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Jeudi
Saint
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Exode 12,1;14 1 Corinthiens
11,23-26 Jean 13,1-15
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Le
Soir de Jésus.
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1er
Avril 1999
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Il y eut un matin. Il y eut un soir. C’est le soir de Dieu. Il se repose, après avoir appelé le monde à la vie. Et Il dit que c’était bon. Ce soir, c’est le soir de Jésus. Et voici comment il nous a dit que c’était bon. Il rassemble tous ses disciples. Il leur rappelle le soir historique de la naissance de son peuple, le soir où l’on mangeait debout, avec du pain sans levain – on n’avait pas le temps d’attendre que la pâte lève – bâton à la main, sac au dos, prêt à partir loin de cette terre d’esclaves. C’est dans ce cadre de la Pâque juive que Tu as voulu, Seigneur, vivre le dernier soir de ta vie au milieu de tes disciples. Tu nous apprends à célébrer ce soir, comme une fête anticipée, la Nouvelle Pâque que tu vas entreprendre. Ce sera le Grand passage vers le Père. Matthieu, Marc, Luc et Jean nous racontent ce soir là avec leurs sensibilités différentes, avec leur mémoire personnelle. Jean, assis à tes côtés, a retenu pour nous comment au cours du repas, tu te mets à laver les pieds de tout le monde. En Israël, même un maître ne peut demander à un esclave de lui laver les pieds. Tu es le Maître et tu fais le geste de piété du disciple. Et Jean a compris que c’est le geste du plus grand amour. Il a écrit : " sachant que son heure était venue, l’heure de passer de ce monde au Père, lui, qui avait aimé le monde, les aima jusqu’à l’extrême. " Alors que les trois autres ont retenu de cette soirée le geste du pain rompu et du vin versé comme le don de ton corps et de ton sang pour la vie du monde, Jean reste encore bouleversé en te voyant à ses pieds, aux pieds de chacun de tes disciples. Jean a vu dans ce geste tout ce que tu as dit, tout ce que tu as vécu. C’est ta mission d’envoyé de Dieu auprès de cette humanité malade, désorientée, absente, coupée de Dieu. Comme il ne te reste pas beaucoup de temps à vivre, tu t’épanches en confidence sur tout ce dont tu n’arrives pas à parler, sur ce que tu as comme relation avec le Père, sur tous les événements qui vont se précipiter contre toi. Jean 13,31-14 – 15- 16- 17. Tu es peiné par le comportement de Judas, tu le laisses partir. Après son départ, tu confies à ceux qui restent tout ce que tu portes dans le fond de ton cœur. A ce niveau de relation, la confidence est prière. Tous peuvent entrer dans tes pensées, dans tes entretiens avec ton Père. Personne à l’approche de la mort n’a pu parler, prier, d’une manière aussi intense. C’est la prière la plus longue. Elle remplit les quatre longs chapitres de l’évangile de Jean, les 13, 14, 15, 16,17. Jean qui raconte le lavement des pieds a la mémoire du cœur. Aucun détail ne lui a échappé ce soir là. Il saura les reconstituer tous, quand il t’aura vu vivant, ressuscité. Tu es le chemin qui nous mène vers le Père. Tu es la promesse de l’Esprit, le Consolateur, le Paraclet, le Défenseur. Tu te nommes comme la vraie vigne pour nous dire la possibilité de te rejoindre, de participer à la vie qui est en toi, face à la haine du monde. Tu prépares ainsi l’avenir de chacun quand tu ne seras plus là comme avant. Tu dis que ton absence n’est qu’apparence. L’Esprit de Vérité sera toujours là pour œuvrer en nous. Il y aura l’affliction, mais il y aura la joie. Le mal, la mort, tout ce qui est négatif reprendra vie. Les dernières paroles que Jean a pu conserver en son cœur sont des paroles de confiance et d’action de grâce au Père. C’est l’ensemble de