Je ne suis pas Martin Luther King, je ne suis qu'un pauvre petit guetteur
qui du haut de sa muraille essaie de veiller sur ses frères dispersés
dans le monde, qu'une pauvre petite brebis aux pattes malades qui ne
peut que se traîner à la suite du maître bien-aimé.
Mais heureusement, il me prend sur ses épaules.
Autant dire que je ne suis rien quand je regarde le vaste monde et la
succession de saints, de héros, de gens admirables qui maintenant
et depuis des siècles font des choses admirables. Et pourtant
j'ai fait un rêve. Le voici :
"J'étais arrivée au port, c'est-à-dire dans
les bras du Père et je regardais émerveillée un
univers indescriptible où tout était beauté, harmonie,
bonheur indicible, un univers qui m'était tout à fait
étranger et que je ne peux décrire avec des mots humains.
Et dans mon émerveillement, je ne pus m'empêcher de dire
:
- mais pourquoi n'est-ce pas ainsi sur la terre ?
- Sur la terre, me répondit le Père, mais ce serait comme
cela si les hommes, mes créatures, savaient regarder et mettre
les mains à la pâte ! Seulement voilà, ils sont
trop souvent bornés et ne se fient qu'à leurs moyens de
communication. Ou bien, aveuglés par leur égoïsme,
ils oublient complètement leurs frères humains et ne s'intéressent
qu'à leur propre revenu.
- Mais enfin, Père Eternel, il y a tant de choses abominables
! Vous ne savez peut-être pas ? Ces enfants qu'on égorge,
qu'on viole, ou qu'on vend comme esclaves, auxquels on apprend à
faire la guerre depuis leur plus jeune âge en Sierra Leone et
dans d'autres pays d'Afrique, aux Philippines, en Inde, en Amérique
Latine !
Et ces femmes ! Regardez comment elles vivent en Afaghanistan et là
où la charia est appliquée dans toute sa rigueur, une
rigueur que certainement, Mahomet n'a pas voulue.
Et dans les pays Occidentaux cette disparité des revenus qui
fait que les uns ont à peine de quoi se nourrir tandis que d'autres
perçoivent des sommes astronomiques....etc... ! Et tant de malades
qu'on est encore impuissant à guérir. Il y a peut-être
moins de lépreux qu'au temps où Jésus sillonnait
la Palestine, mais il y a les malades du sida et encore bien des lépreux
sans compter toutes les maladies et handicaps qu'on ne sait pas encore
guérir.
- Je sais, reprit le Seigneur, je sais, hélas ! J'ai voulu créer
des hommes libres et capables d'aimer, donc de refuser l'amour et, trop
souvent, ils ont gâché ma création, à tel
point, que parfois je me surprends en train de regretter de l'avoir
faite. Mais alors, il me suffit de regarder ici ou là sur la
terre l'un ou l'autre de mes enfants occupé à fabriquer
du bonheur pour les autres, pour me consoler un peu du gâchis
accumulé par les autres.
Car, tu sais, il y a beaucoup de gens heureux sur la terre, même
des gens qui pourtant pourraient m'en vouloir à cause des conditions
dans lesquelles ils vivent. J'en connais à qui la maladie a pris
tout ou presque tout ce qui leur permettait de communiquer et d'agir
et qui, cependant rayonnent le bonheur et trouvent le moyen d'en donner
à d'autres.
Tu me parles des pays du Tiers-Monde où c'est vrai il y a de
grandes injustices et de grandes pauvretés. Mais même là-bas,
dans des conditions de vie dont aucun occidental ne voudrait, les gens
ont une gaîté et un goût du partage que beaucoup
leur envieraient."
Sœur Marie Joseph
|