Pour
tricher en leur faveur, combien de fondés de pouvoir ont-ils
su agir avec intelligence, habileté et audace ? Les textes, du
prophète Amos, de Luc lus au dimanche après le 11 septembre,
énumèrent une panoplie de tricherie : diminuer les mesures,
augmenter le prix, fausser les balances, acheter tout pour une paire
de sandale, vendre jusqu'aux déchets du froment, créer
un réseau d'amis par une série de fausses factures.
L'énumération
des faits divers du temps ancien suscite plutôt une interpellation
qu'un demi-éloge ressenti par tous. On se demande comment les
auteurs de ces textes sacrés auraient parlé de l'habileté
de ces gens qui ont profité de la liberté que leur a
offerte l'hospitalité du monde libre, pour commettre des crimes
abominables qui révoltent toute conscience humaine ? Ils prétendaient
tuer le Satan que sont les autres qui les hébergeaient. Devant
un tel acte barbare, aucun soupçon d'éloge, d'habileté,
de savoir-faire ne serait concevable.
Le mal
a fait des ravages spectaculaires. Il pousse, par ce fait, toute conscience
humaine à chercher le savoir-faire qui dépasse l'habileté
du mal. C'est la motivation que suggère l'Evangile. Grandes
et universelles sont les sympathies et la compassion à l'égard
des victimes par milliers, de la destruction massive et complète
des biens qui s'élèvent à des sommes astronomiques,
susceptibles à déstabiliser l'économie mondiale.
Quelle consolation plus grande que de voir et d'écouter des
réactions en chaîne qui veulent venir à la rescousse
des responsables appelés à gérer les épreuves
qui frappent les habitants de New York ! Plus d'un osent clamer :
nous sommes tous des new-yorkais ! Les réticents revendiquent
plutôt l'identité de citoyen du monde ! On est solidaire
au deuil et aux souffrances des autres.
Tous
veulent contribuer à la dignité et à la retenue
de ce pays qui se fait des amis avec ses malheurs, ses deuils et ses
souffrances. Aucune comparaison n'est possible avec le groupuscule
des gens qui se font des amis avec la haine et la tuerie. Elle est
niée par la communauté humaine.
Il y
a lieu de penser à l'homme qui a déclenché la
réaction de l'amour plus fort que la haine. C'est cet homme
qui a changé en une preuve du plus grand amour, l'instrument
de l'horreur, le supplice qui crucifie et écartèle la
victime en provoquant sa mort lente et atroce.
C'est
lui qui a l'autorité pour rappeler : " Vous ne pouvez
pas servir à la fois Dieu et l'Argent. " L'Argent s'écrit
en majuscule comme l'entité démoniaque, alternance de
Dieu. Et les fous de leur dieu justicier ont cru devoir exterminer
le démon que sont ces hommes, ces femmes et ces tours, emblème
de la puissance de l'argent. Remettre l'argent à sa place comme
outil de relation humaine qui véhicule la notion de liberté,
de libre échange entre les hommes est le meilleur moyen d'enrayer
la haine et l'injustice causées par l'insolent écart
entre les riches et les pauvres. C'est aussi l'excellent hommage à
toutes les victimes du terrorisme
Dans
la parabole du gérant malhonnête, le Christ appelle à
être, dans nos recherches à faire du bien, plus habiles
que les fils des ténèbres. Face à l'incompréhensible,
à l'inacceptable, se tourner vers le message de l'Evangile
est le meilleur moyen de trouver le savoir-faire, l'habileté
attendue. Ne sont-elles pas une forme de prière, les propositions,
les suggestions venues de toute part, des différentes confessions
religieuses, de tout clivage politique pour vaincre le mal, et vivre
dans la meilleure compréhension et la non-violence ?
On peut
trouver cette évocation dans la lettre de Paul à son
disciple Timothée. " J'insiste qu'on fasse des prières...
" Ainsi qu'il ressort nettement de ce que dit Paul : Prier, c'est
reconnaître l'impossibilité d'agir soi-même sur
les événements qui nous dépassent en nous surprenant.
Comment éviter l'amalgame, les suspicions généralisées,
ne pas céder à la fureur de la vengeance justifiée,
éliminer le mal sans toucher à la vie des innocents
?
"
Si, comme il semble probable, cette tragédie est le résultat
d'actes de terrorisme, alors, nous prions aussi pour eux dont la haine
est devenue si grande qu'ils sont disposés à commettre
des crimes contre notre commune humanité. Puissent-ils comprendre,
enfin, qu'une telle violence ne rétablit pas la justice, mais
crée une injustice plus grande encore. " Déclaration
de la Conférence des Evêques Catholiques des USA.
Denis LUONG.
(Homélie du 16 septembre 2001)