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dimanche A | ||
AU PAYS DE JESUS; | ||
30
octobre 2005 | ||
Au pays de Jésus.
Au pays de Jésus.
Dès les premiers pas sur la terre de Jésus, j'ai cherché la parole la plus forte que Jésus nous a dite pour sentir que l'air que je respirais était le même que celui que Jésus a respiré pour parler, pour nous dire des choses. Le mot " Père, que votre Nom soit sanctifié " m'est venu à l'esprit. Prononcer ce mot sur cette terre, c'est avoir la consonance spéciale qui vous introduit dans la pensée de Jésus pour son Père et pour nous, en nous communiquant son expérience personnelle. Chercher à savoir comment il a vécu sur cette terre, c'est le seul moyen de retrouver son cadre de vie en s'abstrayant de l'environnement imposant de l'Etat d'Israël en pleine expansion (infra structure, implantations nouvelles). On peut voir alors que le ciel, le lac, les collines, la campagne de la Galilée, les petites gens, sont apparemment tels que Jésus les a vus. Nous avons commencé notre pèlerinage par le Mont Carmel, mont de la vigne de Dieu. Du monastère des Carmes où nous sommes logés, s'offre une vue splendide sur le port de Haïfa. Les Carmes sont à l'initiative des scapulaires de Notre Dame du Mont Carmel. C'est dans l'enclos du monastère que se trouve la grotte du prophète Elie. Elie (en hébreu : elî-Yahû, " Yahvé est mon Dieu ") La Bible montre Élie luttant vigoureusement, sur le terrain du royaume du Nord, pour rétablir l'appartenance d'Israël à Yahvé seul. L'opposition était irréductible entre celui-ci et Baal, avec la fameuse séquence du sacrifice au mont Carmel, (I Rois, XVIII, 20-40). L'expérience mystique de l'Horeb : Dieu est dans la bise du matin, (XIX, 1-8) évoque celle de Moïse au Sinaï (appelé aussi Horeb dans l'Exode). Du premier Testament, nous passons au Nouveau avec Nazareth, là où Jésus a passé le plus de temps de sa vie avec Joseph et Marie. L'immense basilique de l'Annonciation est au milieu du quartier musulman. Pour retrouver le lieu intime où se passe dans le cœur de la jeune fiancée de Joseph; le salut de l'ange Gabriel et son dialogue avec Marie, il faut faire abstraction de nos yeux tous les bâtiments nouveaux, tout le quartier de Nazareth moderne. On peut alors voir dans chaque jeune fille, jeune homme, jeune garçon l'image de Joseph avec Marie et Jésus. C'est le conseil d'une sœur Clarisse nonagénaire du monastère qui avait embauché Charles de Foucauld comme jardinier. La sœur supérieure de Notre Dame de Nazareth nous dit la même chose ; elle qui continue le travail de fouille de son monastère où l'on a trouvé le site de la Nutrition avec le tombeau du Juste. C'est toujours émouvant de retrouver sur chaque site visité les moments forts de la vie de Jésus que racontent les évangiles. Dès les premiers temps, puis à travers les siècles jusqu'à nos jours, le chrétien cherche les traces de son Seigneur et essaie de les conserver religieusement. C'est plus que de l'archéologie. C'est la recherche de La vie de Jésus à travers le temps. Le temps en Palestine depuis le début de son existence est le temps des conflits perpétuels latents ou ouverts comme nous y assistons maintenant. Le rythme de la vie des lieux saints est construction, destruction, reconstruction, re-destruction et ainsi de suite. Comme les couches d'un gâteau, il y a le fondement préliminaire, la reconstruction byzantine, la reconstruction des Croisés, la reconstruction moderne. Et les pèlerinages successifs à travers les temps redonnent vie à ces lieux par la référence continuelle à l'Evangile. L'Eglise en Terre Sainte est fragile. Elle n'a pas de fidèles sur place. Orthodoxe ou catholique n'ont que des chrétiens arabes. Le patriarche de l'Eglise latine nous dit que les pèlerinages sont extrêmement importants pour manifester à Israël et aux palestiniens que la Terre Sainte est la Terre de l'Eglise universelle. Elle apporte sa contribution à la réconciliation des deux peuples toujours en conflit en les obligeant à travailler ensemble. Dans la vie quotidienne, la présence des touristes les amène à utiliser l'euro comme monnaie courante.. Lire l'Evangile à Nazareth, à Cana, au mont des Béatitudes, à Tabgha, le mont de la multiplication des pains, à Capharnaüm, au lac de Tibériade, c'est entendre Jésus Vivant qui parle. Jamais les paroles de l'Evangile ne sont aussi fortes, aussi authentiques en faisant surgir dans nos esprits les témoins oculaires qui ont vu Jésus au matin de Pâques. Et à partir de cette rencontre avec le Seigneur Ressuscité, ils ont retrouvé ce qu'ils ont vu et entendu durant leurs trois années avec le Seigneur. Notre privilège est renforcé par la présence de notre Père Evêque. Avec lui, nous côtoyons les apôtres ; il est un des successeurs de la ligne directe des apôtres. Il nous donne des instructions sur notre mission de prêtres. Nous avons prié et concélébré avec lui tous les jours. Notre pèlerinage est marqué par la rencontre de personnages exceptionnels. Un père jésuite d'origine juive nous parle du cheminement de sa vie. Né d'une famille juive allemande, réfugié en Afrique du Sud, il est envoyé en Israël en formation à quinze ans. Adopté par une famille musulmane de Jérusalem, il poursuit ses études dans diverses universités hébraïques. Intrigué par la présence des lieux saints de l'Eglise chrétienne, il cherche à connaître des chrétiens. Il a rencontré une religieuse de 91 ans qui lui a parlé de Jésus. En rencontrant Jésus par cette voie, il chercha à être baptisé et à devenir prêtre. Ce fut une grande épreuve à passer à cause de la souffrance de ses parents qui ne comprenaient pas le choix de leur enfant. Il a su pourtant garder une relation normale avec sa famille : c'était comme une réponse personnelle lancée à l'Etat à propos du sort des palestiniens opprimés. Il fut emprisonné pour avoir refusé le service militaire, et à sa sortie de prison, il s'engagea à servir comme volontaire dans un hôpital à Jérusalem pour montrer à l'Etat qu'il aimait son pays. Il connaît l'arabe. Il dit la messe en arabe et donne des cours d'Ecriture Sainte au grand séminaire de Bethléem, ville emprisonnée par d'immenses murs d'exclusion. On était heureux de déjeuner avec les séminaristes, tous arabes, jeunes, joyeux, pleins d'enthousiasme. C'est encore à Bethléem
que nous avons rencontré Sœur Sophie, sœur de St Vincent de Paul, directrice
d'un immense hôpital moderne avec la crèche pour les enfants musulmans
orphelins. A travers ces personnages, nous rencontrons Jésus vivant sur
sa terre natale. Le monde est toujours ce qu'il est. Dieu ne fait pas le monde
à la place des hommes. Il a aimé le monde. Il a donné son
Fils qui vit au milieu de nous, aussi impuissant que nous. Mais à partir
du cercle des douze, il a traversé le bloc puissant du refus, avec ses
quatre composantes : les politiques, les prêtres, les savants et derrière
eux, la Puissance des ténèbres, pour atteindre le cœur des hommes
de toute la communauté humaine. | ||