Y a-t-il eu des instants de bonheur dans ma vie ? J'ai envie de répondre
en invitant les lecteurs à s'arrêter sur une plage, propre
bien entendu, et à imiter Abraham en essayant de dénombrer
les grains de sable, ou encore à contempler le ciel par une belle
nuit claire et à compter les étoiles afin de trouver une
réponse à cette question. Dans toute vie, me semble-t-il,
en cherchant bien, on peut trouver des "instants" de bonheur,
n'en déplaise aux prophètes de malheur qui dans les medias
donnent l'image d'une planète grise , inondée de tristesse.
Une soirée, un repas avec des amis, un beau livre dont on se
nourrit, un paysage ensoleillé, un champ de violettes ou de perce-neige
au printenps, les bonds et cabrioles d'un chaton ou d'un écureuil,
la lettre d'un ami qu'on n'a pas vu depuis longtemps, la visite inattendue
d'une personne chère, une belle conférence,... etc, etc,
autant de courts instants durant lesquels on peut savourer son bonheur.
Mais le Bonheur avec un grand B est-il fait d'une succession de petits
bonheurs ? Depuis que Germinal nous a proposé de nous exprimer
sur ce sujet je suis habitée par cette question et j'ai envie
de répondre : "non, le Bonheur est quelque chose de bien
plus profond, de bien plus continu, de bien plus dégagé
des contingences qui nous entourent."
Je suis vieille et mes 81 printemps me permettent de regarder loin en
arrière pour y découvrir la trace du bonheur, ou de son
contraire, le malheur.
Eh bien ! après tant d'années de vie dont une petite soixantaine
passées chez les Filles de la Charité, je suis obligée
de répondre que j'ai été heureuse, très
heureuse même et que si ma vie était à refaire,
je recommencerais le même parcours.
Et cependant, il y a eu bien des jours difficiles, des moments où
la grande aile du malheur m'a frôlée, deuils, maladies,
peines des autres, arrachements douloureux par l'éloignement
de personnes chères ou d'activités qui me comblaient,
vide spirituel ou écartèlement intérieur. à
la recherche d'une lumière qui m'échappe...etc.
Mais ces passages douloureux semblables à de petites ou grandes
morts ont toujours été suivis d'un rebondissement, d'une
résurrection dont je rends grâces au Seigneur, car c'est
à Lui et à Lui seulement que je les attribue. Alors que
j'étais sur le point de m'enfoncer dans l'abîme, quelqu'un
est apparu dans ma vie, quelqu'un qui m'a prise par la main m'a remise
debout et m'a redonné le courage de vivre. Quelqu'un envoyé
par Dieu et qui m'a conduite à Lui. A chaque fois.
Pour terminer, je voudrais dire qu'il n'y a pas de "recette"
pour être heureux sauf peut-être celle-ci : chercher sans
cesse à répandre du bonheur autour de soi, mâme
si on vit un moment de désert intéreur. J'ai lu quelque
part que le bonheur est une réalité que l'on possède
d'autant plus qu'on la distribue aux autres.
Soeur Marie Joseph
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