retour à la page d'accueilretour à la page d'accueil
retour à la page d'accueilarchives des homéliespetit germinal, informations pratiquesla vie de la communautédernières conférencesparticipez à germinal
retour page accueilhomelies 2007archives :2006200520042003200220012000199919981997
 
Dimanche des Rameaux et de la Passion
 
   
   
 
Une fête populaire, une entrée messianique, passion selon Saint Matthieu, la nuit la plus longue, le jour le plus long
 
   
 
16 mars 2008
 
   
 

 

Ne comparons pas cette entrée de Jésus à Jérusalem aux montées triomphales des Césars au Capitole! Ni même aux processions de la fête juive des Tentes (Sukkot). En ce dimanche des Rameaux, tout fut improvisé. Ce fut une explosion spontanée du petit peuple, surtout des Galiléeens, en cette semaine où du monde entier débouchaient sur l'esplanade du Temple les pélerins de la Pâque. Dès qu'on sut que Jésus le Galiliéen était arrivé à Béthanie et qu'il se disposait à venir au Temple, ses compatriotes enthousiastes et bruyants voulurent entrer avec lui, comme tant d'autres escortaient leur rabin prestigieux. Rien de triomphaliste de la part de Jésus. Rien d'un mésianisme tapageur. Et pour bien le montrer, il ne consent à faire son entrée que monté sur un ânon, la bête la plus pacifique qui soit! La police romaine, pourtant si sévère sur ces manifestations, ne se laissa pas tromper. Elle vit qu'elle avait à faire à un cortège et à un home sans danger. Une kermesse pascale!
Ce dimanche des Râmeaux s'éclaire par la lumière du dimanche suivant, celui de la résurrection. Oui, Jésus est le Roi et le Messie, mais par la traversée du Vendredi Saint. Son vrai dimanche est celui de Pâques. Sa vraie gloire ne lui vient pas des acclamations des foules, mais de son Père qui le relève du séjour des morts.

Qui donc vouleaient fêter ces Galiléens exubérant en escortant de leurs palmes et de leurs hosannas Jésus de Nazareth? Les uns, un compatriote dont ils étaient fiers. Les autres, le thaumaturge. Ceux-ci, le prophète de la lignée de Jean-Baptiste : "C'est le prophète Jésus, celui de Nazareth de Galilée". Ceux-là, qui sait? Le Messie vengeur.
Jésus désamorce l'explosif. Son messianisme n'est pas celui des foules. Il est celui des humbles. Matthieu le souligne en insérant dans son récit une citation de Zacharie (9,9) avec un emprunt à Isaïe (62,11).
Oui, le Roi-Messie viendra, annonçait le prophète, mais dans un appareil pauvre : " Doux et monté sur un ânon". Tout ce qu"il y a de plus innocent et inoffensif! De tous les titres qu'on lui donnait, Jésus n'a retenu que celui de "Fils de David", qui était sans danger en cette époque où la famille royale était en pleine déchéance. En consentant à faire son entrée sur l'esplanade du Temple, lieu des sacrifices, à quelques jours de sa mort en croix, Jésus nous invite à saisir le lien étroit qui unit sa mort et sa royauté. La croix donne sa vraie valeur et au dimanche des Râmeaux et à celui de Pâques. Le Messie est un crucifié ressuscité.

Il y a diverses lectures du récit de la passion selon saint Matthieu. Celle qui, semble t-il, répond le mieux aux intentions profondes de l'évangéliste, consiste à se laiser guider et éclairer par les Ecritures. Elles s'accomplissent en Jésus. Il faut reconnaître que la fin tragique de Jésus fut de tout temps "la pierre d'achoppement" pour la foi, un scandale pour les juifs et une folie pour les paiens (1 Co 1,23). Plus que jamais, les contemporains de Matthieu rêvaient d'un Messie triomphaliste! Nous sommes-nous jamais, dans l'Eglise, bien éveillés de ce rêve!
Matthieu nous invite à lire la Bible avec les yeux de Jésus sur la croix. Ce qu'il lisait et ce qu'il vivait du haut de la croix. En scribe attentif, en rabbin chrétien, Matthieu jalonne son chemin de la croix de citations et de références bibliques pour nous convaincre que les Ecritures avaient tout prévu pour le déroulement de ces grandes heures. Laissons-nous conduire par Matthieu, la Bible à la main.
Le récit du dernier repas avec l'institution de l'Eucharistie est un tissu d'allusions bibliques. Nous n'y comprendrons pas grand chose si nous ignorons les thèmes du banquet, de l'alliance par le sang, du corps brisé, de la coupe versée, Jésus prévient le scandale de la nuit qui commence en citant Zacharie : "Je frapperai le berger et les brebis seront dispersées" (13,7). Son angoisse dans l'olivette de Gethsémani fut prédite par le psalmiste : "En moi mon âme s'effondre" (42,7). Dès l'arrestation, alors que Pierre tire son épée, Jésus déclare : " Comment s'accompliraient les Ecritures selon lesquelles il faut qu'il en soit ainsi?"
Il faut. Que de fois ce verbe revient sur les lèvres de Jésus! Il ne s'agit pas pour lui d'une nécessité fatale, d'un hasard qui s'obstine à le perdre, mais d'obéissance filiale à la volonté de son Père.
Dans sa réplique à ceux qui l'arrêtent, Jésus leur reproche leur façon d'agir. N'auraient-ils pas pu l'arrêter en plein jour, en plein Temple, en pleine foule? Pourquoi cette opération nocturne comme s'il était un zélote clandestin, un chef de bande dans le maquis? Et d'ajouter : "Mais tout cela est arrivé pour que s'accomplissent les écrits des prophètes". Lesquels? Sans doute, les chants du Seigneur souffrant qui fut "compté avec les coupables" (Is 53,12), qui , dit le texte grec, fut "mis au rang des scélérats".

Ce fut cet interminable Vendredi Saint. Jésus l'a vécu en lisant la Bible, comme nous y invite Matthieu. Devant le tribunal de Caïphe, Jésus, sommé de donner son identité, répond par une phrase du prophète Daniel : "Vous verrez le Fils de l'Homme" siégant à la droite du Tout-Puissant et venant sur les nuées du ciel" (Dn 7,13). Cette phrase proclamée en plein tribunal décide de son sort : la mort.
Matthieu est le seul à décrire le triste suiscide de Judas; mais jusque-là, devaient s'accomplir les Ecritures (Za 11,12-12). Tout le procès devant Pilate est plein d'allusions et de réminiscences bibliques : le grand silence de Jésus (Is 53,7), le lavement des mains (Dt 21,6-9), le cri de la foule : "Que son sang retombe..." (2 S 1,16). Au Calvaire, que de textes reviennent! Le vin mêlé de fiel (Ps 69,22), le tirage au sort des vêtements (Ps 22,19), le cri terrible de détresse (Ps 22,2), les railleries des adversaires (Sg 2,18-20).
Enfin, les phénomènes extraordinaires qui s'accumulent dès que Jésus a expiré, le déchirement du voile du Temple, les ténèbres en plein jour, le tremblement de terre, les ouvertures des tombeaux avec les résurections des justes, tout cela ne fut-il pas annoncé par les prophètes comme les signes de la fin du monde ancien et de l'ouverture du monde nouveau (Am 8,9)? Jusqu'à l'ensevelissement dans la tombe d'un riche, tout était programmé par le Père (Is 53,9).
Ainsi, la Passion ne fut pas une triste tragédie, un accident de parcours, mais l'accomplissement du dessein d'amour de Dieu sur le monde. De tout temps, Dieu nous a aimés... jusqu'à ce point!