Le pouvoir etle service

L'Evangile suit l'itinéraire de Jésus et de ses disciples à travers la Galilée, incognito. Jésus veut s'occuper de plus près de ses disciples. Il les interroge, les observe, cherchant à leur dire ce qui doit être déconcertant pour eux, mais qui les initie au sens de Dieu, à son projet. C'est la deuxième fois qu'il parle de sa mort, de sa fin tragique. Il y a de quoi saper le moral de tous ceux-là même qui ont tout quitté pour le suivre.

Pierre a déjà réagi violemment en le prenant à part. Il a reproché à son Maître de se laisser manipuler par les fausses informations qui courent, les rumeurs. Rien n'est encore inévitable. C'est impossible que lui, le Maître, parle avec ce langage de résigné alors que lui, le disciple, a des idées pour réussir, construire l'avenir.

Que le Maître se fâche contre ses idées, le regardant même comme Satan, Pierre ne semble pas très impressionné par ce rappel de son Maître, il continue à marcher à sa suite, en gardant ses idées à lui. Il faut qu'il prenne soin de son maître même si celui-ci est en train de prêcher le renoncement à soi-même, et la croix à porter.

On le voit discutant avec ses collègues, en chemin, laissant le Maître parler seul de sa prochaine mort. Aucun d'entre eux ne paraît perturbé par cette seconde annonce. Leur souci est ailleurs: comment accéder au pouvoir ? C'est la préoccupation d'actualité : ils se querellent pour savoir qui est le plus grand !

Grâce à leur dispute, on peut mieux saisir le souci du Maître. C'est l'enseignement adressé à un moment saisi sur le vif, là où ils doivent comprendre, là où Le Maître est incontournable. Quand on est à la première place, c'est pour aller à la place de ceux qui sont les derniers.
Tout pouvoir, toute autorité est un service. Il doit être une gratuité comme celle qui permet à certains d'être les premiers, d'être au pouvoir. Cet enseignement, il le vit comme une mission, avant de le donner à ses disciples. Il se met à la dernière place pour pouvoir se trouver dans les plus petits, les plus démunis de la terre. Tout se passe comme si la mort et la passion n'étaient pas importantes pour lui.

Rester à la dernière place est le seul moyen pour que désormais aucun de ceux qui sont à la dernière place ne soient oubliés. Cette mission, lui seul peut la réaliser à la perfection. Il reste pour le monde jusqu'à la fin des temps la nouveauté absolue. Il suffit de le regarder, de le suivre, de vivre comme lui pour se retrouver dans la nouveauté la plus originale aux yeux du monde.

Denis LUONG