Le repos.

Il est rare de trouver dans l'évangile de St Matthieu des passages où Jésus s'épanche en confidence comme sa prière dans l'évangile d'aujourd'hui. Jésus vient d'annoncer le jugement qui tombera sur les cités où ont eu lieu la plupart de ses miracles et où les gens se montrent indifférents. Au lieu de se laisser aller à des reflexions désabusées, Jésus se met à louer le Père. Même si c'était un échec pour lui, Il sait y reconnaître l'action "du Seigneur du ciel et de la terre."

La prière de Jésus fait penser au chant "Magnificat" de Marie. Il rappelle le signe d'amour que le Père manifeste en lui, le pauvre parmi les pauvres, le petit parmi les petits. Il fait rencontreri le Dieu qui met sa préférence dans les petits et les humbles. Ce sont ceux qui n'ont pas d'idées fixes. Ceux qui et ne défendent pas leurs opinions comme on défend sa peau. Le Dieu de Jésus est un Dieu renversant, dira St Paul, lui-même bouleversé par ce brusque passage du Fils de Dieu à la condition de ceux qui n'ont rien.

Jésus annonce qu'il pourra tout faire quand il ne sera plus qu'un grain de blé semé en terre. Quelle force d'âme doit-on trouver quand, au creux des épreuves de la vie, on peut penser au grain de blé mis en terre ? La foi enracine la faiblesse et en fait une semence de vie.

Au lieu de se mettre à expliquer le mal dans le monde, Jésus montre jusqu'à quel point on peut se rallier au point de vue de Dieu, quand on etés de la vie.

"Venez à moi, vous tous qui peinez sous le poids de vos idées, de vos soucis et moi, je vous donnerai du repos." C'est une proposition qui doit intéresser bien de personnes en
cette période de grandes vacances. On sait que le repos est un art, en particulier, le repos de l'esprit. Certaine culture en possède le secret et l'art sophistiqué qui prend même l'allure d'une religion. Il libère l'esprit, le rend inconditionné des tiraillements du dehors et du dedans pour décrisper tous les muscles de son corps, ceux du visage jusqu'au bout des orteils, pour que l'homme entre dans le repos parfait.

Ce qu'on ne soupçonne pas, c'est que la Bible qui est à l'origine de l'idée du repos, de son importance dans la vie de l'homme. Dans le repos l'homme rejoint la tranquillité, le repos de Dieu. Il est écrit dès le second chapitre de la genèse : " Ainsi furent achevés les cieux, la terre et tout ce qu'ils renferment. Dieu, qui avait terminé le septième jour l'oeuvre qu'il avait faite, se reposa de son labeur. Il bénit le septième jour et le consacra, parce qu'en ce jour-là il s'était reposé de tout l'ouvrage de la création. "

Le repos n'est pas la cessation, mais l'accomplissement de l'activité. C'est émouvant de trouver Jésus qui nous propose le repos. Il nous fait entrer dans l'admiration de Dieu. C'est le début d'une civilisation cultuelle où Dieu est admiré et adoré en priorité, puisqu'une journée entière lui a été consacré : le Jour du Seigneur.

Quoi de plus humain que de partir du repos pour amener l'homme vers le mystère de Dieu. Ce que la civilisation de l'empire romain, ni celle d'aucun autre n'arrivait ni à imaginer ni à réaliser que l'ordre donné, à partir du Décalogue, a fait bénéficier tous les hommes, d'un repos, tous les sept jours. Le repos hebdomdaire, dominical est un acquis social, culturel et cultuel irréversisble de dimension planétaire que la Bible a su créer pour le bien de l'humanité.

" Souviens-toi du Sabbat pour le sanctifier. Tu travailleras six jours pour faire ton ouvrage. Mais le septième jour qui est le repos du Seigneur ton Dieu, tu ne feras aucun travail, ni toi, ni ton fils, ni ta fille, ni ton serviteur, ni ta servante, ni tes bêtes, ni l'étranger qui réside en tes portes. C'est en six jours que le Seigenur a fait le ciel, la terre, le mer et tout ce qu'ils contiennent, et il se repose le septième. C'est pourquoi le Seigneur a béni le septième et il l'a consacré."

A partir de cette vision de Dieu, le repos d'aujourd'hui offre tant d'occasions de rencontre, de découverte pour notre émerveillement qui peut devenir une communion à l'émerveillement de Dieu, grâce au rappel de la Bible, à la proposition de Jésus. Tout ce qui est beau sur cette terre et que nous pouvons admirer pendant les vacances, disons-nous bien, c'est tout cela qui a été fait pour nous, et ce n'est qu'une partie minime de tout ce qui a été créé.

Cette vision de vie ne laisse pas la place à la dichotomie classique de croyant et de non-croyant, de pratiquant et de non-pratiquant. Qu'on le veuille ou non, les gens prennent du repos. Ils sont dans l'organisation du repos du peuple de Dieu. C'est à la fois peu et beaucoup. Ils ne peuvent pas ne pas savourer le bien-être d'un repos qui les interpellera un jour.

Ceux qui ont la chance de se sentir plus concernés, c'est déjà beaucoup que de se montrer reposants, sereins comme quelqu'un qui voit Dieu en train d'admirer et qui dit que c'est bon.

Denis LUONG