Un rabbin peut-il arriver dans un centre paroissial catholique avec
une grosse valise ? La réponse est oui, mais Philippe Haddad,
auteur du livre "Pour expliquer le judaïsme à mes amis"
ne le savait pas ou n'a pas osé, lorsqu'il est venu nous parler
des fêtes juives. Le petit carton qu'il tenait discrètement
sous le bras en entrant dans la salle, le 24 avril dernier, ne contenait
pas plus d'exemplaires de son dernier livre que le minimum d'hommes
requis dans une synagogue pour sortir la Torah. Symbole ou coïncidence
? En tout cas erreur manifeste de marketing, l'offre étant très
nettement inférieure à la demande. Je n'ai malheureusement
pas couru assez vite ce soir-là, pour être dans les dix
premiers et obtenir l'un de ces exemplaires.
Heureusement, la script de Germinal était là avec son
inséparable magnétophone. Grâce à elle, on
a pu retrouver l'intégralité de l'intervention du rabbin
Haddad dans le numéro 122 sorti fin mai. Intervention d'une clarté
et d'une chaleur, qui en ont surpris agréablement plus d'un,
dont je suis. Je ne m'attendais vraiment pas à entendre des paroles
aussi belles sur la vie fraternelle et la grâce, que nous pouvons
également faire nôtres.
Comme beaucoup probablement et malgré la meilleure volonté,
je restais sur un certain nombre de clichés vis à vis
du judaïsme, sans vraiment chercher à dépasser ce
premier stade, pour essayer de voir si l'arbre ne me cachait pas la
forêt. C'est même la première fois de ma vie que
j'ai pu m'approcher ainsi d'un représentant aussi éminent
du judaïsme et participer à un dialogue avec lui.
Certes, j'ai bien eu dans ma jeunesse des camarades juifs, puis plus
tard des collègues de la même religion, mais le sujet était
implicitement tabou. Aborder ce genre de question dans les années
50, où l'heure n'était pas précisément au
dialogue entre juifs et chrétiens était quasiment impossible.
On avait l'impression de violer littéralement une intimité
et on s'interdisait soi-même par pudeur d'interroger un juif sur
sa foi. Par la suite, les quelques adultes auxquels je me risquais à
poser des questions sur le sujet, soit se déclaraient non pratiquants
et la question tombait à plat, soit me faisaient comprendre poliment
que ce n'était pas " mon truc ".
Rien de tout cela avec le rabbin Haddad, qui est visiblement un homme
de dialogue et qui nous a parlé comme à des frères.
J'ai eu l'impression avec lui d'en apprendre plus en une soirée
qu'en cinquante ans. Et j'ai particulièrement apprécié
en finale sa proposition de " prendre la laïcité comme
une bénédiction pour pouvoir vivre ensemble ". Vue
comme cela, la laïcité me convient très bien et je
souhaite que nous ayons à nouveau l'occasion d'entendre ce conférencier
de marque à Saint Germain.
Revenez nous voir, Monsieur le Rabbin, nous avons encore beaucoup à
apprendre de vous.
Daniel Désormière
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