Rabbouni
La pierre tombale roulée est à côté,
le suaire qui recouvre la tête du Seigneur, n’est pas posé
avec le linceul, c'est tout ce qu'ils ont vu et retenu. Ils ont
plutôt des têtes qui observent et qui raisonnent. Et,
ici, il n'y a rien à dire. C'est perdu, le corps. Mais l'autre
disciple qui garde encore bien des images du Maître de la
veille, il vit et crut. Le jeune entraîne ainsi le plus âgé
dans sa déduction des Ecritures, des confidences du Maître.
Le témoignage des évangiles sur la rencontre avec
le Christ au-delà de sa mort n'est pas seulement une déduction
théorique. Nous avons en tout, douze récits, deux
de Matthieu, deux de Marc, trois de Luc et quatre de Jean. Tous,
ils ont vu d'abord la disparition du corps, puis le visage rayonnant
de Jésus vivant. Les évangiles sont nés de
ces rencontres avec le Christ vivant.
C'est à la suite du récit que commence la vraie entrée
de Jésus dans l'histoire. Le Jésus de Matthieu, de
Marc, de Luc, de Jean, le Fils de l'homme, le transfiguré
sur le Thabor, le Maître qui guérit, qui ressuscite
les morts, qui dit qu'avant Abraham ne vienne, il est déjà
là, ce Jésus qui a été vu pour la première
fois par Marie Madeleine.
Il n'y a que Marie Madeleine qui reste, au lieu de retourner chez
elle, comme les deux disciples. Elle se tient debout dehors, seule,
et elle pleure. Elle est venue voir le visage de celui qu'elle aime.
Comment s'en aller sans le voir ? Et elle l'a vu. Il est transfiguré
au point qu'elle ne le reconnaît pas. L'amour plus fort que
la mort lui faire croire qu'elle peut le porter si elle le retrouve.
Jésus reconnaît dans cette demande, le même
amour, le même attachement de Marie Madeleine, et il l'appelle
: " Marie. " La voix, celle-là, comment ne pas
la reconnaître, et à Marie de répondre : "
Rabbouni ! "
L'annonce de la Pâques nouvelle commence avec cette rencontre.
Les apôtres vont le voir comme elle l'a vu. D'autres générations
après eux, peuvent le voir aussi, avec les yeux du cœur.
Leurs façons de dire celui qu'ils ont vu et rencontré,
sont d'une telle intensité que l'annonce arrive jusqu'à
nous et jusqu'à la fin des temps.
Un homme de notre communauté humaine est entré dans
ce monde nouveau, où il n'y a plus ni déchéance,
ni mort. Il vit en Dieu avec son corps humain. C'est le contenu
de la prédication des apôtres : Jésus est mort
pour nous, et il est ressuscité. Nous l'avons vu.
Nous avons à connaître, un jour au l'autre, le deuil
de ceux ou celles qui nous sont chers. Mais le deuil a ceci de grand
: il transforme le monde qui nous entoure. Rien n'est comme auparavant.
Si le monde n'est pas dépeuplé, il est vraiment changé
pour nous. Et le monde est en perpétuel changement à
cause des deuils que nous avons à porter.
L'Evangile nous dit comment le monde nouveau est né. Désormais,
à cause de la mort et de la résurrection de cet homme
nommé Jésus de Nazareth, il est possible que l'homme
passe l'homme. Il est possible de déplacer nos intérêts
ailleurs que de les garder en nous-mêmes.
C'est la spiritualité chrétienne, la nôtre.
Elle est le fondement de notre civilisation. Ce n'est pas de la
récupération, mais le retour à la source de
nos valeurs.
Je célèbre la Pâques, je ferme le Livre, je
ferme les yeux, et je trouve le visage de mon Seigneur, au fond
de mon cœur. Je célèbre la Pâques, j'ouvre les
yeux et je te vois partout dans notre monde, dans notre vie. Depuis
notre entrée dans ce monde, à travers tous les âges
de notre vie, ta présence rayonne comme les sacrements qui
nous vivifient et nous prennent comme témoins de ta résurrection.
" Rabbouni ! "
Denis Luong