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Donnez-leur
vous-mêmes à manger. Luc 9,11b-1 |
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Germinal n° 123, Juin 2001 | ||
![]() Les 35 ans de Sacerdoce de Philippe GUIBARD Nous pouvons retrouver le souffle qui anime notre communauté dans le choix de l'évangile de St Luc sur le partage des pains, évangile de la Fête du Corps et du Sang du Christ de cette année C qui nous oriente vers le sens de la présence de l'Autre, de celle des uns des autres. Tous les évangiles ont le récit du " signe des pains " et le considèrent comme le geste capital de la mission de Jésus. Un auteur spirituel du VIème siècle, St Dorothée de Gaza développe le message de Jésus en nous proposant le monde comme un cercle. Le centre du cercle est Dieu. Le chemin de chacun de nous qui va vers Dieu est le rayon de ce cercle vers son centre. Il y a autant de rayons qu'il y a des hommes dans notre monde. La multitude de nos chemins est la gloire de Dieu. Plus nous nous approchons du centre, plus nos rayons se rapprochent les uns des autres. Plus nos rayons se rapprochent plus ils nous donnent le signe que nous allons vers Dieu. Quand nos rayons se perdent dans le vide, quand ils n'ont rien rejoint, c'est le signe que nous nous dirigeons loin du centre, nous n'allons pas vers Dieu. Nous nous éloignons de Dieu dans la mesure où nous avons chacun de l'éloignement à l'égard du prochain. Si Dieu est le centre de tous les hommes, il veut que ce centre se vive concrètement dans les relations entre les hommes. La mission de Jésus est de réaliser ce désir de Dieu. L'un des signes privilégiés auquel Jésus a accordé une importance singulière est le repas. Manger ensemble permet de se serrer les coudes, de sentir par les mêmes aliments la même vie qui nous anime. Les quatre évangiles ont gardé le souvenir d'un fait étonnant où Jésus, de par son rôle, est intervenu pour réaliser la mise en commun entre les hommes. C'est la multiplication des pains. Le geste est retenu, inséré dans le cadre de tous les repas que Jésus a pris avec ses disciples : " prendre ", " lever les yeux ", " dire la bénédiction ", " rompre ", et " donner ". Tous les quatre sont d'accord pour situer cette scène à un moment particulièrement dramatique de leur récit : c'est la fin du ministère en Galilée. A l'opposition presque ouverte des autorités religieuses vient s'ajouter maintenant la déconvenue des foules, d'abord enthousiastes, puis très vite déçues de leurs attentes messianiques. Les disciples eux-mêmes sont ébranlés. " Et vous, qui dites-vous que je suis ? " (Lc 9,20) " Voulez-vous partir, vous aussi ? " (Jn 6,67) L'affaire des pains va précipiter la rupture et hâter l'heure du choix. Si l'on croit St Jean, après avoir nourri la foule, Jésus doit partir seul dans la montagne pour fuir l'enthousiasme populaire qui veut le faire roi. (Jn 6,15) Le partage a un prix pour n'être pas la séduction, la
manipulation de la foule : le don de soi. " Donnez-leur vous-mêmes
à manger. " " L'homme, l'humanité, la
foule" n'existent pas. Ce sont des concepts. La foule comme
foule ne saurait entendre un message spirituel. Servir la foule, c'est
rencontrer les personnes qui la composent. Le signe des pains, la multiplication
cache un profond mystère. Le pain sera le pain du Grand Passage.
Il ne sera que du blé et de l'eau. Il n'y aura jamais le pain
au chocolat, aux fruits, à la vanille pour plaire. Le sens du
partage doit être plus lumineux que les animations au laser et
aux décibels de la musique techno. Son corps sera brisé comme cette galette de pain qu'il partage de ses doigts avec ses amis, et à travers eux, avec toutes les générations de demain. Son sang sera versé comme ce vin dans la coupe qu'il passe entre les mains de tous, ce "sang de la grappe" Gen.49,11. Cette coupe est le symbole de sa vie donnée comme signe du plus grand amour (Mc10,38) et de toutes les agonies (Lc22,42). Désormais chaque fois que le prêtre refait ce geste et redit ce qu'il a dit, il "annonce la mort et la résurrection du Seigneur." (Co.11,26) Il sait que pour pouvoir dire cette parole éternelle : " ceci est mon corps ", " ceci est la coupe de mon sang. " il faut que son " je " laisse sa place au " je " du Maître. Grâce à ce don de vie, à cette intention d'être là avec les autres, nous sommes nés dans la civilisation de Présence, de Service les uns pour les autres, au delà de ce qu'on peut voir ou ne pas voir, au delà des différences. La personne du Jésus permet la convivialité entre Dieu et tous les hommes et les hommes entre eux. Il a vécu notre condition humaine comme un vrai exode : sortir de soi-même, du mal, de la mort, de la peur, pour aller vers le Père, vers les autres. Par lui, désormais, chacun peut découvrir dans sa vie le même cheminement de l'histoire du peuple de Dieu : l'exode, le don de la loi, l'Alliance avec l'Eternel que nous avons mis dans les thèmes qui ont servi comme fils conducteurs proposés par Philippe à notre communauté, depuis qu'il est là avec nous : " La foi est un dialogue. " 97-98. " Nous accepter différents, filles et fils d'un même Père " 98-99 " Avec le Christ, homme au milieu des hommes, ouverts et solidaires. " 99-00 " " Transmettre pour vivre et vivre pour transmettre " 2000-2001 . L'Eucharistie est ainsi la vraie Fête de Dieu. Elle est la présence
du Ressuscité dans notre monde. Jésus Christ ressuscité,
Verbe de Dieu, assume la vie de ce monde jusqu'à la fin des temps
et la transforme en une louange, une action de grâce permanente
à Dieu le Père dans l'unité de l'Esprit-Saint.
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