LE DESERT
La liturgie nous a fait découvrir la vie de Jésus à partir
de la lumière que Jésus a reçue de son Père : "
Tu es mon Bien Aimé, en Toi, j'ai mis toute ma complaisance. " C'est
en tant que Fils aimé de Dieu qu'il a commencé à enseigner.
Nous avons retenu qu'enseigner pour lui c'est guérir.
Nous sommes amenés
aujourd'hui à entrer dans ce grand temps que l'Eglise a voulu aménager
pour nous faire suivre les dernières étapes de la vie de Jésus.
" Le Carême est le temps d'une " thérapie du cœur. "
C'est une invitation à prendre du recul pour se recentrer sur l'essentiel
et, par la prière, le partage, le jeûne, réveiller en soi
la faim de Dieu
La première lecture nous replace dans le premier temps
de l'Alliance. On peut d'abord apprécier ce premier logo qui se dessine
dans le ciel, multicolore arc en ciel, qui dit le désir de Dieu de se mêler
des affaires des hommes. Il prendra soin de restaurer les dégradations
chaque fois qu'il y en aura dans l'univers. L'homme est invité à
prendre soin de la nature qui lui a fourni tant de bonnes choses pour son bonheur
de vivre.
L'homme et le cosmos sont repris dans la même sollicitude
de Dieu. Mais on voit ici la trace de la volonté de l'homme de prendre
Dieu comme l'assureur de sa sécurité. Il faudrait qu'il n'y ait
plus de fléaux naturels. Alors que l'Alliance que Dieu propose est d'un
autre ordre. L'homme a à apprendre lui-même comment vivre dans son
milieu, comment prévoir et se prémunir contre les fantaisies de
la nature.
Le portrait de Jésus, Fils de Dieu, poussé par
l'Esprit au désert, tenté par Satan, nous replace dans la vraie
position de l'homme face à l'Eternel. Sans entrer dans les détails
des trois tentations types, durant son séjour dans le désert, comme
le font St Matthieu et St Luc, St Marc nous montre l'aspect plus concret de la
tentation de Jésus. On se plaint parfois de nos jours d'être obligé
de vivre dans une tentation permanente. Mais toute la vie de Jésus a été
une longue tentation.
Jésus vit dans une époque très
perturbée. Le pays est occupé par les Romains : Collaborateurs et
résistants s'opposent et chacun veut attirer Jésus dans son camp.
Au plan religieux, on vit une période d'attente d'un messie glorieux qui
va rétablir le pouvoir d'Israël.
On a voulu un jour,
faire de Jésus un roi, lui évitant ainsi de passer par la mort violente.
Les groupes s'affrontent. Pharisiens, sadducéens s'approchent de lui pour
" le tenter " en lui posant des questions pour le disqualifier. Ses
disciples eux-mêmes, ne comprenant rien à son enseignement, veulent
le détourner de sa voie tragique.
C'est au long d'une vie parsemée
de toutes sortes de tentation que Jésus nous enseigne à vivre la
priorité du service de Dieu. Le premier dimanche est la première
étape du cheminement vers la Pâque, Jésus nous met avec lui
dans l'environnement originel de l'homme religieux: le Désert. Toute la
Tradition biblique a considéré le désert comme le lieu des
premières amours de Dieu et de son Peuple. Le désert entre dans
la racine même de la langue hébraïque, dans sa façon
de penser les choses, le monde, l'au-delà du monde.
Le désert
se dit en hébreu " Mid-Bar ", c'est " le hors de, "
le " à partir de la parole, ", le lieu vide de parole, le champ
premier du monde, le tohu-bohu, où tout est encore à l'état
informe. A partir de ce lieu absent de parole, donc de vie, que la Parole se fait
entendre, appelle chaque chose à son existence, chacune par son nom. Le
désert devient le lieu de la plénitude première. Le Désert
va de la voix au réel. Et ce passage de Dieu, ce déplacement de
lui-même à quelque chose d'autre que lui-même, mais qui dépend
totalement de lui pour exister, ce flux de vie, c'est son souffle, ruah, "
son souffle qui plane sur la face des eaux. " Dans le désert, sa voix
créatrice attire vers la plénitude de son être la vie et l'amour
pour les créatures. Il dit " que la lumière soit, et la lumière
fut. "
Avec le Christ " poussé par l'Esprit au désert
", nous sommes revenus au moment de la genèse, merveilleusement représenté
par l'immensité du désert. C'est au désert de ruine provoqué
par les hommes que le flux de vie souffle de nouveau, et le feu va reprendre.
Ce sera la re-création, ou mieux encore, la Résurrection que nous
trouverons au bout de ce temps de Carême.
Denis.LUONG.