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7ème Dimanche de Pâques B
 
 
Actes des apôtres 1,15-17.20a.20c-26 - Jean 4,11-16 - Jean 17,11b-19
 
     
 
l'Absence
 
     
 
1er juin 2003
 
     
 

La vie humaine s'accroît, grandit avec les expériences des contacts et des relations qu'on a tissées au long des jours. Le passé mémorisé active le présent. Le présent accueille ce qui apparaît, ce qu'on voit, ce qu'on entend, ce qu'on peut toucher, goûter et sentir. On enrichit à chaque instant la mémoire de ce qu'on a en relation. L'esprit humain est doué de puissance de contact jusqu'à établir des dialogues avec le monde inerte. Et quand l'esprit de l'un rencontre l'esprit de l'autre, la relation quitte le monde matériel, s'inscrit dans le spirituel et va de cœur à cœur. On perçoit ce qu'est la présence, et l'amour est né.

Les gammes et les nuances dans nos relations à partir du mot " aimer " est d'une richesse qui va vers l'infini. On jure même que " l'éternité n'est pas de trop ". Du désir de posséder à celui d'être toujours présent à l'autre, l'amour trouve son sens plénier dans le désir de donner le meilleur de soi-même, dans l'attention à l'autre parce qu'il est tel qu'il est. L'amour se vit comme une présence à l'autre, un appel à la vie, une condition de sa propre existence. " Si tu n'existais pas, comment existerais-je ? " L'amour est une présence créatrice de relation. Elle devient une présence discrète, effacée, quand on sent le besoin de dépasser le monde sensible avec les critères visibles. La mère cherche à apprendre à son enfant à vivre loin de son visage. Elle l'initie peu à peu à une autre forme de présence aussi forte que lorsqu'il la voit, l'absence.

Les témoignages recueillis à chaque célébration dominicale depuis Pâques ne cessent de nous initier à un autre type de présence et de relation. Jésus est mort, et le voilà vivant. Il faut avoir beaucoup aimé pour retrouver sa présence à partir d'une telle absence qu'est la mort. A chaque rencontre après Pâques, Jésus les a initiés à sa nouvelle façon de présence qui va au-delà de l'absence.

Ce 7ème dimanche après Pâques, le premier après l'Ascension est marqué par l'absence et le silence. C'est admirable que la liturgie nous propose de célébrer cette absence et ce silence qui ne nous sont pas étrangers. Dans la vie, qui ne souffre pas d'une séparation, d'une absence?

Les apôtres ne voient plus leur Seigneur comme durant les quarante jours après Pâques. Résurrection ou Ascension veut dire entrer dans la vie en Dieu, vivre la vie de Dieu. Jésus ressuscité les a trouvés enfin assez forts, et les a laissés vivre normalement leur vie. Mais eux, ils ne pourront plus jamais oublier son visage de Ressuscité. Ils ont fait connaissance avec quelqu'un qui vient de très loin, de l'au-delà de la mort, de la vie en Dieu. Ils ont vu le mystère de Dieu sur son visage.

Ce Visage leur rappelle que le Royaume de Dieu est en eux. " Mon Père et moi nous y viendrons établir notre demeure. Moi en eux, toi en moi. ". Monter au ciel signifie alors entrer et demeurer dans l'amour, dans la racine de la vie. Avec Lui, le visible et l'invisible sont les aspects de la même vie en plénitude.

Il n'y a plus de différence entre proximité et éloignement, présence et absence, parole et silence. Cette perception de la vie est déjà possible à tous ceux qui essaient de vivre le silence, à tous ceux qui sont éprouvés par la vie, par la solitude. C'est le lieu commun de la condition humaine où croyant ou non croyant, pratiquant ou non pratiquant peuvent se rencontrer au-delà de toutes différences.

Nos parents étaient pour nous nos premiers grands maîtres de la vie intérieure. Et à notre tour, nous sommes aussi les maîtres de nos enfants. Ils connaissent très tôt l'épreuve de l'absence et ont besoin d'aide. La première éducation prodigue tous les signes de tendresse pour habituer l'enfant à regarder le monde qui, au départ, n'est autre que les visages de ses parents. Le père et la mère s'effacent peu à peu, laissant l'enfant grandir, découvrir son propre monde, au-delà de leur présence. Ils refusent d'être l'unique l'horizon de l'enfant.

Ainsi va toute relation véritable entre les hommes. Les gammes et les nuances de nos relations se trouvent enrichies dans les contacts multiples qu'offre la vie. On commence par l'échange des regards qui ne se quittent pas. L'échange se trouve un jour, face au mystère de l'autre, et ce mystère est sacré. Il arrive que nous ne sachions plus dire quelle est la relation qui nous relie aux autres. Jésus le sait. C'est l'Esprit.

Les expressions de nos relations forment le flux vital qui nous tient en vie, la vie de l'homme relationnel, l'homme spirituel en qui Dieu trouve sa demeure. L'Esprit est la Relation en Dieu. La Bonne Nouvelle que vient annoncer Jésus, nous assure de la Présence de son Esprit, comme le souffle de notre vie chrétienne. L'Esprit nous inspire et nous enseigne l'art de vivre en êtres de relations. L'Esprit donne la retouche nécessaire à l'image altérée de Dieu sur notre visage.
Le maître du Zen, de l'art de se concentrer, de retrouver son moi, libre et fort, n'enseigne pas autre chose à ses disciples. Si l'on a à passer des heures en position de lotus, c'est pour laisser le temps à l'esprit de chacun d'habiter tous les muscles de son corps, spécialement les muscles de son visage. Il paraît que nous avons autant de muscles sur notre visage que de nuances et d'expressions de notre état d'âme. Seul l'esprit par sa force de coordination et de maîtrise peut donner un visage de sérénité et de paix, le visage véritable de notre personne.

"Qui m'a vu a vu le Père" (Jean, XIV, 9) - Par sa vie au milieu de nous, celui qui n'est pas seulement le Verbe de Dieu mais son Image, donne à l'art de l'icône son inspiration : "Puisque l'Invisible, s'étant revêtu de la chair, est apparu visible, tu peux figurer la ressemblance de Celui qui s'est fait Théophanie" (saint Jean Damascène). L'art de l'icône fait apparaître la Transfiguration ultime de l'humanité: le Corps du Christ et son visage comme le lieu d'une perpétuelle Pentecôte. Il rappelle aussi que tout homme est l'icône de Dieu.

Dans l'absence apparente du Visage qui exprime le mystère de Dieu, l'humanité tend vers la vérité dans laquelle Jésus veut la consacrer. Dans l'évangile de Jean, le mot " vérité " revient 25 fois. Consacrer les hommes dans la vérité est la manifestation du projet de Dieu : Les maintenir dans l'espace sacré de sa Vie. Alors " l'Esprit et l'Épouse disent : Viens ! "
D.L.