On reste toujours profondément ému quand, chaque matin, au petit matin, au chant final des Laudes, on chante debout le " Benedictus " de Zacharie, le père de Jean, le Baptiste. Il bénit Dieu de tous les bienfaits pour son Peuple.

" Bénis soit le Dieu d'Israël, qui visite et rachète son peuple. Comme il l' a dit par la bouche des saints, par ses prophètes depuis les temps anciens. Amour qu'il montre envers nos pères, mémoire de son alliance sainte afin que nous le servions dans la justice et la sainteté, en sa présence tout au long de nos jours. "

Puis, il parle à son fils, le nouveau né : " Et toi, petit enfant, tu seras appelé prophète du Très Haut. Tu marcheras devant, à la face du Seigneur et tu prépareras ses chemins. Grâce à la tendresse, à l'amour de notre Dieu, ceux qui habitent les ténèbres et l'ombre de la mort seront illuminés, et conduits au chemin de la paix. "

Quel enfant heureux qui a pour père cet homme de prière et d'écoute, et qui sait par lui les dires de son père, dès ses premiers instants de sa vie ce qu'il va faire plus tard ? Où trouve-t-on le père qui saurait parler de tel propos à son fils ? Inspiré par l'Esprit, Zacharie entrevoit la destinée du fils de sa vieillesse, qui assurera le déclin de l'ancienne alliance et l'apparition du "soleil levant" sur les collines de Judée et de Galilée.
Personne ne peut parler non plus, de Jean comme Jésus, son cousin l'a fait dans un long témoignage, à l'annonce de son emprisonnement par Hérode qui va le mettre à mort sur la demande d'Hérodiade.
" Mais qu'êtes-vous allés voir ? Un homme vêtu d'habits précieux ? Voici, ceux qui portent des habits précieux sont dans les maisons des rois. Qu'êtes-vous donc allés voir? un prophète? Oui, vous dis-je, et plus qu'un prophète. Car c'est celui dont il est écrit: Voici, j'envoie mon messager devant ta face, pour préparer ton chemin devant toi. Je vous le dis en vérité, parmi ceux qui sont nés de femmes, il n'en a point paru de plus grand que Jean-Baptiste.

Depuis le temps de Jean-Baptiste jusqu'à présent, le royaume des cieux est forcé, et ce sont les violents qui s'en emparent. Car tous les prophètes et la loi ont prophétisé jusqu'à Jean; et, si vous voulez le comprendre, c'est lui qui est l'Élie qui devait venir. Que celui qui a des oreilles pour entendre, entende. Math.11,1-18
La tradition chrétienne précoce, reflétée par les Évangiles, a vu en Jean le prophète unique des temps nouveaux: celui que l'on attendait pour l'âge messianique, lorsque les cieux fermés selon la croyance courante, depuis la mort des derniers prophètes, s'ouvriraient de nouveau. C'est là la marque essentielle de la qualité de précurseur du Messie qui lui est imputée, et de son identification à Élie.
Jean est l'homme d'attente. Son attente est comblée quand, en prison, il se sent délivré de l'image du Messie qu'il a cru bon d'annoncer au début aux gens qui sont venus vers lui. Jésus n'est pas le justicier qui tient dans ses mains la pelle à vanner. Jésus est celui qui cherche à guérir tous les handicaps des hommes. Avec son regard bloqué, l'homme ne peut plus voir. Avec sa langue de bois, il ne peut plus parler.

Jésus les guérit et donne à ceux qui le désirent ce même pouvoir de guérison. Et il fait l'éloge de Jean, comme le plus grand parmi les hommes. Il n'est pas idolâtre de ses propres idées. Il cherche à comprendre, il réajuste son regard lui qui a annoncé la venue de Jésus et maintenant il se renseigne : " Qui es-tu ? ".

Combien de sages, de philosophes, de fondateurs de religions dans le monde sont-ils capables de se reconnaître comme des précurseurs ? On apprécie davantage la grandeur de Jean quand il dit sa joie comme celle du "garçon d'honneur ". " Celui qui a l'épouse est l'époux ; quant à l'ami de l'époux, il se tient là, il l'écoute, et la voix de l'époux le comble de joie. Telle est ma joie, elle est parfaite. "

Luc, l'évangéliste des communautés du bassin méditerranéen, à travers cette prière prophétique de Zacharie voulait que chaque baptisé, et chaque matin, en chantant l'hymne à l'Enfant précurseur, se sente concerné par cette apostrophe chargée de toute l'émotion paternelle. N'est-ce pas Dieu le Père qui s'adresse, chaque matin, à chacun de nous, pour faire de nous ses prophètes? C'est vrai, depuis vingt siècles, le Soleil s'est levé sur les rives du lac de Tibériade, mais combien ont perçu son lever et goûté sa lumière? Nous sommes les annonciateurs du Soleil, les traceurs de sa route, les proclamateurs de son pardon, 1es donneurs de sa paix.: " Et toi, petit enfant... "

D.L.