La personne de Jésus, Serviteur de Dieu est particulièrement relevée
dans le liturgie de la Parole de ce 29ème dimanche. Un bref passage
du livre d'Isaïe esquisse la physionomie du Serviteur souffrant. Plus
tard, on trouvera qu'il recoupe les traits du Christ mort et ressuscité
pour nous. La lettre de St Paul aux Hébreux relève le rôle du Grand
Prêtre réalisé en la personne du Christ. Il assume notre condition
humaine jusqu'à connaître la mort et la mort la plus ignominieuse.
La mort vécue en sa personne de Grand Prêtre est transfigurée en un
passage à la vie. Il est vivant. Il entre dans la vie en Dieu, comme
le Grand Prêtre qui entre dans le Saint des Saints
Saint Marc a retenu une conversation un peu spécial entre Jésus et
les deux frères Jacques et Jean. Dans son entretien avec ces deux
disciples, en répondant à leur demande, il dit pourquoi il est venu
au milieu de nous. Il fait comprendre la vie en Dieu où tout y est
communion, tout y est gratuité. Désormais, toute responsabilité est
de se dévouer comme Dieu qui se donne au monde. Dieu devient au milieu
de nous celui qui sert en personne.
Où faut-il aller chercher la notion de service à rendre dans notre
vie ? Tout service étant doté de moyens, d'insignes confiés à ceux
qui servent comme prérogatives de puissance, comment ces gérants pourraient-ils
veiller à ce qu'il reste toujours un service, un travail à remplir
pour l'intérêt des autres ? Le service dans notre vie courante est
lié à la loi de l'offre et de la demande, contrôlée par un pouvoir
administratif. Il veille à la crédibilité du pouvoir de l'offre, à
l'égalité des bénéficiaires, à toute discrimination dans le service
à rendre.
Toutes ces précautions, Jésus les a prises pour répondre à la demande
de Jacques et à Jean. Il veut savoir s'ils sont conscients de ce qu'ils
demandent. S'asseoir auprès de lui, à sa droite et à sa gauche, c'est
participer pleinement à sa mission. Il vient dans notre monde comme
celui qui sert. Et le service qu'il a à rendre n'est pas du domaine
économique. Il est dans la nature même de sa personne, l'Envoyé de
Dieu, Fils de Dieu.
Jésus est Fils. La force de ce mot, c'est de n'avoir de sens que par
rapport au Père. Dieu est Père. De sa vie de Père est née la filiation.
C'est la relation née du cœur de Père pour faire vivre tout en lui.
La notion de " Service " nous apprend à vivre en fils, notre filiation,
notre dignité devant le Père et le monde. Le Père donne, engendre.
Le service à rendre au monde prodigue les bienfaits que Dieu, le Père
a en projet pour les hommes.
Chaque fois que Jésus se présente, qu'il parle du Royaume de Dieu,
qu'il apporte aux pauvres la générosité du Père, aux pécheurs son
pardon, Jésus parle et vit en Fils. Il vit pour le Père. C'est le
sens originel du mot " Servir " utilisé par Jésus le Fils.
Cette notion spéciale de service entraîne la logique du " Serviteur
de Dieu. A l'opposé de toutes les coutumes et les mœurs de la société
humaine, pour devenir le plus grand du royaume, c'est une autre trajectoire
qu'il faut suivre : Vivre en filiation, servir, éliminer progressivement
toute notion de prestige, d'importance. La seule insigne qui parle
du service que Jésus veut initier au monde est " Être Fils ", être
en relation. Or, nous savons que seule la relation de qualité peut
sauver l'humanité : elle est la seule voie. Le " Serviteur de Dieu
" au service des hommes est celui qui vit pleinement cette qualité
de relation de " fils ".
Peut-être, est-ce dans ce sens que les prêtres doivent vivre leur
célibat ? Ils sont disciples de Celui qui vient au monde comme le
Fils. Leur vocation c'est de vivre pleinement avec leur maître, la
filiation, et sa mission de dire ce qu'est être fils. On leur décerne
quand même l'appellation de " père ", " père spirituel ", ce que Jésus
ne peut accepter. Jésus n'est pas le père spirituel de l'humanité,
lui qui nous dit qu'il n'y a qu'un seul Père, qu'il ne faut pas appeler
père, quelqu'un d'autre.
Peut-être aussi, est-ce dans ce sens que Jésus propose l'idéal de
tout quitter pour le suivre ? Il adresse cette proposition à tous.
Ainsi ceux qui ont l'expérience de la paternité et de la maternité
ont aussi les possibilités de tout quitter pour redevenir " fils "
comme le Fils. La vie a ceci de grand qu'elle nous dépouille et aménage
étape par étape un raprochement, une rencontre avec le Fils.
Lors de son dernier repas, Jésus va récapituler sa vie comme un "
service ". Et sa mort, il demandera à ses disciples de l'annoncer
au monde comme le fruit d'une vie en service. Maximilien Kolbe qui
demande au bourreau d'être à la place d'un compagnon de captivité
a vécu la mort comme l'ultime service du " Serviteur de Dieu ".
D.L.