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2ème dimanche de Carême B}
 
 
Genèse22, 1…8 - Romains 8,31b-34 -Marc 9,2-10
 
   
 
Son visage resplendit " comme le soleil".
 
   
 
12 mars 2006
 
   
 


Sa face resplendit " comme le soleil ".


Le mal ne cesse de transformer notre monde en un immense désert. Le vide du désert inspire plutôt la cacophonie des voix de haine, de violence, de mensonge, de menace, d'injure, de toutes les gammes de sentiments que suscite la logique de la guerre, le désir d'éliminer l'autre, les autres. Jésus est entré dans ce désert et le désert a fleuri. L'immense désert sans vie cesse de pleurer pour n'avoir pas la fertilité de la plaine.

L'actualité du temps de Carême ne tarde pas à se montrer à notre monde, dans son dynamisme comme souffle régénérant de la Parole de Dieu, Jésus ne combat pas le mal par la guerre. Elle est toujours une défaite de l'humanité qui ne se reconnaît plus.


Pour tuer, il faut commencer par rendre anonymes les visages à proscrire. La guerre enlève à l'humanité son visage humain, que l'Evangile de la Transfiguration nous fait découvrir, capable de révéler le visage de Dieu. L'expérience de Jésus au désert montre là où gît l'axe du mal. Il est dans le cœur de l'homme qui se laisse convaincre qu'il peut décider lui-même du bien et du mal. " Vos yeux s'ouvriront , dit le serpent, et vous serez comme des dieux possédant la connaissance de ce qui est bon ou mauvais. "

Il est écrit qu'après avoir jeûné, il eut faim. Privation, faim, désir, fantasme, frustration, sont des réalités qui appellent la psychologie des profondeurs. Ce sont des ingrédients psychiques qui poussent à la recherche de soi-même. Jésus porte en lui la condition humaine. L'Evangile nous révèle sa personnalité tout habitée par la présence de son Père. Une psychanalyse qui respecte les données de l'Evangile ne peut que constater que son intérieur n'a jamais été vide. La Parole du Père est sa nourriture. Il n'a pas à assouvir sa faim, à se servir lui-même en premier. Pour sortir d'une situation critique, il n'a pas besoin de se procurer du pain à partir des cailloux. Il est la Parole qui nourrit et qui guérit.

La transfiguration de Jésus se fait à l'écoute de son Père. Elle est le moment suprême de la relation interpersonnelle avec son Père, avec Moïse et Elie qui témoignent de sa venue. Par la Loi et les Prophètes, Jésus est la continuité de la relation de Dieu avec son peuple dans l'histoire.


La Présence de Dieu et de l'homme rayonne dans toute sa splendeur en la personne de Jésus Christ. Ce rayonnement fait dire que l'Evangile est une civilisation du visage. " Chaque visage est le Sinaï d'où procède la voix qui interdit le meurtre. Mais, avant de m'interdire quoi que ce soit, le visage de l'autre me requiert ; il me demande de l'aimer comme moi-même. La relation est ainsi parfaitement réversible : …celui qui dit " je " se sait interpellé par un autre comme " tu " et réciproquement. C'est pourquoi on peut partir soit du tu, soit du je, dans la mesure où le tu est un autre moi-même : comme moi, tu dis " je ".

Dans les langues qui n'ont pas de mot pour dire ce qu'est la présence ou l'être, comme le chinois ou le vietnamien, on se débrouille pour le dire quand même, en utilisant le verbe avoir en intransitif. Être veut dire alors avoir, sans rien avoir d'autre qu'avoir. Présence veut dire " avoir le visage " là où l'on doit être. Le visage est la sensation même de la présence. La présence se laisse voir sur le visage.

On n'aperçoit vraiment le visage de l'autre que quand on écoute ce dont ce visage parle. On sent la tentation que Pierre a eu de majorer l'expérience qu'il a faite en voyant les vêtements de Jésus " devenir resplendissants, d'une blancheur telle que personne sur terre ne peut obtenir une blancheur pareille. "

L'Evangile ne minimise pas l'expérience des disciples, il souligne la rencontre avec Dieu à l'écoute de voix. " Celui-ci est mon Fils bien-aimé. Ecoutez-le. " La primauté de l'ouïe sur la vue est un facteur constant de toute la révélation biblique.

Nous sommes appelés nous aussi à être transformés à l'image du Christ. La voie de la transformation, pour nous comme pour Jésus, c'est la voie de l'écoute. " Shema Israël ". Il est bon d'écouter cet Evangile qui rappelle la gloire de Jésus, et la dignité de l'homme, de tous ceux et celles que nous rencontrons. " La plus grande de toutes les visions est de voir le Christ dans nos frères. " L'éloge du regard est sa transformation en regard de Dieu. En Jésus, Dieu s'est vraiment immergé dans les joies et les drames de l'humanité.

Le problème de l'homme aujourd'hui, notre problème, est moins sa divinisation que son humanisation. A nous de faire comme Dieu l'a fait, devenir homme dans toute sa splendeur avec le visage qui révèle le visage du Dieu invisible. Il faut dire à notre monde cette grande vérité sur Dieu qui ouvre sa porte à toute l'humanité, qui fait entrer chacun et chacune dans le partage de sa gloire, autant dire le partage de sa vie, de son amour, de son cœur. Nous sommes invités à accompagner les futurs baptisés dans cette longue et lente transfiguration que doit être le Carême.

Denis LUONG