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Toussaint.
 
 
Apocalypse 7,2;14 1 Jean 3,1-3 Matthieu 5,1-12
 
     
 
Passer de la sainteté à l'homme.
 
     
 
1er Novembre 1999
 
     
 

" Avec le Christ, hommes au milieu des hommes, ouverts et solidaires."

  Le temps qui se déroule est la succession des saisons de la vie, celles du calendrier, celles de la célébration liturgique. A travers chaque saison qui charrie beau temps et intempéries, événements heureux et événements tragiques, joie et peine, vie et mort, nous cheminons vers le but ultime de la vie. La fête de la Toussaint vient comme l'aboutissement d'un cheminement. Elle n'est pas tombée du ciel. Elle est la lente traversée de l'homme vers son lieu originel : la terre, le ciel.

Depuis le début du mois d'octobre, si vous avez l'occasion de venir au centre paroissial, comment ne pas être admiratifs, ou intrigués, le long de l'allée, par des centaines de boutons de chrysanthèmes qui pointent leur nez au milieu des feuillages verts. On ne voit pas encore leurs couleurs. Mais chaque jour un peu plus, ils disent qu'ils seront au rendez-vous de la Toussaint. C'est merveilleux l'art de prévoir l'éclosion des fleurs.

Aujourd'hui, les chrysanthèmes colorent de toutes leurs splendeurs, nos rues, nos places publiques, nos magasins de fleurs, nos cimetières. Nous sommes au cœur de la fête. C'est pour la mémoire de tous ces hommes, de toutes ces femmes, de toutes les générations qui ne sont plus là. Mais leur passage au milieu de notre monde laisse encore des traces.

Chrétien ou non, qui ne souhaite un lieu de repos, de sérénité à ceux et celles qui ont terminé leur passage sur cette terre, surtout quand on a pu les accompagner jusqu'aux derniers moments de leur vie ? C'est une chance que d'être amené par l'autre à ses dernières minutes de vie qui vous donnent la sensation d'être aux confins de l'au-delà. C'est le moment où l'autre est devenu une dépouille.

Sous les pieds des chrysanthèmes, il y a donc le terreau, la matière à l'état brut qu'on ne doit pas oublier. Le ciel est né au-delà d'un enfantement. Dans un quartier de réanimation en pédiatrie, une enfant de trois ans agonise. Elle souffre dès son entrée dans la vie, de malformations congénitales. Sur l'heure, elle va mourir. Le corps médical informe les parents. Ils ont tous là, même les grands-parents. Que peut dire, l'aumônier appelé pour le baptême de l'enfant ; qu'elle est pure comme un ange ? Qu'elle est enfant de Dieu ? Qu'elle va partir au ciel ? Le ciel pour le moment est plutôt la dose que l'infirmière a pris soin de donner à l'enfant pour qu'elle ne souffre pas.

Et c'est l'amour de l'enfant, au-delà de la vision de ses souffrances qui donne à ces moments tragiques la grandeur de nos vécus humains. Le père, la mère gardent un comportement qui dit que, malgré tout ce qu'ils ont à vivre, il y a un grand amour qui va accueillir leur enfant. Les spasmes de la mort sont comme le choc de l'enfantement. Leur foi chrétienne les fait assister à la naissance de leur enfant dans un autre monde.

C'est l'expérience de combien de familles de notre communauté qui sont venus ici célébrer le grand départ de l'un de leurs proches. Les blessures de la vie rendent les hommes solidaires. Deux mille ans nous séparent de St Jean, mais les épreuves défient le temps. Même le langage de l'apocalypse est tout en symbole, nous pouvons le comprendre. Sur le rocher de Patmos, le dernier survivant, le vieil apôtre, contemple le ciel et la terre de la mer d'Ionie.

Devant lui sur l'océan déchaîné, il voit des gens qui luttent comme des galériens contre les flots aux formes monstrueuses. Ils sont des rameurs contre vents et marées, foule anonyme de ceux qui ont suivi courageusement le Christ. On voit leur front marqué du sceau, comme les blessures et les deuils dans leur chair.

