C'est éclairant pour nous de regarder la place de cette Fête du Saint Sacrement dans la liturgie que l'Eglise propose aux chrétiens du monde entier, dans toutes les langues. Nous sommes habités par la présence active de l'Esprit de Dieu reçue à la Pentecôte et qui est toujours là. Dimanche dernier, le premier après cet événement, l’action de l’Esprit-Saint nous a amenés à contempler la vie en Dieu: Dieu Père, Dieu Fils, Dieu Esprit. Source de toute vie, Dieu est Relation, celle que nous aimons bien avoir, puisque c'est la richesse de notre personnalité.

Aujourd'hui, l'Esprit-Saint continue à nous faire comprendre que cette vie en Dieu va jusqu'à l'intérieur de chacun de nous comme Jésus nous l'a promis. "Mon Père et moi nous viendrons établir notre demeure." Nous sommes au coeur de l'Eucharistie, avec une compréhension d'autant plus forte que le Seigneur n'est plus là comme l'avant veille de sa mort, le Jeudi Saint.

Il y a là un appel à approfondir le sens de l'Eucharistie. Le récit de l'évangile de Marc, de tous le plus ancien, nous invite à la profondeur et à la fraîcheur de la source.

Nous pouvons relever comment Marc n'a cessé au long de son évangile de ne pas perdre de vue les menaces de mort sur la personne de Jésus. En la dernière soirée, au cours du dernier dîner avec ses disciples, sachant que la mort est pour demain, Jésus leur dit ses dernières intentions: ce dernier repas sera le mémorial de la Pâque Nouvelle. En deux paroles, en deux gestes, sobres, mais lourds de signification, il les fait témoins de sa mort et de sa résurrection. Personne jusque là n'ose parler de la mort dans un langage aussi beau et clair.

  Son corps sera brisé comme cette galette de pain qu'il partage avec ses doigts à ses amis, et à travers eux, à toutes les générations de demain. Son sang sera versé comme ce vin dans la coupe qu'il passe entre les mains de tous, ce "sang de la grappe" Gen.49,11. Cette coupe est le symbole de sa vie donnée comme signe du plus grand amour,(Mc10,38, et de toutes les agonies(Lc22,42). Désormais chaque fois que le prêtre refait ce geste et redit ce qu'il a dit, il " annonce la mort et la résurrection du Seigneur." Co.11,26

  Grâce à ce don de vie, à cette intention d'être là avec les autres, nous, nous sommes nés dans la civilisation de Présence, de Service les uns pour les autres au delà de ce qu'on peut voir ou ne pas voir, au delà des différences.

  C'est l'ultime enseignement du maître dans lequel nous pouvons trouver tout ce dont il n’a pas encore pu parler: Les événements qui vont survenir, sa mort imminente et violente, le comportement de Judas, la politique des gens du temple, son départ, sa mission comme chemin vers le Père, l'avenir de ses disciples, la promesse de l'Esprit-Saint et de sa Présence permanente au milieu de nous jusqu'à la fin des temps.

Ainsi, c'est la personne du Jésus qui va permettre la convivialité entre Dieu et tous les hommes et les hommes entre eux. Il a vécu notre condition humaine comme un vrai exode: sortir de soi-même, du mal, de la mort, de la peur, pour aller vers le Père, vers les autres. Par lui, désormais, chacun peut découvrir dans sa vie le même cheminement de l'histoire du peuple de Dieu: l'exode, le don de la loi, l'Alliance avec l'Eternel que nous célébrons comme Pâques, Pentecôte, Fête-Dieu.

  L'Eucharistie est vraiment la Fête Dieu comme l'Eglise a coutume d'appeler cette fête du Sacrement du Corps et du Sang du Christ. Elle n'est pas un geste de dévotion individuelle que nous demandons au prêtre de célébrer à nos intentions diverses. Nous ne venons pas seulement pour attendre le moment où le prêtre doit citer le nom de la personne pour qui nous voulons demander la messe.

La messe, c'est autre chose. C'est la présence du Ressuscité dans notre monde. Jésus Christ ressuscité, Verbe de Dieu, assume la vie de ce monde jusqu'à la fin des temps et la transforme en une louange, une action de grâce permanente à Dieu le Père dans l’unité de l'Esprit-Saint.