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Jeudi
Saint, Année B
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Ex
12, 1...14
1 Co 11, 23-26 Jn 13, 1-15 |
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La
Présence.
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27
mars 1997
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Nous sommes à la veille de la pleine lune du mois de Nisan. L'étreinte de l'hiver est brisée. La nature se réveille. Le froid a laissé la place à la splendeur. C'est le moment de la Pâque, le passage du sommeil à la vie. En contemplant l'éveil de la nature, les enfants d'Israël se rappellent la libération de leur condition d'esclaves, le passage de l'ange de la mort, le passage du néant à la vie. Combien de fois dans son histoire, Israël a connu ces moments où il a été réduit l'état de néant! En célébrant la Pâque, Israël veut raconter à ses enfants, à toutes les générations qui viennent, sa vocation d'observateurs privilégiés des premiers instants de la création de ce monde. Puisqu'il est réduit au néant, il pouvait être présent ce point zéro de l'existence de l'univers. Il peut observer ainsi Dieu qui crée le monde et qui le tient en vie. Et Israël éclate en admiration dans cette contemplation de Dieu qui agit et qui tire du néant ce monde qui l'entoure. C'est le sens profond de la Pâque juive. Etre présent au point zéro pour contempler Dieu qui agit et qui crée. Etre en perpétuel état de naître, quitter le néant, partir vers l'inattendu, l'imprévu et la rencontre. Naître ici, dans le sens de la fête de Pâques c'est n'avoir plus d'autres maisons que le Passage. En vrai juif, Jésus célèbre avec ses disciples cette Pâque prescrite à tous les enfants d'Israël. "C'est une loi perpétuelle, dit le livre de l'Exode, d'âge en âge, vous le ferez." Mais ce soir, c'est pour la dernière fois qu'il fête la mémoire de son peuple, comme un exclu. Les autorités religieuses du temple ont rejeté son message et l'ont banni de la Torah. Jésus célèbre la fête de la sortie d'Egypte sans agneau pascal, hors de la communauté des juifs pratiquants. Mais cet exclu, l'Eternel l'a fait son Messie. L'agneau pascal immolé pour la fête, ce sera lui. Le pain azyme, le pain que l'on mange à la hâte, sans préparation, sans artifice, ce sera lui, ce sera son corps. Ce corps transfiguré par la vie en Dieu, habité par l'Esprit permet désormais à la Pâque juive de dépasser les limites de l'histoire d'un peuple. Grâce à ce corps transfiguré que les apôtres ont vu pour moi, de leurs propres yeux , désormais je peux célébrer la Pâque, sans être juif. Ce ne sera plus seulement la libération d'Israël. C'est la renaissance de l'univers entier où chacun peut retrouver son propre cheminement du néant à la vie, son propre passage de la mort à la vie. Désormais célébrer la Pâque nouvelle, c'est vécu avec Jésus Mort et Ressuscité pour tous. Pour ce faire, Jésus a laissé une consigne: " faites cela en mémoire de moi. " Les disciples de générations en générations vont transmettre cette parole du Maître : " Ceci est mon Corps. Ceci est la coupe de mon sang. " Et ils vont découvrir très vite qu'ils ne pourront prononcer ces paroles sans ressentir la mort qui vient en eux. Pratiquement, chaque fois c'est la mort qui est en train de frayer le passage dans leur intérieur pour laisser la place à la présence du Maître. L'homme qui accepte de transmettre la consigne du Seigneur devient le prêtre. C'est une délégation, une vocation. Le prêtre est choisi parmi les enfants de la femme pour rester au service d'une Présence. Comme il doit rester à la fois toujours présent et effacé. Le Jeudi Saint est devenu ainsi dans la tradition de l'Eglise, une journée de prière pour les prêtres. Comme ils ont besoin du soutien de leurs communautés ! L'Evangile de St Jean nous en explique pourquoi. Il a laissé aux trois premiers évangiles le soin de nous raconter comment Jésus a rompu le pain et partagé la coupe de vin. Et de peur que tout ce geste ne soit tourné seulement en des célébra-tions rituelles, il nous raconte comment Jésus se met à laver les pieds de ses disciples. Pour St Jean, c'est cela l'Eucharistie. Ce n'est pas seulement tel ou tel rite à observer et qui, à force de la parole prononcée, change ceci en cela. C'est tout un ensemble de comportement à vivre. Nous retenons le témoignage du quatrième évangile : Penser à Dieu c'est aussi penser aux hommes. Faire la mémoire du Don reçu, c'est à notre tour, se mettre en état de service. Pour nous tous qui célébrons ce soir le mémorial du Seigneur, nous pouvons nous demander si nous arrivons à montrer au monde le visage de ce Dieu qui s'est si bien penché vers sa créature qu'il s'est mis en position de devoir lever les yeux pour la regarder. Serviteur agenouillé devant ses disciples, littéralement à leurs pieds, tellement penché que c'est lui qui doit lever la tête pour les regarder. Ce soir, nous sommes à l'origine d'une civilisation toute nouvelle de Présence et de Service qui se vit au delà des apparences et de la mort, comme le signe du plus grand amour. La vie humaine est dotée depuis d'un autre type de relation, celle de la communion. Ici, il est possible de rejoindre l'Autre dans le secret de sa personne. " Comme toi, Père, tu es en moi et que je suis en toi, qu'ils soient en nous eux aussi... " D.L . |
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