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4ème dimanche b
 
 
Malachie 3,1-4 - Hébreux 2,14-18 - Luc 2, 22-400
 
     
 
Lumière des Nations
 
     
 
2 février 2003
 
     
 
Le Nouvel An lunaire
Lumière des nations

C'est rare que la fête de la Présentation, ou la Chandeleur, tombe sur un dimanche. C'est plus rare encore que la Fête du Têt, le Nouvel An lunaire se célèbre au jour du Soleil, le dimanche. Soleil ou lune, c'est la source de la lumière. Le mot " Lumière " est le mot qui vient de la bouche de Siméon, accueillant dans ses bras l'enfant Jésus présenté au temple par ses parents. Il sera " lumière des nations ".

Que Jésus soit la lumière que la civilisation chrétienne a su donner à l'Occident comme fondement de ses valeurs de base, c'est un acquis que personne ne conteste. La place de Jésus dans la culture religieuse, dans l'Eglise, dans notre théologie est bien déterminée depuis des siècles. Des observateurs neutres ont pu relever la part d'héritage que doit " la civilisation du droit de l'homme " au message donné par l'Evangile. La relation intime de la vie en Dieu dont seul celui qui vient du dedans peut en donner une idée sur Dieu Père, Dieu Fils, Dieu Esprit, trois personnes en une seule nature divine, est l'origine de ce que nous pouvons parler du " je " comme l'autre. La différence n'est pas un élément d'exclusion mais la richesse de la relation qui va jusqu'au respect de l'autre, fondement des droits de l'homme.

La théologie à l'orée du troisième millénaire s'inquiète du peu de place réservée à " la Lumière des nations " dans les cultures des autres religions. Une petite note dans l'ordo de la liturgie qui annonce qu'aujourd'hui selon le Calendrier, c'est le Nouvel An lunaire, fête du Têt pour plusieurs bouddhistes et chrétiens d'origine vietnamienne. C'est une petite attention qui est grande, qui me permet de vous proposer en quelques lignes les apports culturels et religieux de la fête du Têt, tout en remerciant Philippe de me donner l'occasion de le faire.

En somme, le Têt est une fête religieuse, d'inspiration millénaire, à la fois ancestrale et populaire. Toutes les religions de l'Extrême Orient, Taoïsme, Confucianisme, Bouddhisme Christianisme peuvent y trouver chacune sa place, dans une harmonie qui dépasse le syncrétisme. L'idée force de la fête vient du Commencement du cycle lunaire, le premier jour du premier mois lunaire. Il faut que tout soit nouveau pour le Nouvel An. L'importance de la " nouveauté totale " à réaliser dans la vie de toutes les couches de la société, familiale ou personnelle dépasse les propositions que la fête " Rosh Hashanah " du peuple de la bible célébrée aussi en suivant le cycle lunaire, comme le Jour de la commémoration de la création du monde. Et, tout comme Dieu garde mémoire des bonnes œuvres de ses créatures, de même la nation juive, de son côté, se rappelle alors ses responsabilités en tant que peuple élu.

Les premiers signes du Têt s'annonce par l'acharnement de tous à faire le grand ménage de l'année. Dans les maisons, dans les rues, dans les cités et les villages, on fait de la propreté, dépoussiérer, astiquer, arranger, débarrasser tout ce qui est usé. On prend le bain de la fin de l'année. On coupe les cheveux, on veille à sa garde robe. C'est vouloir se donner de la malchance pour toute l'année que de porter les vieux habits au jour de Têt. Les débarras vont plus loin. On cherche à rendre les dettes, à se réconcilier si l'on a des conflits. Les parents veillent à ce que leurs enfants n'aient pas de paroles et de gestes mal placés. Les premiers gestes, les premières paroles au premier jour de l'An rejaillissent sur toute l'année de ceux qui en font mais aussi de ceux qui les reçoivent. Le grand débarras se termine à la nuit de la veillée, les dernières heures de l'ancienne année, appelée nuit d'élimination de tout mal, de tout mauvais esprit, comme le peuple d'Israël qui jette les vieux levains à la veille de la Pâque.

Cet effort général est en vue de deux réalités importantes à vivre, la reconnaissance et l'accueil. L'accueil de reconnaissance réservé aux ancêtres se fait dès les premières heures du Nouvel An, après avoir bien accueilli au préalable le dieu Lare, le dieu du foyer, appelé d'ailleurs Monsieur la Cuisine. Il est parti au ciel une semaine d'avance, le 23ème jour du dernier mois, pour faire le rapport de l'année. On devine comment les gens doivent lui réserver un accueil dû à sa mission. Un bon rapport de retour vaut un bon accueil à Monsieur La Cuisine, observateur permanant du ciel dans le foyer.

