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Le Christ, Roi de l’univers, Année C
 
 
II Samuel 5,1-3 - Colossiens 1,12-20 - Luc 23,35-43 
 
     
 
Jésus, le très bas, la voie royale de Dieu.
 
     
 
22 novembre 98
 
     
 

"  Nous accepter différents, fils et filles du même Père. " Les dernières phrases de l’évangile nous emmènent au sommet de ce que cette acception peut être vécue. Le " Toi et Moi " de la dernière parole du troisième crucifié est le rapprochement des deux extrêmes à un niveau d’intimité qui n’existe que dans un monde nouveau. Rien désormais, même la mort, ne pourra les séparer l’un de l’autre. " Souviens-toi de moi… " "Aujourd’hui, tu seras avec moi… "

Il est bon de commencer ainsi à partir de la fin pour remonter à l’idée de royauté qu’on veut attribuer à Jésus. Au sommet de l’année liturgique, en ce dernier dimanche du temps ordinaire, l’Eglise veut célébrer le Christ, Roi de l’univers, pour rappeler que notre liturgie, la prière officielle de l’Eglise est Jésus lui-même. L’approfondissement de l’Evangile a rendu caduque certaine nostalgie dans l’initiative d’instituer cette fête.

Les rêves de faste et de puissance donnés à toutes les royautés de ce monde ont atteint les limites de ce qu’il y a de beauté et de richesse que les hommes ont voulu réserver à leurs rois. Nos musées, nos châteaux montrent ce que veut dire le qualificatif royal. Ce sont des acquis culturels durement payés par tant de générations vouées au culte de la royauté.

Si la qualité de ces acquis a maintenant des valeurs universelles, éternelles, la mission de la royauté n’a pas été vécue au même niveau de valeurs culturelles qu’on lui réservait. Où trouver à l’heure actuelle le roi qui est "le pasteur de son peuple ", selon le cœur de Dieu, comme dit le livre de Samuel ?

Il faut le génie d’un St Luc pour faire découvrir la vraie royauté de Jésus. Pour lui, la parution de Jésus devant Pilate et sa condamnation à la mort en croix est un procès civil et une révélation paradoxale de sa royauté. Et il s’ingénie à démontrer par l’absurdité, le gouffre qui sépare l’identité et le comportement royal de Jésus.

Il a fait défiler une foule de tout genre devant Jésus agonisant entre deux condamnés de droit commun. Et il commence par noter avec soin les réactions de chacun présent à cette scène d’horreur. Il y a d’abord des gens d’autorité qui ricanent devant ce roi réduit à rien, les mains et les pieds crucifiés. Le prétendu messie ne peut plus bouger, ni parler puisqu’il va être envoyé bientôt " ad patrem ". Il y a des gens soldatesques, des agents de service public, des gardiens de paix ; chacun y va de ses sarcasmes grossiers en voyant la pancarte : " Celui-ci est le roi des Juifs. "

Le plus cynique des défis vient de ce bandit crucifié à son côté : " Sauve-toi donc, et nous avec ! " Aucun de tous ces ricaneurs n’a soupçonné qu’il contribuait à nous faire découvrir la royauté de Jésus. Jésus qui se tait devant les insultes est ce Jésus qui a refusé dans le désert, d’user de la puissance pour servir lui-même. Sa puissance est celle de Dieu qui a donné la liberté à l’homme. En respectant ce don de liberté, sa puissance est d’accepter certaine impuissance dans ce monde.

L’impuissance apparente de Dieu ne cesse de montrer à travers lui comment elle peut combler les abîmes infranchissables du mal, de la haine, de la mort. Elle est autrement puissante. C’est l’amour qui peut tout renouveler, tout recréer avec le consentement de l’homme. C’est Amour, Rédemption. "  Aujourd’hui, tu seras avec moi… " 

La vie de l’Eglise est faite de la présence de cette impuissance de Dieu. Dans ses conférences à Notre Dame de Paris, Jésus-Christ ou rien, le Père Bro raconte cette histoire folle qui est arrivée à Dachau. "  A la fin de 1944, la baraque des prêtres est témoin d’une cérémonie incroyable. Un séminariste allemand, déjà diacre, se consume de tuberculose. Quelques prêtres de ses amis conçoivent ce rêve fou : organiser son ordination sacerdotale avant qu’il ne meure. Il y a là l’évêque de Clermont-Ferrand, déporté lui aussi.

Et ce qui est fou s’organise. Et la nuit de 18 décembre 1944, le dimanche de "gaudete " en cachette de SS, c’est la messe pontificale dans la baraque. Mgr Piguet a mis ses prétendus habits d’évêque sur sa tenue de déporté et il ordonne prêtre Karl Leisner. Pendant la cérémonie, un déporté joue du violon pour qu’on ne s’aperçoive de rien. L’abbé célèbre en secret sa première messe, qui est sa dernière. Quelques jours après, il meurt. Sur son journal, juste avant de mourir, il avait écrit : " Amour, expiation. "

Quel symbole : le dimanche de la joie, un évêque français ordonne un séminariste allemand dans le camp de mort pendant qu’un juif joue du violon. Il nous révèle le geste souverain de Dieu qui se rit des limites que les hommes prétendent lui fixer. Elle nous interdit de jamais désespérer de qui que ce soit. Elle nous ouvre au monde de demain que la mort ne saurait nous cacher.

Jésus, le très bas, est la voie royale de l’amour plus puissant que la déchéance et l’horreur dans notre vie. Il est le passeur qui " nous arrache au pouvoir des ténèbres, qui nous fait entrer dans le royaume du Fils bien aimé. " Il n’est pas ordonné par les hommes de l’appareil du temple. Le Verbe de Dieu, devenu chair en lui, est l’onction qui le fait l’Oint de Dieu, le seul Prêtre, l’origine de tout sacerdoce. L’usage usé et le déficit du mot Roi nous révèlent la vraie identité de Jésus. Il est le Fils du Père. Par lui, nous sommes tous, fils et filles de Dieu.

D.L.