retour à la page d'accueil retour à la page d'accueil
retour à la page d'accueilarchives des homéliespetit germinal, informations pratiquesla vie de la communautédernières conférencesparticipez à germinal
retour page accueil homelies 2004 archives : 2003 2002 2001 2000 1999 1998 1997
 
6ème Dimanche C
 
 
Jérémie 17,5-8 - Corinthiens 15,12.16-20 Luc 6,17.20-26
 
     
 
Quel mot pour le dire...pour les nommer ?
 
     
 
11 Février 2001
 
     
 

Il nous arrive de nous trouver aussi devant des personnes frappées par les duretés de la vie et nous ne trouvons pas de mots pour dire ce que nous ressentons. Que dire devant les enterrés vivants par le séisme, en plein sommeil ou en plein cours d'enseignement dans une école ? Il y a des gens qui pleurent, des gens qui, hagards, cherchent désespérément leurs enfants, un mari, une épouse, des voisins. Il y a des gens qui fouillent, espoir contre tout espoir, espérant retrouver quelqu'un sous les décombres. Qui sont-ils, comment les nommer ?

On est tous des " matriciels "(1), pris par la compassion. Le bouddhisme qui se méfie de tout genre de passion, cultive la compassion. On ne résiste pas aux sensations qui se nouent comme des nœuds à l'estomac.

Nous venons de nous mettre dans le concret de la vie, " le simple ", pour comprendre Jésus face à la foule qui le suit. Quel mot capable de dire la panoplie des sentiments qui vous prennent aux entrailles ? Le mot " béatitude " semble déjà une interprétation de la parole que Jésus adresse à la foule, à ses disciples. Aux pauvres, à ceux qui, au cœur d'enfant, souffrent et pleurent, par le deuil, la faim, la soif, la brimade, le bizutage, Jésus les a nommés comme ils sont. Pour parler d'eux, il a trouvé le mot imprégné de tout ce qu'il y a d'humain, d'admiration, de respect, de compassion, d'encouragement, de vœu de bonheur, aussi de silence. Ceux qui cherchent à mettre par écrit la parole qu'il a dite ce jour là, ont retenu le mot qui dit le mieux la pensée de Jésus.

Le mot choisi par les évangiles est " allusif " et " explicatif ", tout en gardant le " secret ", ce qui ne peut être tout dit de ce que Jésus aurait pu sentir. " Heureux, Bienheureux ", " Ashréi "(2), " Makarios ", " Blessed ", " Beati ", " Solig ", " Phuc thay " ! " (3). Le recours à la lecture du mot dans une autre langue complète les nuances que peut avoir le langage de toutes les langues. Selon les sensibilités, heureux pourrait se dire : " Formidables que vous êtes ! "," Quelle dignité ! ", " En marche, vous, hommes debout ! ", " Vous, pieds sur terre ! " toute expression qui peut dire à la fois, l'admiration, le respect, la compassion, la sympathie, l'émotion.

On peut apprécier les écrits évangéliques qui ont ceci de grand qu'ils restent le serviteur de la Parole. On ne lit pas. On écoute. C'est le " Shema Israël " qui continue. Le Seigneur ne dit pas : Lis, mais écoute Israël. Aucune autorité ne peut être monopole de la Bonne Nouvelle. Elle s'adresse à tous. A la différence du " texte fondateur ", enrichi, amplifié par la communauté de lecteurs, " le verbe fondateur " ne donne pas prises à des conflits, malgré la diversité des nuances de la parole reçue.


Reconnu comme " inspiré et sacré ", le " texte fondateur " est comme la source inépuisable mise à la disposition de ceux qui croient en avoir le dépôt. Pour la capter autant qu'on a le monopole, on renforce les parois du vase. L'ouverture que suppose le texte sacré se referme, renforcé au gré de ceux qui le possèdent. Témoins oculaires ou témoins auriculaires n'ont pas les mêmes risques que puissent encourir les dépositaires, les gardiens des écritures. Ils n'ont pas la tentation de fermeture, ni d'exclusion. La Parole est le souffle qui respire en permanence, maintenant.

Ainsi, St Luc qui écrit " l'hébreu en grec " pour les Grecs, présente les " béatitudes " comme le discours dans la plaine. Ce n'est pas l'instruction inaugurale sur la montagne comme dans l'évangile de St Matthieu, mais le développement du " discours-programme " donné à la synagogue de Nazareth, suivi de toute une série de guérisons. Luc montre aux Grecs Jésus qui agit avant de parler. " L'Esprit Du Seigneur est sur moi, parce qu'il m'a conféré l'onction pour annoncer la bonne nouvelle aux pauvres. Il m'a envoyé proclamer aux captifs la libération et aux aveugles le retour à la vue, renvoyer les opprimés en liberté… "

Le discours dans la plaine représente moins la promulgation d'une règle à suivre que l'annonce d'une Bonne Nouvelle. Matthieu qui écrit aux juifs en hébreu rassemble les paroles de Jésus en une Charte du Royaume. Tel que Moïse qui apporte de la montagne les Dix Paroles du Seigneur, Jésus enseigne la Loi Nouvelle du haut de la montagne. Les spécialistes s'accordent à penser que Luc nous a conservé, plus fidèlement que Matthieu qui les a développées et " spiritualisées ", le nombre et la teneur des béatitudes primitives.

Aux quatre exaltations de " béatitudes " dans le sens araméen du mot, " Vous qui êtes debout ", Luc a mis en opposition les quatre mises en garde, " malheureux ", " Oïe, Ah ! Hélas ! " vous les riches. Jésus invite tous, pauvres et riches, à se mettre en marche sur une route dépourvue d'obstacles et conduisant à son Père, celui qui veille à ce que la justice soit rendue comme chantait le Magnificat : " Il renverse les puissants de leur trône ; il élève les humbles, il comble de biens les affamés, renvoie les riches les mains vides. "

Divergeant dans la formulation du message, Matthieu et Luc se retrouvent dans la même " Parole fondatrice " qui n'est autre que Jésus lui-même. La Parole recueillie reflète et dessine un visage saisissant et bouleversant : celui de l'homme dans sa ressemblance avec le Verbe qui s'est fait chair. C'est le Fils qui initie la communauté humaine à vivre comme des enfants devant son Père, le Père qui a mis toutes ses complaisances en son Fils.

Quand l'enfant comprend qu'il est la joie de ses parents, il a de l'imagination pour les rendre heureux. Le discours dans la plaine ou le sermon sur la montagne est une interpellation : comment se comporter tel que le Père doive chercher le mot pour nous dire qu'il est ému, heureux ? D.L.
N.B.
· 1 - Les matriciels non pas les miséricordieux, mais ceux qui assument parmi leurs frères la fonction principale de Yahweh Adonaï, qui est d'être comme la matrice de l'univers. L'utérus maternel donne et entretient la vie, offrant au fœtus, en chaque seconde tout ce qu'il lui faut pour subsister. (Chouraqui)
· 2 - Ashéri, d'une racine ashar, qui implique non pas l'idée d'un vague bonheur, mais celle d'une rectitude, celle de l'homme en marche sur une route sans obstacle.
· 3 Caractère chinois, un paquet de signes qui disent le génie, l'homme à parole unique, pied sur terre.