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2ème dimanche de Carême C
 
 
Genèse 15,5-12.17-18 Psaume 26 Philippiens 3,17 à 4,1 Luc 9,28-36
 
     
 
Arrêt sur l'image :
Son visage apparut tout autre.
 
     
 
11 Mars 2001
 
     
 

Pourquoi nous raconter cet événement unique qui fait voir Jésus dans toute sa splendeur du Fils de Dieu et nous dire en même temps que les trois disciples privilégiés, choisis comme témoins, étaient accablés de sommeil ? On ne sait plus qui est en train de nous raconter l'événement. Jésus priait. Son visage apparut tout autre. Là où l'on aimerait un arrêt sur l'image, le regard est porté déjà sur les vêtements. Ils sont d'une blancheur fulgurante. " Il n'est foulon sur cette terre qui puisse ainsi blanchir ". Enfin, se réveillant, ils virent la gloire de Jésus.

Peut-être l'authenticité du récit tient-il de l'appréhension même de ceux qui étaient là devant Jésus plus rayonnant qu'il ne sera à la résurrection. Jésus ressuscité n'est jamais apparu avec un visage rayonné de lumière comme ils ont l'occasion unique de le voir. Ici, Jésus se présente tel qu'il est dans le Père et ils n'ont pas pris le temps de le regarder. La peur pourrait être aussi la pudeur qui ne cherche pas à regarder l'autre dans les yeux. On peut connaître l'autre par l'ambiance qu'il crée autour de lui, par ses vêtements, par tout ce qui est autour. Aussi sobre soit-il, le récit donne assez d'éléments pour faire l'arrêt sur l'image que nous cherchons.

St Luc nous montre Jésus au cours de sa transfiguration comme l'homme qui prie. Les évangiles mentionnent quinze fois que Jésus est en prière. On en relève onze récits dans l'évangile de St Luc. Il est le seul à préciser que Jésus gravit la montagne pour prier et que la transfiguration se produisit au cours de cette prière.

A vrai dire, le mot "transfigurer" ne figure pas dans le récit. C'est pour les non-juifs que St Luc a voulu écrire son évangile. Il évite tout langage qui pourrait rappeler encore les mythes des dieux qui se métamorphosent en des êtres différents. St Luc écrit plutôt : "L'aspect de son visage apparut tout autre." C'est une expérience qu'on peut avoir devant quelqu'un qui prie.

Prier, c'est se mettre devant la Présence de l'Autre. Quand on prie, on veut être présent à l'Autre. L'Autre se laisse voir sur le visage de celui qui prie. C'est la réponse immédiate. Sur tout son être rayonne la Présence. Un rayonnement de dépouillement et de transparence fait voir l'invisible. Que doit-on dire alors du visage du Christ en prière ? " Ils virent la gloire de Jésus. "

Notre souci est de garder le regard fixé sur la gloire de Jésus. Nous cherchons à voir et non pas à connaître pourquoi " le visage de Jésus apparut tout autre ". Le mot " Gloire " utilisé dans toute la Bible permet d'expliciter ce que les trois disciples ont vu et que nous cherchons. Ils cachent leur expérience et leur sentiment dans le contenu même de ce mot.

La " Gloire " est le mot clé, lié au mystère de Dieu que la Bible a la mission de révéler. Voir la Gloire de Yahweh ( kabod, Kabod) signifie voir Dieu lui-même en sa majesté, en son état de Dieu, en son milieu divin. Moïse priait au Sinaï : " Fais-moi, de grâce, voir ta gloire ! " De l'avoir approchée dans la nuée, Moïse revient " la peau du visage rayonnant d'une telle gloire que les enfants d'Israël ne pouvaient le regarder fixement. " On se souvient d'Isaïe qui réveille Jérusalem : " Debout ! Rayonne ! Car voici ta lumière, et sur toi se lève la gloire de Yahweh. "

Le Nouveau Testament relie la " Gloire " ( doxa, doxa ) à la personne de Jésus. La gloire de Dieu est tout entière présente en lui. Fils de Dieu, il est " le resplendissement de sa gloire, de son effigie. (He. 1,3) La gloire de Dieu est sur " sa face " (2 Co. 4,6) ; de lui elle rayonne sur les hommes. Il est le " Seigneur de la gloire ". (1Co.2,8)

Pierre, Jean, Jacques l'ont vu. S'ils n'arrivent pas à tout dire ce qu'ils ont vu, la présence de Moïse et d'Isaïe évoquent ce que doit être Jésus à leurs yeux. Moïse représente la lignée de la Loi, Isaïe, celle des Prophètes. Ecritures et Parole sont les deux forces qui façonnent le peuple de Dieu et qui le conduisent à voir la gloire de Dieu en Jésus. Si nous alignons tous les 290 mots " gloire " dans l'Ancien Testament avec leur contexte, et les 151 mots " gloire " dans le Nouveau Testament, nous aurons une idée adéquate de ce que le langage humain peut dire sur la gloire de Jésus que les trois apôtres ont vue.

Les éléments de cosmologie présents dans la théophanie de l'Ancien Testament font place à la luminosité sereine de la Gloire de Dieu sur le visage du Christ. La lumière est ici comme le mystère où Dieu se révèle, dans une réalité jusque là jamais vue, imprévue, irréalisable sur terre. Dans l'histoire de la rencontre avec le divin, Pierre, Jean et Jacques sont les premiers qui pénètrent dans la dimension incommensurable de Jésus. Ils vont jusqu'à cette profondeur cachée où l'humanité procède d'une source lumineuse sans équivalent. Ce qu'ils voient c'est " l'ailleurs " de l'homme, l'homme dans sa promotion ultime, l'homme qui vit la vie en Dieu, dans sa Gloire. Puisqu'il y est, Pierre pense à la tente, la " Tente de la Rencontre ", le lieu où habite Dieu avec son peuple. Il s'efforce de bloquer cet instant de lumière : que cet instant dure, s'éternise, qu'on y reste.

Malgré le désir de Pierre, la lumière qui dévoile la véritable identité de Jésus est soudain prise dans une nuée. Mais il est encore dans le milieu traditionnel de la manifestation de Dieu. De la vision, il passe à l'écoute. La Gloire se diffuse en Parole. " Celui-ci est mon Fils bien-aimé, écoutez-le ".

Le Fils bien-aimé a parlé. Le chemin de la passion est le chemin de la gloire, comme il dit à son Père. " Père, l'heure est venue, glorifie ton Fils afin que ton Fils te glorifie ". Dans tout ce qu'il enseigne, dans tout ce qu'il fait, il désire que ses disciples voient, contemplent à découvert La gloire qu'il a reçue du Père. En la voyant, la contemplant, ils ne peuvent pas ne pas s'associer à la Gloire de Dieu.

Cette Gloire de Dieu, la " doxa, doxa" était incommunicable dans l'Ancien Testament, Jésus la fait participer à ses disciples. " Je leur ai donné la gloire ( dexwxa) que tu m'as donnée, afin qu'ils soient un comme nous sommes un. " En restant dans la Gloire de Dieu , Doxa, doxa, donnée par son Verbe, Logos, nous sommes la Doxologie, la Louange de la Gloire de Dieu . " Car le Dieu qui a dit : que la lumière brille au milieu des ténèbres, c'est lui-même qui a brillé dans nos cœurs pour faire resplendir la connaissance de sa Gloire qui rayonne sur le visage du Christ. " 2 Cor. 4,6.

D.L.