Deux cas extrêmes
La parabole du pharisien et du collecteur d'impôts est en fait,
un sondage de Jésus qui veut savoir à qui on pense quand
on écoute la parabole. Les commentaires de l'évangile,
anciens ou récents, s'attardent plutôt aux deux compères
venant prier au temple. Dieu qui observe, écoute et dit son mot
est tacitement mentionné. On se met alors à sa place pour
faire part de nos propres appréciations et actualiser la parabole.
Ce n'est pas triste ! Le pharisien et le publicain d'aujourd'hui pourrait
être l'un, " le catholique pratiquant, et l'autre, l'homosexuel
notoire ".
Comme dans toutes comparaisons, les cas extrême extrêmes
sont avancés pour donner davantage de relief à la démonstration.
L'un prend plaisir à parler longuement de lui-même, l'autre
qui n'a pas de quoi être fier, ne sachant quoi faire, se frappe
la poitrine. La différence est nécessairement saisistante.
Qui peut faire la comparaison ?
Ce genre d'observations et de commentaires n'appartienent qu'au maître
du lieu, celui à qui s'adresse la prière de l'un et de
l'autre. Jésus nous fait comprendre que la prière est
notre relation personnelle avec Dieu. Nous allons à lui tels
que nous sommes, en nous référant à lui seul. La
leçon n'est donc pas de dire : " Je ne serai pas comme le
pharisien". Ni de dire : " Je serai comme le publicain. "
Le mieux serait plutôt de sortir de cette logique, de ne pas passer
notre temps à juger, à prolonger le jeu de la comparaison.
Quelle communauté, quelle assemblée n'aurait-elle pas
des extrêmes et qui ne sont pas nécessairement mauvais,
et ne sont objets de jugement de personne ?
La logique pharisien-publicain.
Le Pharisien.
Le pharisien vient au temple pour prier. Seul Dieu peut apprécier
son comportement. Or ce n'est pas le cas. Il a été suffisamment
montre du doigt. Depuis 20 siècles, fait des commentaires sur
lui et on lui fait dire des choses qu'il n'a pas dites.
" Merci, mon Dieu, d'être comme je suis. Tu n'as plus rien
à y changer. Je n'ai donc plus besoin de toi, je n'attends
plus rien de toi, me voilà quitte envers toi !" Ce genre
de littérature exégétique qui paraphrase la prière
du pharisien se lit dans la revue d'animation liturgique, pour souffler
une piste d'homélie. Il y en a peu qui pensent qu'il serait
temps de réhabiliter les pharisiens, trop souvent calomniés
au point que leur nom est devenu synonyme d'hypocrite. Avec en plus
le crime d'avoir tué le Fils de Dieu, les pharisiens sont objet
d'une haine millénaire.
Le Publicain.
Si Dieu trouve qu'il est ridicule de venir au temple pour faire son
auto-encensement devant lui, il n'est pas dit non plus qu'il faut
faire de l'auto-flagellation et ne se comporter comme la personne
du premier rang. L'interlocuteur de notre relation dans le temple,
à l'église, est Dieu lui-même et lui seul. Même
si nous ne le voyons pas, Dieu observe, écoute et il nous dira
ce qu'il pense.
Nous prions en Eglise. La liturgie a besoin de la participation de
tous. Mais Dieu s'adresse à chacun de nous dans la solitude
de notre cœur. Le comportement des autres ne nous regarde pas. La
parabole nous inspire la retenue, pour mieux nous occuper de ce que
Dieu aime, pour laisser à Dieu le dernier son mot. C'est déjà
beaucoup qu'il parle. Il serait dommage de lui couper la parole.
Dieu est lumière, Dieu notre Père, source de toute vie,
de toute beauté. L'émerveillement, le bonheur dans sa
peau, l'extase, pourquoi pas, sont les signes de notre présence
réelle devant Dieu et de notre perception de sa beauté,
de sa bonté. Devant la beauté des beautés, ce
n'est pas trop demander que de faire chanter à l'assemblée
la louange à son Nom, à sa gloire. " Mon Seigneur
et mon Dieu." C'est le soupir de Thomas qui en perd ses moyens
en bredouillant ce mot d'admiration et d'adoration.
On comprend Péguy qui s'énerve à la place de
Dieu quand Dieu voit des gens qui commencent leur prière par
les litanies de leurs misères. " Depuis quand, vous entrez
chez moi et vous vous occupez d'abord de vos souliers qui ont dû
marcher sur quelque chose qui vous gêne. "
La prière de louange et d'adoration pour paraître devant
Dieu est par excellence notre "GLORIA'. Nous remercions Dieu
pour son immense gloire. Et la louange nous permet de glisser un mot
pour qu'il pense à nous. " Toi qui es assis à la
droite de Dieu, prends pitié de nous." L'Eucharistie est
vraiment l'action de grâce au Père pour aujourd'hui.
La logique des enfants de Dieu.
Il y a donc la troisième voie, entre celle du pharisien et
celle du publicain. C'est la voie que Jésus indique dans les
versets qui suivent cette parabole. Ici, celui qui prie c'est Jésus
: " Laissez les enfants venir à moi. ". " En
vérité, je vous le déclare, qui n'accueille pas
le Royaume de Dieu comme un enfant n'y entrera pas." Il n'y a
plus de pharisiens ni de publicains, il n'y a que des enfants du même
Père.
La parabole du pharisien et du publicain, loin de nous cantonner dans
les extrêmes, nous unit dans un même élan : Nous
accepter différents, pharisien, publicain, fils du même
Père
D.L.