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En juin 2000 son livre sortait des presses. Pendant plusieurs mois,
il a tenu la tête du peloton des livres religieux les plus vendus
à la Procure. Le Vendredi-Saint 13 avril, avec René Rémond,
Robert Hossein, Jean-Louis Fourrier et Jean-Denis Bredin, il subissait
le feu des questions de Bernard Pivot dans Bouillon de Culture. A la
question classique de Pivot "que pensez-vous que Dieu vous dira
quand vous arriverez au ciel ?" il répondait en finale "Je
pense qu'il me dira : tu aurais pu être meilleur dans Bouillon
de Culture".
Lui, c'est Timothy Radcliffe, Maître Général des
Dominicains. Son livre, c'est "Je vous appelle mes amis",
entretiens avec Guillaume Goubert suivis de neuf écrits (lettres
à son ordre ou prédications).
Ce livre nous a été offert par une personne amie à
l'occasion de Noël et il a été pour moi source de
beaucoup de bonheur. Je n'ai pas l'intention ici d'en faire l'analyse,
les diverses publications chrétiennes l'ayant déjà
fait et beaucoup mieux que je ne le pourrais. Mais je voudrais essayer
de creuser pour moi-même et pour vous la partager, la traînée
lumineuse qu'il m'a laissée.
Un beau livre n'est pas un objet comme un autre ; c'est un ami, un interlocuteur
de choix, un maître à penser et c'est bien ce qu'est l'ouvrage
de T. Radcliffe. Les questions de G. Goubert nous permettent de connaître
un peu son itinéraire et éclairent la source d'où
jaillissent la lumière, la joie qu'irradie le Supérieur
des Dominicains.
Son enfance terrienne dans une grande propriété anglaise
entourée de forêts avec toute une bande de frères,
de sœurs, de cousins, de cousines lui a appris à aimer les arbres,
la nature, les animaux et lui a procuré des instants de long
silence pour guetter le passage furtif d'un animal méfiant. C'est
là dans ce silence vivant que Timothy a découvert la contemplation
de Dieu présent en lui et autour de lui, Dieu avec qui il a poursuivi
sa vie durant, un long et intime dialogue.
Et cependant avant ses 19 ans, il n'avait jamais envisagé la
vie religieuse ou sacerdotale. La recherche de la VERITE déclencha
ce désir. Ayant appris qu'une congrégation religieuse
avait pour devise "Veritas" il téléphona à
ses anciens professeurs bénédictins pour savoir quelle
était cette congrégation. Dès la réponse
donnée, il se mit en quête du supérieur provincial
et alla lui exposer son désir.
Cette intimité avec Dieu vécue dans la simplicité
du quotidien me frappe profondément. Peut-être parce qu'elle
rejoint mon propre penchant pour la prière simple, jaillissant
de la vie et donc propre à chacun et qui est en quelque sorte
une vie d'intimité amoureuse avec quelqu'un qu'on ne voit pas,
qui souvent paraît absent mais auquel on fait une totale confiance.
Si T.Radcliffe a un tel rayonnement, il le doit sans doute à
cette intimité avec Dieu, mais aussi à sa qualité
de relation avec les autres et particulièrement avec ses frères.
Il aime la vie pauvre et simple, il n'a aucun goût pour le pouvoir,
il s'en méfie même tant pour ses frères que pour
lui-même. Il est joyeux, direct, chaleureux, plein d'humour, respectueux
de la pensée des autres dont il favorise l'expression et qu'il
écoute avec une grande et bienveillante attention. Même
au sommet de la hiérarchie de son ordre, il ne se prend jamais
au sérieux et garde son sourire malicieux d'enfant.
Ses homélies, ses prises de parole comme ses lettres à
son ordre ne font jamais appel à la "langue de bois"
mais osent appeler un chat un chat, osent traiter de sujets tabous dont
lui-même n'a jamais entendu parler en communauté. Il a
le secret des comparaisons originales, inattendues qui excitent la curiosité
du lecteur ou de l'auditeur.
Faut-il évoquer pour me faire comprendre deux de ses écrits.
"Jurassik Park et la dernière Cène" conférence
au cours de laquelle il met en parallèle le film célèbre
sur les dinosaures et l'institution de l'Eucharistie, ou encore "l'ours
et la moniale" conférence aux Supérieurs Majeurs
de France au sujet de laquelle, attendant le bus, son regard est attiré
par une affiche représentant un ours en colère. Cette
affiche va lui inspirer toute sa conférence qui d'un bout à
l'autre comparera l'animal en colère et la religieuse. Avouez
qu'il fallait y penser.
Dans le livre de T. Radcliffe éclate son amour pour Dieu et pour
ses frères, mais aussi son attachement à l'Eglise. Je
ne peux tout dire car je serais trop longue mais ce qui certainement
m'a le plus frappée, ce qui alimente ma réflexion et m'aide
à vivre les moments difficiles, c'est l'importance qu'il accorde
à l'amour fraternel, à l'amitié partagée
envers ses frères dominicains d'abord mais aussi envers les plus
pauvres, les plus marginaux. Pour lui, il n'y a pas d'exclus. Quel que
soit leur passé, il va à leur rencontre, il accepte leurs
invitations, il les écoute longuement, essayant de comprendre
leur cheminement. Et ce n'est que lorsqu'il a conquis leur affection
qu'il peut essayer de dialoguer sur Dieu.
Avant de terminer, je voudrais citer un de ses propos qui me semble-t-il,
devrait nous donner à penser et peut-être à créer
: Il n'est pas douteux que l'une des façons de témoigner
de ce que c'est qu'être un homme est de se réunir en petites
communautés locales pour revivre l'histoire de la dernière
Cène, avec son mystère de liberté et de pardon....
Dans ces communautés, nous devrions être nourris de la
certitude que le bien que nous recherchons n'est pas notre satisfaction
personnelle mais le bien commun. Mais ces communautés ne devraient
pas être des petits groupes repliés sur eux-mêmes,
des bandes de copains... Non ! Il nous faut entretenir le sens d'une
appartenance plus vaste, goûter notre communion avec tous les
hommes, les saints et les pécheurs, les vivants et les morts".
(p.164)
Je vous souhaite à tous de vous procurer ce livre et d'en faire
votre livre de chevet.*
Soeur Marie Joseph
* Timothy RADCLIFFE "Je vous appelle mes amis" La Croix -
Cerf
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