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22ème dimanche du temps ordinaire A
 
 
Jérémie 20,7-9 Romains 12,1-2 Matthieu 16,21-27
 
     
 
La croix est-elle la volonté de Dieu ?
 
     
 
29 août 99
 
     
 

Retenons d’abord les faits. Jésus est mort, crucifié. Sa résurrection a changé la croix, cet instrument de supplice, en un signe d’amour et de vie. Ce sont des données de l’Evangile qui servent de fondement à notre vie chrétienne. Il y a un changement dans le comportement des hommes dans l’histoire. La notion d’intérêt évolue vers une signification universelle. On peut déplacer son centre d’intérêt vers quelqu’un d’autre que soi-même. La gratuité devient une valeur. On peut servir l’autre tout simplement parce qu’il est l’autre. L’image du samaritain est devenue une image idéale. Et Jésus mourant en croix fait penser qu’on peut mourir pour l’autre.

La vie est faite de désir, de volonté, de projet. Tout est en perpétuel mouvement, en quête de quelque chose. Il n’y a plus de vie s’il n’y a plus d’élan vers le futur. La vie se manifeste ainsi comme une lutte, désir contre désir, volonté contre volonté. Le succès est la réalisation de son désir, de sa volonté confrontée à celle des autres.

A partir de ces constats, nous pouvons chercher à comprendre certaines paroles de Jésus dans l’évangile d’aujourd’hui. Pierre ignorait l’intention de Jésus d’aller à Jérusalem pour souffrir, être tué et ressusciter le troisième jour, quand il déclara qu’il est le Messie, le Fils du Dieu Vivant. Nous savons sa réaction en écoutant le projet de son maître. Nous aurions dû joindre la nôtre à la sienne.

Il est vain de faire maintenant des suppositions pour que cela ne lui arrive pas, comme dit Pierre. Nous retenons de son enseignement que Dieu est notre Père, qu’il est Amour et qu’il est son Fils bien-aimé. Le Père doit connaître la volonté de son Fils qui normalement n’est pas la sienne. Dieu est Dieu, il n’a probablement besoin de rien. Pourquoi laisse-t-il sa volonté l’emporter sur celle de son Fils ? Lui, il a peur de ce qui peut découler de la volonté de son Père. Il y a une lutte en lui jusqu’à le faire suer du sang. Mais il a cédé et il est allé au devant des souffrances et de la mort.

Si Notre Dieu est d’abord un Dieu qui réclame son droit d’être le plus puissant, il n’y a plus rien à chercher ni à comprendre. On peut chanter "Amen" éternellement. Mais notre Dieu est le Père, il est Amour. Nous le croyons malgré tout ce qui arrive dans l’histoire, dans les actualités, dans la vie de chacun.

Nous lui rendons gloire quand nous cherchons à comprendre comment il est le Dieu Amour, comment il est Notre Père. La première constatation à retenir est peut être le sens du mot " Volonté ". On ne peut pas mettre sur le même plan la volonté de l’homme et la volonté de Dieu.

Quand nous voulons quelque chose, nous sommes en état de devenir. Nous avons vraiment besoin de réaliser notre volonté pour que nous existions ou que nous ayons la conscience d’exister. La volonté de Dieu est un projet de créativité, de partage, d’amour. Faire la volonté de Dieu revient à participer à son œuvre de création. Le but d’aller à Jérusalem pour Jésus est d’entrer dans la Résurrection. La mort, les souffrances sont des éléments de nos conditions humaines et non pas le but à atteindre.

C’est à la lumière de Jésus ressuscité que nous arriverons à comprendre le sens de la croix et du renoncement. Le projet de Dieu pour l’humanité s’est parfaitement réalisé au jour de la résurrection de Jésus. C’est l’humanité qui va au-delà de toute évolution pour atteindre la vie en Dieu.

La croix n’est pas voulue par Dieu comme son projet. C’est une invention humaine pour déverser sur les autres, tout ce que la haine peut avoir de méchanceté, de barbarie. Jésus l’a accepté comme on accepte ce qui est inévitable , étant donné l’engrenage de la situation politico-religieuse de son pays

Jésus a voulu aller jusqu’au bout du drame humain. Il veut repousser les limites du cœur humain. Il a changé l’engrenage qui va l’éliminer en un signe d’amour qui veut tout donner pour montrer que la haine n’est pas une fatalité. C’est l’occasion suprême d’apprendre à l’autre comment on doit aimer.

Le vrai amour est fait d’oubli de soi pour se conjuguer avec le bien de l’autre, au delà des limites de celui qu’on veut aimer. " Mourir à soi-même pour que l’autre vive, telle semble bien être la loi profonde de l’amour. " " Détacher sa barque, partir pour les eaux profondes de la vie, aimer sans fin, aimer à se perdre... " C’est le langage d’amour de nos jeunes qui viennent ici célébrer leur amour comme un sacrement. Et les grands amoureux que sont les parents, eux surtout, doivent en connaître quelque chose et ont quelque chose à en dire.

Les souffrances dans la vie viennent de nos propres limites, et des limites des autres. Nous souffrons car notre corps est bloqué par des limites qu’il ne peut pas dépasser. Notre esprit souffre car il ne peut pas aller jusqu’où veulent l’emmener ses aspirations. Il est à l’étroit et c’est l’angoisse.

L’amour déjoue les enchevêtrements les plus inextricables de la haine. Il met au large les idées fixes qui ne peuvent que nous enliser dans des conflits, puis, dans la mort. Le signe de la divinité de Jésus, c’est qu’il a fait passer le soir du vendredi de la passion au matin de la Pâque nouvelle. Grâce à lui, la mort nous devient le passage vers la vie. Il inaugure une nouvelle façon d’aimer: Pour le bien de l’autre, on peut donner sa vie.

C’est à ce prix que la croix, instrument de supplice, peut devenir le signe de l’amour et de la vie. Porter la croix pour suivre le Christ a été compris par bien des générations comme l’idéal d’amour qui ouvre l’homme à la dimension de Dieu et qui reste la source inépuisable d’imagination et de créativité pour le bonheur des autres.

" Je ne penserai plus à Lui, je ne parlerai plus en son Nom." disait Jérémie. Et il doit avouer " qu'il y avait en lui comme un feu dévorant, au plus profond de son être. Il s'épuisait à le maîtriser, sans y réussir." C'est en nous efforçant d'être attentifs à quelqu'un qui est là, invisible mais présent au plus profond de nous-mêmes que se réalise en nous la vraie vie, faite de présence et d'amour.

Nous pouvons apprécier le rôle de Jésus qui nous initie à la pensée de Dieu, à l'adoration véritable. On ne saurait parler de sacrifice quand on abandonne ce qui est inconsistant pour adhérer à ce qui est éternel. Les autres religions, même le judaïsme, apprennent aux gens à offrir à Dieu des dons extérieurs à eux-mêmes, des substituts d'eux-mêmes. Nous apprenons de Jésus l’offrande de nous-mêmes, la communion de cœur et d'esprit. Peut-on parler encore de perte quand on entre dans la logique de Dieu, dans son environnement qui n’a plus de limites?

D.L.