C'est aux premières heures de cette nuit de " transition " (Giao Thua) entre la vieille année et la nouvelle année, que les ancêtres sont accueillis par le doyen de la famille, l'héritier. Un autel bien garni d'offrandes, de tous les plats cuisinée depuis des dizaines de jours d'avance, pour laisser à M.le dieu de la cuisine un repos durant toute la fête qui dure au minimum trois jours, sinon une semaine ou un mois. L'autel des ancêtres est depuis longtemps reconnu par l'Eglise pour tous les chrétiens. En vue du culte à tous les ancêtres défunts, tous les membres de la famille doivent rentrer, où que l'on soit, à la maison ancestrale. Cette tradition, les religieux et les religieuses au Vietnam ont pu aussi l'observer grâce à l'adaptation de leur observance avec la vie du pays. C'est le grand moment de communion des deux mondes, de l'en deçà et de l'au-delà dans l'intimité de la grande famille. On se rappelle les souvenirs d'antan qui caractérisent l'esprit de chaque famille et les relations entre elles par la commune piété familiale. A leur tour, ce sont les aïeux vivants qui sont honorés. Selon son rang respectif, chacun vient se prosterner devant le dernier doyen de la famille pour féliciter qu'il vient d'avoir un âge de plus, et recevoir ensuite la petite enveloppe rouge, le pécule à fructifier dans la nouvelle année. Ce geste des vœux du Têt continue à travers tous les rangs de la famille, du plus petit au plus grand. On se félicite mutuellement d'avoir un an de plus et on échange les cadeaux. C'est la vie du premier jour de l'an nouveau, strictement réservé à la grande famille. Comme chaque premier événement, chaque premier geste, chaque première parole détermine la chance pour le reste de l'année, on veille à ce que la famille ne soit pas visitée par n'importe qui. Souvent c'est un membre de la famille désigné pour se présenter comme le premier visiteur qui symbolise la bonne fortune pour tous.

Le deuxième jour est consacré à l'accueil et aux visites des bienfaiteurs, des parentés, oncle, tante, grand ou petit, cousin, cousine. Au troisième jour, l'accueil s'élargit au cercle des amis. Cet ensemble d'accueil demande une organisation conviviale importante. Aucun visiteur n'est pas venu sans être invité à table. Le service de table est prêt à accueillir à tous les moments de la journée. On comprend la coutume de préparer les repas par des plats qui se conservent. Elle ouvre à tous les génies de l'invention des plats, des gâteaux, des confitures qui se conservent.

La nature au printemps contribue généreusement à l'effort de renouveau des hommes. Le Têt, c'est la saison des fleurs. La fleur symbole est celle du pêcher. C'est la pêche qui est susceptible de donner la jouvence immortelle et la protection contre les mauvais génies Aucune famille ne se prive d'avoir une branche de pêcher bien fleurie de ses fleurs rouges vives. Rouges sont les pétards, éclats de joie, cris vers le ciel qu'il n'oublie pas qu'on est là. Rouges sont les fruits des cinq éléments de la terre, fer, bois, eau, feu, argile. Rouges sont les parallèles, une forme littéraire de poésie composée de mots et de phrases parallèlement contrastées.( Chevaucher le vent qui envahit le devant - Plier les pieds, concentrer l'esprit, flèche au cœur. Dap vo phi phong tràn truoc mat - Xêp chân thu tri vut trong tim.) Le rouge domine partout. La fête du Têt est conçue et se célèbre par les jeux des symboles qui battent leur plein partout, dans les détails de la vie humaine, inspirés de la vie quotidienne laborieuse du travail de la terre, des traditions religieuses.

Le bouddhisme rappelle tout au long de la fête, la non violence, la sérénité. Durant le Têt, on va à la pagode pour cueillir les nouveaux bourgeons, symbole du bonheur. Dans les villages on plante l'arbre de bouddha, une sorte de poteaux en bambou qui marque la terre de non-violence. Le taoïsme, est riche des signes " para sacramentels ", l'encens, la lecture des signes tantriques de la vie de chacun. Le confucianisme rappelle les relations qui sont à la base de toute société : Maître-disciple, Gouvernant-gouverné, Parents-enfants, Epoux-épouses, Ami-ami. Chaque relation a ses devoirs de l'un envers l'autre.

La vie chrétienne ne trouve aucune difficulté pour vivre avec les traditions et les coutumes du pays. La nuit de " transition " et les premières heures de culte des ancêtres sont devenus la messe de minuit. Avec les valeurs de l'Evangile, il y a un travail en profondeur apportant à la vie du pays sa dimension spirituelle, un plus sans quoi, tout ce qui est beau, généreux pourrait glisser vers les dérapages du formalisme. La foi chrétienne a su changer en la fête de la Présentation, avec le Pape Vigile, au VIème siècle, la fête Proserpine où l'on mangeait des galettes de céréales en son honneur pour obtenir la fertilité de la terre. Elle saura donner une vraie place au christ au milieu des festivités qui se célèbrent dans tout l'immense continent de l'Extrême Orient.

D.L.