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   Mettons tout sur la table  
     
   Germinal n° 124  
   
     La foi est un dialogue. Mgr Pierre Claverie, évêque d'Oran, l'a magnifiquement écrit il y a quelques années et l'a aussi payé de sa vie. Les islamistes, qu'il contrariait sérieusement en affirmant cela, ne lui ont pas pardonné ; pas plus qu'aux moines de Tibérine, qui en étaient un témoignage trop voyant. Les attentats du 11 septembre dernier et ce que l'on a découvert depuis en Afghanistan, confirment une fois de plus, que le dialogue avec l'islam, si tant est qu'il puisse être établi, ne va pas de soi.

     Même si l'arbre ne doit pas cacher la forêt, comment pouvons-nous faire la part des choses entre islam et islamisme ? Qui peut nous dire où passe la frontière entre l'un et l'autre ? Dans quel pays à majorité musulmane existe cet islam, qu'on nous dépeint à longueur de journée, comme synonyme de tolérance et de modération ? Au Maroc, au Kazakhstan, où Jean-Paul II a été accueilli en ami ? Peut-être. Mais en dehors de ces deux cas, qui paraissent constituer une exception, force est de constater que l'attitude, qui domine ailleurs, est tout autre : c'est précisément l'abus de position dominante. Nombre de nos frères en Christ, vivant dans ces pays, sont humiliés quotidiennement et persécutés pour leur foi. Et ceci d'une manière massive, comme l'a bien montré un rapport de l'ACAT au printemps dernier.

Les chrétiens pourchassés

     Au Pakistan, que l'actualité a mis tragiquement en lumière récemment à la suite d'un mitraillage dans une église, où onze d'entre eux ont été tués, les chrétiens sont en permanence victimes de lois d'Etat iniques. Notamment celle sur le blasphème, qui stipule que toute personne, qui aura injurié le Coran et son prophète, encourt la peine de mort. Il suffit que l'un de ses voisins le dénonce de manière arbitraire, pour qu'un chrétien soit immédiatement arrêté et condamné à la peine capitale. Ils sont des dizaines à subir ce sort chaque année et leurs évêques se battent en permanence contre cette injustice, au point d'y laisser eux-mêmes leur vie ; ainsi Mgr John Joseph, conduit en mai 1998 à se donner la mort, pour protester contre l'injustice faite à l'un de ses fidèles, qu'il avait défendu jusqu'au bout.

     Au Soudan, où les églises sont rasées et les chrétiens déplacés de force, Mgr Zubeir Wako, archevêque de Khartoum, a lancé ce cri désespéré : " Nous les chrétiens du Soudan, pensons que nous avons été oubliés du monde ".

     Au Nigéria, pays le plus peuplé d'Afrique où ils représentent 45% de la population, les chrétiens subissent des brimades quotidiennes depuis 1999, à cause de l'application de la loi islamique décrétée par plusieurs Etats du nord. Certains d'entre eux ont été violemment attaqués et leurs églises détruites, notamment en février 2000, dans l'Etat de Kanuda, par des musulmans qui voulaient leur imposer la charia.

     800 000 chrétiens travaillent en Arabie Saoudite et ne peuvent afficher leur foi. Ils savent parfaitement que le simple fait de prier, même chez soi, peut déclencher les foudres de la police religieuse wahhabite et qu'ils n'auront jamais droit à un lieu de culte dans ce pays.

     En Egypte, des islamistes au nombre d'une centaine, arrêtés en janvier 2000 pour avoir assassiné 20 membres de la communauté copte, ont été acquittés après une parodie de procès.

     En Iran, ceux qui se convertissent au christianisme sont arrêtés et jugés ; leurs enfants leur sont retirés et placés de force dans un centre de rééducation islamique.

     En Indonésie, sur l'Ile de Timor ou sur l'archipel des Moluques, 10 000 chrétiens ont été tués depuis deux ans par des milices islamistes menant " la guerre sainte ", avec la bienveillance de l'armée indonésienne. Mgr Benjamin de Jésus, nonce apostolique, a été assassiné le 4 février 1997 sur l'Ile de Jolo, rendue célèbre depuis pour ses enlèvements d'occidentaux.

     Et cette liste, déjà longue, est loin d'être exhaustive. Elle confirme, malgré tout ce qu'on peut dire sur le sujet, qu'islam et christianisme ne font pas bon ménage, et que cela tourne systématiquement à la brimade et à la persécution des chrétiens, lorsque ces derniers sont minoritaires.

     Ceci ne doit pas être oublié dans notre désir de dialogue avec les musulmans. En France, où la situation est inversée, les musulmans bénéficient même de droits supérieurs à ceux qui leur sont accordés dans leurs pays d'origine, sans parler du sort réservé aux chrétiens dans ces mêmes pays. En arrivant dans notre pays, les musulmans y ont trouvé la démocratie et des libertés fondamentales, comme par exemple celle de choisir et pratiquer sa religion, qu'ils apprécient visiblement. Ils ont aussi compris tous les avantages qu'ils peuvent tirer de la laïcité à la française, au point même de revendiquer haut et fort des aménagements, qui leur sont propres, comme le port du foulard islamique dans certaines écoles publiques, alors qu'il est par exemple interdit en Turquie.

Pour un dialogue sincère

     Il est normal, lorsqu'on doit vivre ensemble dans un même pays, de chercher à se parler et d'essayer de voir si on peut faire route commune pour promouvoir l'homme, lorsque l'on croit tous au Dieu unique. Mgr Claverie avait raison, le pluralisme est un défi majeur de notre temps.

     Mais si dialogue il y a avec nos frères musulmans, il doit être honnête. On ne doit pas se contenter d'aborder les sujets qui ne " mangent pas de pain " et en rester à des consensus mous du genre " tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil ".

     Si l'on veut réellement progresser dans la fraternité, il faut tout mettre sur la table et parler aussi des sujets qui fâchent. Il ne suffit pas, vis à vis des cas évoqués ci-dessus, de se voir répondre qu'il y a plusieurs formes d'islam dans lesquelles on ne se reconnaît pas, et d'entendre désapprouver du bout des lèvres les exactions révélées au grand jour. Cela revient à botter en touche et c'est trop facile. Il faut que nos interlocuteurs, en général très soucieux de leur dignité dans notre pays, acceptent de défendre ouvertement le principe de réciprocité pour nos frères brimés et persécutés dans les pays musulmans. Nous sommes une seule et même Eglise de par le monde et ce que l'on fait à nos frères au Pakistan, en Indonésie ou en Arabie Saoudite, nous atteint dans notre propre chair. Nous avons ce devoir de solidarité vis à vis de nos frères humiliés, qui ont le courage de rester debout pour témoigner de l'amour de Jésus-Christ dans un tel environnement.

     Verrons-nous un jour, un responsable musulman très en vue en France, comme le recteur de la mosquée de Paris ou le mufti de Marseille, demander officiellement au nom de l'égalité de traitement, que les chrétiens puissent, par exemple, disposer d'un lieu de culte décent en Arabie Saoudite, pays qui joue un rôle important dans la construction des mosquées en France ?

     Un prêtre pakistanais, interviewé dernièrement à la suite du mitraillage dont j'ai parlé ci-dessus, nous disait, dans un journal télévisé, qu'il demandait à ses fidèles, de prier au cours des messes, pour leurs frères musulmans. Il nous avouait aussi par la même occasion, qu'il aimerait bien de son côté, entendre un jour des musulmans de son pays dire clairement que les chrétiens sont leurs frères. Aux dernières nouvelles, il attend toujours.

Daniel Désormière

 
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