Voir et croire.
Au huitième jour de la fête de Pâques, l'évangile de
St Jean nous fait revenir au soir du premier jour de la semaine, après
le récit du tombeau vide, et la première rencontre de Jésus
ressuscité avec Marie de Magdala.
Jésus retrouve ce soir là,
tous les disciples, sauf Thomas. C'est tout naturel qu'on se sent plus proche
de Thomas qui demande de voir pour croire.
Pourtant, dans nos relations humaines,
même hors de tout contexte religieux, il nous arrive de croire à
l'autre sans autre exigence que la valeur de la personne de l'autre. C'est le
cas des douze récits de l'Evangile de la Résurrection. La personne
de Jésus Ressuscité qu'ils ont rencontré est telle qu'ils
ont besoin de nous dire comment il leur est arrivé de le retrouver vivant.
C'est le même Jésus qu'ils ont connu. On peut le discerner à
son accent, à son visage, à ses manières, à
ses gestes. Ce n'est pas un fantôme, ni un "esprit ". On le voit,
on le touche, on peut le palper. mettre le doigt dans son flanc percé.
Il est le même. Les quatre évangiles nous établissent des
constats habituels d'identité
Jésus est là, comme au
paravent, discret, prévenant, respectueux des consciences, lent à
se découvrir, plein de tendresse. Mais il est aussi ferme, sévère,
affirmatif, presque dur. Il continue à appeler, à consoler, à
faire pour ses proches des faits pleins de signification. Il reste l'ami de tous,
mais il a comme jadis, des amitiés privilégiées
On retrouve
cette même manière d'enseigner, avec du non-dits et des répétitions.
Il a les mêmes attitudes, comme celle de lever les yeux en rompant le pain.
Mais il a aussi quelque chose de changé. Le Christ Ressuscité n'est
plus limité dans cet univers qui nous entoure, l'espace, le temps, la matière.
Les apôtres ont fait déjà une expérience de cet état
transcosmique du Christ lors de la Transfiguration.
C'est le choc, l'intuition,
l'expérience de la Résurrection. Jésus ne retourne pas à
la vie. Il est dans la souveraineté de Dieu sur l'esprit et le corps. Il
est la " Gloire ", attribut dans lequel, aux yeux des Juifs, Dieu réside.
Il est le " Seigneur ". Jésus de Nazareth ressuscité vit
maintenant la vie de Dieu. Il est le Mystère de Dieu. En le voyant après
la fête de Pâques, les apôtres voient le Mystère de Dieu
à travers le visage du Christ Ressuscité.
Ce temps de Pâques
est le temps unique de l'histoire humaine où il a été donné
de voir l'Homme qui vit comme l'Eternel. L'Evangile de la Résurrection
a l'ambition et la possibilité de nous communiquer la grâce de voir
Dieu. Au fond du cœur de l'homme un espace de silence qu'il ne peut décrire.
C'est la part que Dieu se réserve pour Lui-même dans notre vie. Elle
est aussi protégée et gardée par Dieu que le silence d'un
ermite. Cette solitude intérieure est un poids, un désarroi, une
angoisse qui pèse sur nous jusqu'au jour où nous découvrons
que ce coin de solitude est la réserve de Dieu dans notre vie.
La grâce
de la Résurrection du Christ pour chacun de nous, maintenant, dans l'immédiat,
c'est de découvrir avec le Christ que nous avons un espace intérieur
où il est possible de voir Dieu qui vient à notre rencontre. D.L.