NOËL

Sous quelque ciel qu'ils soient, les hommes sont unanimes à reconnaître dans chaque enfant qui vient au monde, une lueur d'espoir et d'avenir que jusqu'ici, ils n'arrivent pas à avoir ni à réaliser. L'enfant est la continuité de la vie de l'homme. Il est un peu comme son éternité dans ce monde. L'enfant est le rêve que chacun porte en soi.

L'Enfant que la Bible et l'Evangile annoncent au monde est plus qu'un signe ou un symbole. Tout tourne autour de l'Enfant et pour l'Enfant. Il a pour nom : Conseiller merveilleux, Dieu fort, Père éternel, Prince de la Paix. L'Evangile de ce jour le proclame comme la Parole créatrice, le Verbe de Dieu. Plus qu'un simple son vocal, Il est pour nous comme le Frémissement du Mystère de Dieu. C'est l'Echo qui va en s'amplifiant dans le désert de notre monde pour nous faire vibrer de la présence de Dieu. Dans l'enfant, tout est caché comme dans un mystère.

Vibration lumineuse ou vibration sonore, Le Verbe se fait entendre à ceux dont le cœur est un désert. Même un enfant peut s'apercevoir qu'il y a quelqu'un qui parle à son intérieur. La Parole, en hébreu se dit " Davar " et le désert, Midbar, le lieu " hors de la parole ". Le désert est conçu comme le lieu matriciel pour recevoir la Parole. Le désert va de la voix au réel. Dans le désert surgit le monde. Et ce passage de Dieu, ce déplacement de Lui-même à l'autre-lui-même, le monde, c'est son Souffle, le Ruah, son Souffle qui plane sur la face des eaux, l'Esprit de Dieu.

Le désert est le vide auquel Dieu aspire dans la plénitude de son Etre par sa Parole créatrice. Il dit : " que la lumière soit, et la lumière fut. " Le secret de toutes choses est dans la vibration lumineuse de la voix, cette voix qui parcourt le désert à la recherche de l'aimé : " Fille de Jérusalem, ne réveille pas l'amour avant qu'il ne le veuille. " Il y a un temps pour l'attente, et un temps pour l'amour. "

Noël est l'histoire de la Parole de Dieu qui se fait Enfant, le "non-parlant ", in-fans, la Parole qui ne fait pas de bruit. Née d'une mère que l'Esprit de Dieu a couverte de son ombre, elle fait fleurir le désert. Un rejeton poussera de la vieille souche de Jessé, proclame Isaïe. L'avenir du désert est un verger en fleur. Avez-vous entendu autour de vous le gémissement des déserts ?

Désert de l'absence de culture, humaine, religieuse, désert de la mémoire où l'homme n'a aucun repère pour savoir d'où il vient et où il va. Il se croit une évidence venue de nulle part.

Et les déserts pleurent de n'être pas des plaines fertiles. Ce sont aussi les pleurs des enfants comme des grands qui ont peur du vide et du silence. Maintenant que la Parole est là, sa présence rassure et guérit tout vertige. Les étendues désertes du coeur de l'homme vont être appelées à connaître la joie et les collines de nos déserts à bondir de danses.

Aujourd'hui, dans le Mystère de Noël, il nous est donné de réaliser que le silence est la plénitude de la Présence et que le désert est le lieu où la voix de Dieu met en travail notre moi intérieur pour qu'il soit pénétré de Présence, d'Amour et de Louange, grâce au Verbe de Dieu qui se fait Enfant de notre race.

C'est à ce niveau de présence que les ambiguïtés de nos fêtes seront dissipées. Il n'y aura plus de nostalgie pour les féeries que nous aurions dû avoir. Comment désirer encore autre chose quand on a vu une mère qui enfante dans le dénuement ?

Toutes les mères savent combien nécessite la mise au monde d'un enfant. Quel genre de festivité à célébrer quand on voit la situation de ce jeune père qui ne savait plus comment donner un peu de confort à sa femme et son petit enfant couché dans une mangeoire ? A-t-il vraiment entendu les anges qui chantent dans les campagnes ! Est-il plutôt en train de réaliser la paternité qui naît dans son coeur avec l'arrivée insolite de l'enfant ?

La fête de Noël nous interpelle comme les jeunes parents qui viennent d'avoir un enfant. Que pouvons-nous faire pour que l'enfant qui grandit ne connaisse pas l'amertume ou le bémol de l'évangile d'aujourd'hui ? " Il est venu chez les siens mais les siens ne l'ont pas reçu." Ou plus tard, il devra se plaindre : " J'ai joué de la flûte et vous n'avez pas dansé. "

Denis LUONG