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Septembre 2001 : il y eu d'abord la surprise. Puis, cette fascination
affreuse pour le cataclysme dont on n'est pas la victime, mais dont
on devine vaguement que l'onde de choc viendra toucher on ne sait trop
comment notre existence : nos pensées nous traversent parfois
sans qu'on les maîtrise. L'horreur n'est venue que plus tard.
Puis le doute, l'interrogation. A l'heure de la mondialisation et des
satellites où toute distance, où toute frontière
semble abolie, éclate une guerre de civilisations. Des armes
de science-fiction, des combattants du Moyen-Age, des haines vieilles
de près de 1000 ans, des "Croisés" américains,
des prophètes à cartes de crédit... Deux mondes
s'affrontent, hors du temps, et leurs langages se téléscopent.
Oui,
quelque chose a changé. Même si je connaissais ses débordements
fanatiques, l'Islam avait, près de moi, le visage souriant
de ce vieil épicier marocain qui accroche des guirlandes et
des boules de Noël dans sa boutique. Celui de Khédidja,
qui travaille avec nous et se désole pour l'Algérie.
Celui d' Aziz, supporter malheureux du Paris-Saint-Germain... J 'ai
réfléchi. Tous trois sont musulmans et font le Ramadan.
Mais ils le font par tradition, par respect de leur culture et parce
que c'est l'usage: nous en avons souvent parlé. Peut-être
un jour reviendront-ils à une foi plus profonde.
Or,
si un chrétien retourne à sa pratique et se rapproche
de l'Evangile, il trouvera des paroles de paix. Mais si un musulman
retourne au Coran, que trouvera-t-il ? Mohammed est un guerrier. II
prêche un Islam conquérant, impérieux, dominateur,
dont l'une des exigences est la Guerre Sainte. Bien sûr, on
y trouve aussi des exhortations à la patience, à la
persuasion, à la fraternité, à l'amour. Mais
il n'y a pas de châtiment assez cruel pour ceux qui ne sont
pas soumis à l'Islam : de nombreuses sourates promettent les
infidèles à tous les supplices. Rien à voir avec
la parole de Jésus : "Allez donc, et de toutes les nations
faites des disciples, les baptisant au nom du Père, du Fils,
et du Saint Esprit " même si, hélas, la recommandation
a parfois tourné au massacre. Car cette violence étrangère
à l'Evangile, le Coran, lui, en prévoie et en justifie
les termes. Quoi qu'on en pense, elle est écrite. Qu'un esprit
scrupuleux vienne s'y conformer... Et sous les traits de feu de la
colère divine, New York se couvre de cendres. Car cette guerre-là
se livre aussi avec des symboles.
Je
ne doute pas que beaucoup de musulmans récusent une telle vision
de l'Islam et cherchent à vivre leur foi avec une conscience
plus occidentale, capable de relire, d'adapter, d'interpréter,
de distancer. Mais comment distancer un texte, qui se veut, à
la lettre, la parole de Dieu ?
Je
ne doute pas que L'Islam ait été un jour une école
de bienveillance, d'ouverture d'esprit, d'audace intellectuelle et
que le Commandeur des Croyants se soit, à l'occasion, montré
plus éclairé que certains de nos Papes. Mais où
sont ces trésors de sagesse, de tolérance, de modération
? L'Islam renaît aujourd'hui de ses modèles les plus
archaïques : ce n'est pas en terre chrétienne qu'on coupe
la main des voleurs, qu'on lapide et qu'on émascule conformément
à la loi.
J'ai
relu le testament de Christian de Chergé, auquel je croyais
sincèrement. Je ne sais plus ce qu'est l'Islam : celui des
Talibans ou celui du grand recteur de la Mosquée de Paris ?
Celui d'Aziz et de Khédidja, ou celui des égorgeurs
de Tibhirine ? Je sais encore moins ce qu'il devrait être...
Que pouvait penser Cuathénoc, le dernier empereur Aztèque,
des bienfaits du Christianisme ? Ce que je vois en revanche, c'est
que l'Islam renaissant, celui qui se lève aujourd'hui, s'arme,
et soumet les peuples impose à ceux qu'il domine, et principalement
aux femmes, des lois sauvages et inhumaines. Je vois aussi que cette
nouvelle ferveur religieuse se trouve savamment orchestrée
par des chefs dont la culture ne se limite pas à quelques versets
du Coran inculqués, à grand renfort de taloches, dans
des madrassat de village.
Cet
Islam-là, à sa source, ne pèche pas par ignorance.
II est le choix d'hommes instruits. Issus de pays riches, qui n'ont
pas de griefs contre l'Occident. Mais tout se passe comme si ces hommes
avaient partagé leur esprit en deux compartiments étanches
: un cerveau moderne, ouvert à la science et aux technologies
du monde occidental, bien qu'étranger à leur philosophie,
et une intelligence venue du fond des âges, hantée par
les imprécations d'un Dieu vengeur et despotique, peuplée
de malédictions, de prophéties, de paraboles et d'anathèmes.
Si seulement l'un et l'autre pouvaient réconcilier leurs langages
et travailler ensembles à une compréhension plus profonde
de l'humanité...
Nous
avons eu, nous aussi, notre lot d'obscurantisme. Du moins notre pensée
chrétienne a-t-elle été un jour capable de s'amender,
d'évoluer, de maîtriser ses angoisses, de dominer ses
conflits, de réduire ses contradictions face aux bouleversements
du monde en marche : de se penser en devenir. Un paradoxe irrecevable
pour beaucoup de religions, et pas seulement pour l'Islam.
Anne TAUVEL