ta vie, vu du côté de la vie qui n’aura plus de fin. Le chapitre 17 de Jean a laissé toute la place pour que tu puisses dire " je " du début jusqu’à la fin. " Je t’ai glorifié… J’ai achevé l’œuvre que tu m’as donné…J’ai manifesté ton Nom…Je prie pour eux… Je vais à toi…J’étais avec eux…Je les ai protégés … Je leur ai donné ta parole…Je me consacre moi-même... Je suis en Toi… Je t’ai connu... Je leur ai fait connaître ton Nom... Ce soir n’est donc pas comme un autre soir. Quand nous nous laissons conduire par la mémoire de Jean, nous te retrouvons dans celle de Matthieu, de Marc et de Luc. Nous sommes mieux disposés à comprendre ce que tu dis : " Prenez et mangez, ceci est mon corps, prenez et buvez, ceci est mon sang. " C’est le "geste-événement " que tu as choisi pour annoncer le moment capital que tu vas vivre. En deux gestes séparés, successifs, l’un dit que tu es là comme le corps, l’autre réaffirme ta présence par le sang versé. Corps et sang séparés, c’est le signe de ta mort, ton Passage de ce monde à ton Père. Tu veux que nous soyons présents avec toi en ce moment précis. C’est l’heure où les enfants d’Israël partis à la recherche de tout levain ancien, toute substance levée qui reste encore dans leur maison pour la détruire. Il faut que la pâte du pain de Pâque soit pure, comme le pain azyme, sans ingrédients. Il faut que le Fils de l’homme meure pour revivre autrement, inaugurant pour toute la communauté humaine, la Pâque Nouvelle, le Passage de la mort à la vie. Depuis ce soir là, nous nous relayons pour faire cela en mémoire de toi, comme tu l’as voulu, comme tu l’as expliqué un autre soir, à l’auberge sur le chemin d’Emmaüs. " Et commençant par Moïse et par les prophètes, tu leur expliquas dans toutes les écritures ce qui te concernait. " Lc. 24,27 C’est le soir du "mémorial ". En nous rassemblant pour le faire, nous faisons ton Eglise, la communion fraternelle, le geste de l’unité et de présence, le geste qui glorifie le Père, par l’amour suprême du Fils donné à tous les hommes, au nom du même Père. Pour la première messe, c’est encore Jean qui l’a remarqué, tu es en tablier de service, les manches retroussées, tu es à genoux. Du pain et du vin, c’est relativement plus facile à trouver que de l’eau et des serviettes pour laver les pieds de tes futurs prêtres. C’est encore plus facile de les faire manger et boire que de leur laver les pieds. Que Pierre se révolte à tes propositions de lui laver les pieds, d’emblée cela doit être notre réaction normale. Nous sommes grands. Depuis longtemps nous nous lavons seuls. Et nous n’avons plus un cœur d’enfant pour comprendre ce que tu veux faire. " Comprenez-vous ce que je vous ai fait ? " Ce n’est pas très sûrs que nous puissions te dire oui. Ce que tu as fait, est pour nous, un rite à faire, presque à tout prix, dans certains cas, car même si le célébrant n’est plus capable de se mettre à genoux, on s’arrangera pour qu’il fasse le rite debout. Alors que c’est un exemple que tu as donné afin que nous fassions, nous aussi, comme tu as fait pour nous. Si toi, le Seigneur et le Maître, es venu pour servir, et non pas pour être servi, tes disciples devront eux-mêmes entrer dans le mouvement de ce don total comme tes disciples l’ont vu ce soir. Ce que tu as gagné, ce que nous allons gagner dans ce service, c’est que les autres soient servis. Désormais, ce n’est pas en levant les yeux au ciel que nous trouvons ton regard, le regard des autres, mais en nous baissant pour regarder. Puisque toi, tu dois lever la tête pour nous regarder. Tu es à genoux par terre pour nous apprendre à faire attention à tous ceux qui nous entourent, et qui ont besoin d’un regard pour pouvoir se lever. |
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