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5ème
dimanche de Carême.
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Is
43, 16-21
Ph 3, 8-14 Jn 8, 1-11 |
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La misère,
la solitude et la miséricorde.
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29 mars 98
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Comment se fait-il qu'une histoire aussi invraisemblable que scabreuse, celle de la femme prise "en flagrant délit " soit comme la "lectio divina" de l'Euchariste, la liturgie de la Parole dans le Mémorial de la mort et de la Résurrection du Christ ? En quoi ce récit peut-il nous introduire à la Présence du Seigneur ? Même si l’on en a assez d’écouter encore l’histoire de sexe et de mensonge, et qu’on est indigné de voir les gens "faire avancer" cette femme devant Jésus, comme dit le texte, on a à réaliser que l'annonce de l'Evangile se fait à travers cette histoire. Elle sera liée à jamais aux récits de la vie de Jésus. Et de quelle manière ? En dix phrases, Jésus est mentionné 22 fois : onze fois avec la 3ème personne, il, le, lui ; 2 fois avec la 2ème personne, toi, tu ; deux fois avec la 1ère personne, je, moi ; et cinq fois avec son nom propre : Jésus. On se demande si le premier qui s'est senti blessé dans sa pudeur à propos de cette affaire, n'est-il pas d’abord lui ? Il a à peine trente trois ans. Sa première réaction que l'évangile de St Jean a retenue pour nous c'est "qu’il s'était baissé". C'est comme s'il voulait éviter de voir cette femme ainsi malmenée, ou du moins, de regarder ses provocateurs. Comment les gens en sont-ils arrivés à prendre la femme en flagrant délit, en particulier les scribes et les pharisiens qui se sont montrés comme des vigiles ? Comment ont-ils osé étaler cela en public, comment ont-ils pu changer ce cas douloureux en une sorte d'otage pour alimenter le conflit qu'ils ont essayé de fomenter entre Jésus et leur groupe ? On se demande encore, si ce n'est pas un peu à cause de lui que cette femme est ainsi maltraitée ? L'évangile n'a pas cessé un instant de poser son regard sur Jésus qui reste toujours là, penché sur le sol. Par deux fois il nous dit qu'il s'était baissé. Il n'a même pas vu les gens, les uns après les autres le quitter inopinément. Et il n'y a pas seulement les gens qui ont quitté cette scène qu'ils viennent de créer. Il y a aussi cette ambiance malsaine qui est complètement dissipée. Jésus et la femme. Deux solitudes. Ce n'est pas seulement la femme qui est au banc des accusés. Jésus qu'ils appellent, Maître, est au centre de ce cercle des maudits. Aussi, par deux fois, est-il écrit qu’il se redressa. La misère et la miséricorde se sont rencontrées pour nous donner enfin cette dignité et cette sérénité qu’on trouve à la fin. On peut maintenant voir le regard de Jésus posé sur la femme bafouée pour lui demander : "Femme, où sont-ils donc" ? La miséricorde va jusqu'à cette délicatesse de faire dire à cette femme ce qu'elle n'aurait pas pu attendre. "Personne ne t'a condamnée ?" "Personne, Seigneur." Comme ses accusateurs et la foule qui les a suivis, tous ils ont reçu comme une grâce de lucidité, qui leur fait penser à "la paille et la poutre". La femme se sent envahie par la grâce de l’amour. Jésus lui a rendu sa dignité, son avenir. Le pardon est un geste d’estime et de confiance qui réhabilite. Comment ne pas rapprocher ici l’image du père de l’enfant prodigue et Jésus face à la femme de l’évangile d’aujourd’hui ? Qu'est devenue la femme adultère après cette péripétie inoubliable? L'Evangile ne nous le dit pas. Mais la réponse, nous pouvons la dire nous-mêmes : cette femme n'est-elle pas notre communauté humaine ? Le cœur des hommes est ailleurs, alors que Jésus, lui, est toujours là. L'Eucharistie nous apprend à revenir à nous-mêmes pour être enfin avec "l'Autre", les autres. D.L. |
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