Combien sont-ils ? Ils sont 144.000, ce qui veut dire 12 x12 x 1000, l'immense multitude, la plénitude de ce qu'on peut compter.

Les saints ne sont donc pas seulement des élus du calendrier, mais la grande foule, la population innombrable de la nuit et de l'ombre. Ils ont débouché sur le lieu capable de les accueillir, le ciel, le lieu de la lumière et de l'infini qui peut répondre aux aspirations infinies de l'homme. Le ciel existe dans toutes les cultures religieuses. Le ciel des uns ne ressemble pas à celui des autres. Mais il y a un point commun dans toutes les conceptions du paradis : le ciel est le lieu de bonheur définitif.

Mais ce bonheur définitif, on le redoute. C'est bien pour nos disparus, mais pour soi-même, on souhaite, de préférence, qu'il advienne le plus tard possible. Nous pouvons estimer alors la portée de la parole de Jésus qu'on appelle le sermon sur la montagne. Il dit à ces gens qui l'ont suivi et qui sont là devant lui. Bonheur à vous, les pauvres de cœur : la Royaume des cieux est à vous. Ce n'est pas une promesse, c'est un constat. Il les voit heureux et il voit le ciel dans leur vie. Il a mis le bonheur au présent, si ancré dans la vie que l'on n'a pas à redouter.

Qui sont les pauvres de cœur pour que Jésus trouve le ciel déjà installé là, en eux ? Quand le cœur est dépouillé, démuni et qu'on ne sait pas d'où vient ce bonheur qui est là, calme, serein, n'est-ce pas là le signe de la pauvreté du cœur ? Un cœur de solitude, de fragilité mais de paix, il doit en avoir beaucoup dans notre monde. Combien y a-t-il de gens qui ont le ciel dans le cœur sans le savoir ? Personne ne le sait, car souvent ils ne savent pas en parler. Ils se taisent.

Jésus sait parler de toutes celles et de tous ceux qui peuvent avoir le ciel dans leur vie. Il les admire. Oubliant leur condition sociale, quittant leur maison, ils forment ensemble cette foule qui l'écoute, qui le suit où il va. Jésus voit sur leur visage cette quête de joie, de bonheur, de justice, mais aussi cette inquiétude, cette angoisse qui lui dit combien ils sont déçus, humiliés, désespérés de la vie. Il trouve dans leur regard ce dépouillement, ce vide intérieur qui crie, qui appelle et attend quelque chose de plus sûr, de plus solide, qui leur réserve plus de dignité humaine.

Quelle force, quel souffle vous anime, vous les humiliés ! Quelle force et quel souffle, vous qui avez faim vous qui avez soif, vous les miséricordieux, vous les artisans de paix !

Enfin, selon l'usage de la Bible, pour ne pas prononcer le Nom de Dieu, chaque béatitude s'exprime sous forme du troisième pronom personnel : Bienheureux, les miséricordieux car ils obtiendront la miséricorde ! Qui pourra les bénir et leur donner sa miséricorde sinon, l'Eternel, Le Seigneur Vivant ? Le bonheur est pour maintenant. Nous le trouvons formulé dans l’admiration du Christ pour cette manière de vivre la vie au quotidien. Elle peut laisser voir la présence de Dieu dans notre monde. Elle peut évoquer le visage de quelqu’un qui est entré dans notre vie jusqu’à en mourir.

Saint Jean nous dit l'expérience qu'il a vécue avec ce frisson de bonheur :"Mes bien-aimés, voyez comme il est grand l'amour dont le Père nous a comblés, que nous soyons appelés enfants de Dieu : et nous le sommes !"

La fête de la Toussaint nous fait sentir le ciel qui est là, une proclamation osée de notre part . Tous ceux et celles qui sont disparus, morts, nous disons que nous les voyons glorifiés de la vie en Dieu. Il y a un autre monde qui est là, tout près de nous, séparé seulement par la notion du temps. Ils sont dans le monde de l’Eternel.

D.L.