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4ème Dimanche de Carême C
 
 
Josué5,9-12 - 2Corinthiens 5,17-21 - Luc 15, 1-3;11-32
 
     
 
Le Père de myriade de fils et de filles
 
     
 
25 mars 2001
 
     
 

Ainsi, l'indignation des pharisiens de se voir accueillis avec les personnes qu'ils appellent les pécheurs, a donné à Jésus l'occasion de s'expliquer. Pourquoi a-t-il accepté ces gens comme auditoire ? Pourquoi a-t-il mangé avec eux ? Il expose sa mission de faire connaître le Père, son Père, à tous, à ceux qui sont malades autant qu'aux bien-portants. Comment dire le cœur de Dieu, Père de tous les hommes ? Il le dit en parabole : un homme avait deux fils.

Au premier abord, l'histoire de l'homme qui a deux fils devient célèbre par l'aventure impétueuse du cadet. On ne pense qu'à lui. Son histoire illustre l'itinéraire de la chute : le départ, la dissipation, la faillite, l'asservissement, l'abrutissement. Mais la pente vertigineuse du péché a été rejointe par l'itinéraire de la grâce qui vient le chercher là où il est tombé. La parabole qui doit faire connaître la mission de Jésus prend alors un nom : " Le fils prodigue ". Il a fallu un Rembrandt pour redonner la place centrale au père de ce sacré fils.

Il faut s'attarder au Père, le contempler, inlassablement pour comprendre le message de Jésus qui fréquente les pécheurs. Laissons-nous guider alors par " ce premier portrait grandeur nature pour lequel Dieu lui-même ait jamais pris la pose ". Tout de ce visage du vieux qui accueille son fils à genoux peut nous inspirer ce que doit être le visage du Père que Jésus est venu nous révéler. *

" Orphelin de son fils, dévasté d'une aussi longue absence, il s'est épuisé à tenir debout …Il est en train de se recevoir de l'Absent qui lui a tant manqué, dont l'attente lui a tant coûté. Le visage du père, un visage d'aveugle. Il s'est usé les yeux à son métier de père. Scruter la route obstinément déserte, guetter du regard l'improbable retour. Un vrai visage est une énigme, ce continent qu'on n'a jamais fini d'explorer, tant qu'il restitue, en son relief, les oasis et les déserts, les abîmes et les sommets, la sauvagerie et les tendresses, la plénitude et les détresses de toute vie digne de ce nom. Il est écrit que ce visage humain est l'image de l'Eternel.

On pourrait alors voir le visage de l'Eternel dans ce visage du père, en clef de voûte. Ne dit-on pas d'un vieux qu'il est voûté : çà pèse sur les épaules d'un homme au dur métier de père. Arc-boutées, en une aisance confondante, la pesanteur et la tendresse : arche d'alliance et de douceur !


Nous sommes bien ici au seuil d'une naissance, comme de toute renaissance : " Mon fils était perdu et le voici revenu à la vie… " Sous le coup que porte le visage de son fils, le Père se creuse, s'évide du dedans, s'efface. Immense vulnérabilité ! Peut-on aimer sans en être blessé ! Non pas blessé à mort, mais atteint à vie. Un creux, un vide, assez vaste, assez plein pour que s'y engendre, comme d'un sein maternel, le fils perdu et retrouvé.

Tout le passé du fils est là, gravé dans ce qu'on peut voir de dos. Il est à genoux devant le Père. L'agenouillement du fils fait rempart et contrepoids; que l'un des deux s'absente et tous les deux s'écroulent. Il le fait se précipiter à l'intérieur du père : une manière d'immersion radicale et sans retour. Du même mouvement, il a l'air d'en émerger, comme un nouveau-né. Ce fils est en train de naître, de re-naître d'après la parabole. Appuyé de la joue, tel un nouveau-né, au creux d'un ventre maternel, il achève de naître.

Le Père a reconnu son fils dans ce " bagnard " avec la nuque raide et le crâne rasé. Rabotés comme une coque de galion sur l'arête des récifs, plus expressifs qu'un visage humain, ses talons crasseux sont écaillés comme un vieil oignon. Ses vêtements sont en guenilles, comme cette voile déchirée par la tempête. Il a encore une arme blanche à la ceinture : stigmate ou signe enfouie! On préfère ne pas savoir. Son Père le prend entre ses deux mains posées sur les épaules, une main de femme et une main d'homme. Elles sont les yeux du Père, l'autre visage de son amour. Ici, les miracles de l'amour passent par les mains.

En fin de compte, grâce au Verbe qui s'est fait chair, les pinceaux de l'artiste parlent de l'immensité de l'amour de Dieu dans l'amour humain. Il faut que le Verbe soit dans notre chair pour que cette chair soit capable de révéler ce qui est Eternel, la paternité, la maternité et la filiation humaine. Dieu a emprunté ces relations humaines comme son langage de Dieu. La fraternité qui reste la relation collatérale est informée pour s'élever à la dimension originelle du père et de la mère. On ne sait pas si le frère est allé rejoindre la fête organisée pour son jeune frère. On sait qu'il est libre et que pour lui, tout reste ouvert.

En ce début du troisième millénaire, Dieu en grandeur nature est de fait, ce Père de myriades de fils et de filles qui leur réserve d'un tel amour que chacun est unique à ses yeux. Depuis quand sont-ils nés l'homme et la femme? La science qui remonte le temps est susceptible de nous donner une date. Mais l'homme et la femme dans la pensée de Dieu, c'est à la première page de la Bible de nous le dire. Ils sont créés pour tenir compagnie à Dieu.

La personne de Jésus nous dit comment vivre ce désir de Dieu. Notre liturgie en ce dimanche de " Laetare ", " Réjouissez-vous ", fait écho de la joie du père qui explique à son fils aîné : " Il fallait bien festoyer et se réjouir ; car ton frère que voilà était mort, et il est revenu à la vie. "

D.L. * lire Rembrandt, le retour du Prodigue, Paul Baudiquey . Mame.