La première lecture nous replace dans le contexte du peuple d’Israël
qui remonte au premier temps de l’Alliance. Il nous permet d’aborder
ainsi le thème que notre communauté a choisi pour vivre l’année du Jubilé.
Le fondement de notre joie est de découvrir le désir de Dieu de se mêler
aux affaires des hommes. On peut d’abord apprécier ce premier logo d’arc-en-ciel
qui se dessine dans le ciel, en multicolore et qui dit que Dieu prendra
soin de remettre à neuf chaque fois qu’il y aura des dégradations dans
l’univers.L’homme et le cosmos sont saisis dans la même sollicitude de Dieu
A travers la parole qui affirme ce que Dieu dit, on voit encore
ici la trace de la volonté de l’homme de prendre Dieu comme l’assureur
de sa sécurité. L’homme ne prend pas aussitôt d’engagement. Il laisse
Dieu parler seul, en insinuant qu’il faudrait qu’il n’y eût plus de
fléaux naturels. L’Alliance que Dieu propose est d’un autre ordre.
L’homme a à apprendre lui-même comment vivre dans son environnement,
comment respecter la nature et se défendre contre les ses intempéries.
Dieu qui est à l’origine de toutes les initiatives de relations avec
les hommes respecte le cheminement de l’homme, sa prise conscience
de la présence de l’Autre. Il laisse l’homme défendre d’abord instinctivement
ses intérêts. Son alliance se fait lentement avec les générations
qui viennent, qui ont bénéficié des expériences de leurs pères. Après
Noé, alliance « verte », viennent, Abraham, Alliance qui
assure sa lignée de sang, Moïse, Alliance sinaïtique : don des
dix paroles avec engagements réciproques, David, Alliance messianique :
de sa maison viendra l’Envoyé de Dieu.
Ces grandes étapes de l’alliance sont reprises par les prophètes
pour peaufiner les engagements respectifs des deux côtés. « Tu
seras mon peuple, je serai ton Dieu. » « Ton créateur sera
ton épouse » est la proposition qui va jusqu’au sommet de l’initiative
de Dieu.
Le portrait de Jésus, Fils de Dieu, poussé par
l’Esprit au désert, tenté par Satan, nous replace dans la vraie position
de l’homme face à l’Eternel. A son baptême, Dieu le présente comme
la figure de son Alliance, son « Fils bien aimé ». Déjà,
au même moment, Jean le baptiste dit de lui, qu’il est « l’Epoux »,
alors que lui n’est que l’ami de l’époux.
Sans
entrer dans les détails des trois tentations types durant le séjour
de Jésus dans le désert, comme le font St Matthieu et St Luc, St Marc
nous montre l’aspect plus concret de la tentation à laquelle il a
confronté. On se plaint parfois de nos jours d’être obligé de vivre
dans une attention permanente pour discerner les vraies promotions
qui ne défigurent pas l’homme, qui ne détruisent pas la relation qui
est à la base de tout contact humain. La vie de Jésus est un discernement
qui nous fait découvrir le projet de Dieu et le chemin vers les autres.
Jésus vit dans une époque déboussolante. En politique, le pays est
occupé par les Romains. Collaborateurs et résistants s’opposent et
chacun veut attirer Jésus dans son camp. Au plan religieux, on vit
dans une période d’attente d’un messie glorieux qui va rétablir le
pouvoir d’Israël. On a voulu un jour, faire de Jésus un roi. En théologie,
les groupes s’affrontent, pharisiens, sadducéens s’approchent de lui
pour « le tenter » en lui posant des objections qui le disqualifieront.
Ses disciples eux-mêmes qui ne comprennent rien à son mystère veulent
le détourner de sa voie tragique. On sait comment Jésus a repoussé
durement les propositions de Pierre : « arrière de moi tentateur. »
C’est au long d’une vie parsemée de tous genres de tentations que
Jésus nous apprend à vivre tel que Dieu peut y trouver, en priorité,
sa place de Dieu qui s’est mêlé à la vie des hommes. La personne
de Jésus est pour le monde, la Bonne Nouvelle ; son comportement
est l’enseignement évangélique et sa vie est l’alliance nouvelle.
En ce premier dimanche, la première étape du cheminement
vers la Pâque, Jésus nous met avec lui dans l’environnement originel
de l’homme religieux: le désert . Toute la Tradition biblique a opté
le désert comme le lieu de la Parole, lieu des premiers amours de
Dieu et de son Peuple. Le désert se dit en hébreu « Mid-Bar
», le lieu vide de parole, le champ premier du monde, le tohu-bohu,
tout est encore à l’état informe.
Avec
le Christ « poussé par l’Esprit au désert », nous sommes initiés
au désert de notre monde, au désert qui se trouve en nous, notre solitude
intérieure, avec ce merveilleux passage de l’évangile de St Matthieu
au chapitre VI. Seul quelqu’un qui a vécu et découvert le lieu privilégié
qu’est le désert, peut nous parler ainsi de la solitude. « Ton
Père voit ce que tu fais en secret : il te le revaudra. »
Le
carême nous rappelle les engagements de Dieu envers la communauté
humaine, envers chacun de nous. En prenant connaissance de ce qui
a été déjà fait nous réalisons la consigne de Jésus : « convertissez-vous
et croyez à l’Evangile. » Durant deux mille ans de vie, l’Evangile
a contribué à rendre l’homme plus humain. Ses valeurs ont permis que
« les questions éternelles se jouent au niveau de la terre, dans
l’expérience humaine, dans la chair, dans le souffle de l’homme. »
D.L.