il qu'il est, "" celui en qui Dieu a mis tout son amour"" ? Il est le Fils bien aimé, ou comme dit le prologue de St Jean, le Verbe de Dieu, le Verbe qui est Dieu. Il y arrive par une vie intérieure intense de prière. Tout contribue pour que ce soit possible, l'histoire de son peuple, la mission de Marie, de Joseph dans sa vie.

Le Baptême de Jésus est reconnu par les évangiles comme le point de départ de la mission de Jésus. Les apôtres de Jésus sont ceux qui l'ont suivi depuis son baptême jusqu'au jour de son Ascension, "" pour être témoins des actions et des enseignements de Jésus, durant tout le temps où il a marché à notre tête, à commencer par le baptême de Jean jusqu'au jour où il nous a été enlevé au ciel."" (act.1.)

Le point de départ de notre vie chrétienne remonte aussi à notre baptême. Notre éveil à la filiation divine s'est fait par nos parents, nos parrains, nos marraines, notre famille, notre Eglise, ou par nous-mêmes, dans le cas du baptême d'adulte. Il n'y a pas de vie chrétienne sans un éveil personnel. Le rôle de l'Eglise dont les parents sont le sacrement, est d'œuvrer pour cet éveil.

Comment réaliser sa vie de filiation divine, sans être conscient au préalable des rôles de père, de mère, d'enfant, dans la vie ? En appelant Jésus, fils, Dieu a emprunté le langage humain. Mieux encore, Dieu a recouru à l'expérience la plus forte qui existe sur cette terre, la maternité, la paternité, la filiation. Quand on rencontre le premier regard du nouveau-né qui rejoint le regard de sa mère et de son père, on comprend ce que veut dire " Esprit " dans la trilogie, Père, Fils et Esprit.

Plus qu'un simple rituel, le sacrement du baptême est un geste d'initiation à la vie relationnelle qui commence à l'intérieur de soi-même pour aller vers les autres, vers l'Autre. Nous pouvons nous accueillir alors, filles et fils du même Père.

D.L.