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Le mot
"Dieu" désigne la réalité mystérieuse que les hommes cherchent à tâtons
depuis les origines. Pour apaiser son besoin de connaître, son envie
de rester en relation avec son origine, l'homme réclame un Dieu avec
lequel il puisse dire Je et Tu et entrer en échange d'amour. Mais la
raison, l'esprit humain, répugne à concevoir Dieu comme un autre à qui
on peut dire Tu . Dieu doit être réalité absolue, et rester au-delà
de la portée de notre raison. On ne peut discourir, réfléchir sur ce
qui est inconcevable. Le récit de la fête de Pentecôte ne cherche pas
à nous raisonner. Il veut nous faire connaître l'expérience de l'Esprit,
principe de toute intelligence. Il nous ouvre à une autre dimension
dans laquelle notre esprit est capable de franchir les limites de la
raison, de nos sensibilités. Il nous permet de voir au-delà de ce monde
qui nous entoure. L'Esprit invisible fait comprendre le visible. Les
apôtres ont vécu à côté de Jésus, l'ont écouté, sans toutefois le comprendre.
La tradition juive, comme la sagesse de bien d'autres cultures, enseigne
que la difficulté que notre esprit éprouve à s'exprimer vient de l'omniprésence
du corps. Lorsque le corps décline à cause de l'âge, de la maladie ou
lorsque nous savons maîtriser nos émotions, l'esprit peut se libérer
et est alors capable de voir avec les " yeux du coeur ". C'est ce qui
se passe lorsque l'Esprit descend sur les apôtres. Eux, ils font l'expérience
de l'absence du Maître mort et ressuscité qu'ils ont rencontré et que
désormais ils ne voient plus. Et avec la présence de l'Esprit, ils se
mettent à parler, à annoncer ce qu'ils n'ont jamais compris jusque là.
Les premières annonces des apôtres vont droit à l'essentiel. C'est Pierre
qui prend la parole en premier ": Cet homme qu'on vient de supprimer
en le faisant crucifier, Dieu l'a ressuscité, nous tous en sommes témoins.
Exalté par la droite de Dieu, il a reçu du Père l'Esprit Saint promis,
et il l'a répandu comme vous le voyez et l'entendez." Act. 2.32 Être
chrétien, c'est croire au salut apporté par Jésus-Christ. Cet acte de
foi s'est d'abord exprimé par des formules simples, comme "Jésus est
le Christ" ou "Jésus est le Seigneur". Les récits des Evangiles enseignent
que le salut, apporté par Jésus, vient de Dieu, et que cette oeuvre
de sanctification se continue sous l'action du Saint-Esprit. En voyant
l'oeuvre de Dieu dans la vie de Jésus, nous apprenons que Dieu est Père,
Dieu est Fils, Dieu est Esprit. La place de cette fête de la Sainte
Trinité représente le cheminement du peuple de Dieu, celui de l'Eglise,
de tous les chrétiens vers la connaissance de la vie en Dieu. Jésus
Ressuscité nous initie à la vie intime en Dieu, dans les secrets profonds
de son être. Il ne nous donne pas un "traité de Dieu". Nous apprenons
dans les prières de Jésus, l'expérience de la vie en Dieu exprimée en
notre langage comme une confidence. Il nous dit que Dieu est Celui qui
prononce la Parole créatrice de toute chose. La relation entre Dieu
et sa Parole est comme celle du Père et du Fils, celle de la source
de vie et de la vie en elle-même. Comme dans les expériences humaines,
la relation qui donne le fondement à la société, la racine à l'existence
de tout un chacun, est celle qui donne la vie : La paternité et la maternité,
les relations intimes que nous avons avec nos parents, avec nos enfants.
Commencés à partir des liens du sang, les liens de la "paternité-maternité"
et de la filiation nous emmènent au plus haut niveau spirituel. Quand
Jésus nous dit que Dieu est Père, il veut nous dire que Dieu n'est pas
solitaire, ni réalité inerte. Dieu est Relation-Vie. "Aime l'autre,
et l'autre engendre en toi la troisième personne", suggère l'amour humain.
L'Amour nous aide à concevoir Dieu qui est à la fois Lui-Même et l'Autre.
Entre Lui et l'Autre, c'est l'Esprit, le lien d'amour qui unit l'Un
et l'Autre. C'est une façon humaine d'exprimer la vie. La vie est la
relation en perpétuel échange. La célèbre icône d'Andreï Roublev qui
symbolise l'apparition de Dieu à Abraham et à Sarah sous la forme de
trois anges pèlerins, parle de l'hospitalité d'Abraham. A travers cette
scène biblique d'un temps reculé, on reconnaît l'intention de Roublev
et son évocation de la présence du Dieu Père, Dieu Fils Dieu Esprit.
Le Dieu de la Bible se laisse trouver à travers les autres, comme le
chemin qui mène au " Tout Autre ". Le " Tout Autre " peut être rencontré
dans l'autre, les autres. L'hospitalité est ainsi une relation sacrée.
Elle reste ouverte. Elle ne se limite pas à la rencontre des deux, mais
à celle qui laisse la place à bien d'autres. Entre les trois, il reste
encore la place pour l'inconnu.
D.L.
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