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   Quel est l'enjeu ?  
     
   Germinal n° 123, juin 2001  
   
Sur le parvis de l'église, un dimanche après la messe

- "Ah bonjour, S...! il y a longtemps que je t'ai vue. Serait-ce que tu étais malade ?"

- "Mais non. Je suis d'abord partie chez mes enfants pour y fêter la Sainte Semaine et la nuit pascale. Ensuite, je suis allée faire ma cure. Et me voici !"

- "C'est à cause des gens comme toi qu'il n'y a pas plus de monde aux célébrations pascales ! Enfin, l'église était quand même pleine et c'était beau. La chorale s'est surpassée !"

- "Tant mieux ! Mais on m'a dit que des gens ont été très choqués de voir qu'on sortait une personne de l'église, manu militari, durant la cérémonie du Jeudi-Saint."

- "Qu'est-ce que c'est que cette histoire ? Tu prêtes une oreille complaisante aux ragots de bonne femme, maintenant ? Qu'est-ce que tu sais du Jeudi-Saint à St Germain puisque tu n'y étais pas ?"

- "Pardon, il n'y a pas qu'une bonne femme qui a fait des ragots comme tu dis. Il y a des témoins qui ont vu deux messieurs sortir de force une pauvre femme."

- "Ecoute un peu ce qui s'est passé pour, éventuellement, remettre les choses en place ! Au moment de la première lecture alors que toute l'assemblée écoutait dans un profond recueillement, une personne s'est levée et a interpellé vivement le lecteur, lui coupant la parole et contestant ses propos.

Certains d'abord ont cru que c'était un mode de lecture à deux voix préparé d'avance. Mais devant la teneur des propos et leur violence, on a vite compris qu'il s'agissait d'une personne victime de troubles psychiques.

Il était impossible de laisser continuer ce flot d'injures qui rendait toute célébration impossible. Deux paroissiens dévoués ont gentiment pris la personne excitée par le bras et l'ont entraînée (plutôt de force, c'est vrai) sur la place de l'église où des gens qui la connaissaient l'ont prise en charge.

Au moment de la Prière Universelle, Philippe a rappelé l'incident qui nous avait mis mal à l'aise et a invité toute l'assemblée à prier pour cette femme.

Que fallait-il faire d'autre, à ton avis ?"

- "Je ne sais pas. Essayer de la raisonner par exemple."

- "Tu rêves. Impossible, c'était ouvrir une écluse et faire couler une vague de contestations violentes. Et il fallait quand même respecter la prière et l'assemblée qui était là...."

Au fur et à mesure que cet échange se déroulait, d'autres paroissiens intrigués sont venus se mêler aux deux interlocutrices. Malheureusement, il y avait désaccord profond entre les nouveaux-venus, les uns donnant la priorité à la charité fraternelle et les autres au caractère sacré de la célébration qui aurait nécessité, selon eux, une intervention plus rapide et plus musclée. Peu à peu le dialogue tourna au vinaigre et s'étendit à d'autres sujets brûlants où les points de vue étaient totalement différents : Dominus Jesu, la liturgie, le rôle de la politique...etc

En somme, c'était un conflit entre des chrétiens. Il y en a ailleurs. Dans telle communauté évangélique, certains sujets sont tabous parce qu'on n'ose pas dire ce qu'on pense devant tel membre dont on imagine les opinions différentes. Dans une autre, lorsque X.. sait que Y... vient, lui-même s'abstient. Dans ces cas-là, il n'y a pas de conflit puisque ce qui le provoquerait est soigneusement évité. Mais est-ce une manière évangélique de faire ?

Quand j'ouvre mon Evangile qu'est-ce que je vois ? Jésus qui, non seulement n'évite pas les conflits mais les provoque. Il guérit le jour du sabbat et invite le paralysé d'hier à prendre son brancard et à s'en aller avec. Il chasse, manu militari, les vendeurs du temple... Il traite les scribes et pharisiens de sépulcres blanchis... Il mange avec les publicains et les prostituées... Il raconte des histoires où le beau rôle, celui qui reçoit les bénédictions du Père, est tenu par des étrangers, des païens ou des pécheurs tandis que prêtres et pharisiens sont voués à la géhenne. Et quand ces derniers le provoquent, il n'esquive pas le conflit mais répond avec humour à moins qu'il ne leur envoie une autre question embarrassante à laquelle ils ne savent pas répondre.

Jésus s'est même trouvé en conflit avec sa famille qui voulait l'arracher à ses prédications et le ramener à la maison familiale.

Or peut-on dire que Jésus manquait de charité, qu'il n'aimait pas les pharisiens, ni les scribes, qu'il n'aimait pas les membres de sa famille, ni ceux de son peuple ? Bien sûr que non. C'est même parce que Jésus les aimait qu'il tentait désespérément de leur ouvrir les yeux et de les amener à changer leur comportement.

Depuis que Germinal nous invite à réfléchir sur les conflits, je médite là-dessus et j'avoue que je ne suis pas pour autant plus maline pour gérer ceux que je rencontre. Faut-il les accepter ou les empêcher de naître ? La réponse n'est pas toujours évidente. Il me semble qu'il y a dans notre vie quotidienne diverses sortes de conflits qui appellent des attitudes différentes.

Certains sont à étouffer dans l'oeuf en renonçant à notre point de vue personnel en faveur de celui de l'autre parce qu'ils n'entraînent pas de conséquences graves. Telles sont par exemple, les discussions parfois vives sur ce qu'on va faire lors du prochain week-end, sur la meilleure méthode pour réaliser un travail ou cuisiner un plat. Et même les rivalités entre frères et soeurs à propos d'un héritage ou entre voisins à propos d'un passage ou d'un mur mitoyen. Quelle importance pour le Royaume de Dieu ? Des relations familiales ou de voisinage ne sont-elles pas beaucoup plus importantes que des questions de sous ou de terre ? Renonçons donc à nos propres droits ou projets et entrons dans ceux de l'autre.

Mais il peut surgir des conflits plus graves où la justice, la foi sont engagées. Alors l'attitude évangélique n'est-elle pas celle du courage où nous osons renoncer à notre tranquillité personnelle voir même où nous osons risquer pour défendre la justice ou la vérité, l'attitude en somme adoptée par Jésus. Que ferait-il, lui, dans pareille situation ? Dans quel camp se rangerait-il ?

Questions à nous poser non sans avoir longuement prié et appelé le Saint-Esprit à l'aide.

Soeur Marie-Joseph

 
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