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" Notre Communauté - notre paroisse,
mais, plus largement, la communauté chrétienne - va-t-elle
VIVRE ou SURVIVRE " ?
C'est à répondre à
cette question que nous a incités Luc PAREYDT, lors de notre
week-end de rentrée.
En lisant le texte " parlé
" de sa conférence que vous trouverez en pages couleurs
ci-dessous, vous réagirez à cette interrogation, puis,
vous ne manquerez pas de communiquer le fruit de votre réflexion
à GERMINAL.
Les attentats terroristes du 11 septembre
2001 aux U.S.A. sont aussi pour nous source d'interrogation. C'est
le thème de ce numéro.
Beaucoup ont dit que rien ne serait
plus comme avant.
Certes, c'est vrai pour les familles
des victimes, pour qui se pose d'une façon cruciale la question
: VIVRE ou SURVIVRE quand l'on a perdu un mari, une épouse,
une mère, un père, un enfant, un ami.
Certes, c'est vrai, les américains
ont pris conscience que leur pays n'était pas un sanctuaire
inviolable, qu'ils pouvaient être menacés et atteints
gravement chez eux.
Mais cela suffit-il pour que notre
monde ne tourne plus comme avant et que ces événements
tragiques marquent un réel changement de cap dans la politique
des grandes puissances, leur hégémonie et la prévalence
de leurs seuls intérêts économiques ?
Cela suffit-il pour provoquer chez
nous aussi une prise de conscience assez profonde pour changer quelque
chose dans notre façon de lire les événements
du monde et avoir le désir profond de travailler, là
où nous sommes et, à notre mesure, de tenter d'en
modifier le cours.
Très modestement, ces attentats
ont déjà changé quelque chose puisque plusieurs
articles de ce numéro de Germinal émanent de personnes
qui n'écrivent pas habituellement dans cette revue. Ils se
sont assis pour réfléchir, prier et écrire.
(Nos frères de l'Eglise réformée de Robinson
organisent autour de Monsieur Paul Ricoeur, le samedi 15 décembre
à 14 heures, 36, rue Jean Longuet, un temps de réflexion
et prière à propos de ces événements
et de leur suite).
La réflexion s'est souvent
orientée sur la nature de l'islam, en particulier sur le
fait de savoir si cette religion et son livre sacré, le CORAN,
n'avaient pas partie liée à la violence, à
la guerre sainte et sur la pertinence d'une distinction entre islam
et islamisme. Des interrogations se sont fait jour sur l'aptitude
de l'islam à accepter la modernité ou, plus précisément,
à avoir une lecture non fondamentaliste de son livre saint.
L'un des rédacteurs rappelle,
à juste titre, combien, dans l'Eglise catholique, une lecture
fondamentaliste de l'Ecriture a été imposée
jusqu'au début du 20ème siècle. Quant à
la violence, l'histoire de la conquête du Nouveau Monde à
la fin du 15ème et au début du 16ème siècle,
nous rappelle que les chrétiens n'ont pas toujours su y échapper
et qu'elle a parfois été justifiée au nom même
d'une conception du salut.
On rappelle que notre livre saint,
la Bible, n'est pas exempt de violence. Et n'essayons pas de nous
en tirer à bon compte en opposant un peu facilement le Dieu
de l'Ancien Testament au Dieu de Jésus-Christ.
Il semble aussi, à lire certaines
des contributions de ce numéro, que, malgré le souhait
de poursuivre le dialogue avec les musulmans, les événements
du 11 septembre dernier aient quelque peu refroidi les ardeurs du
dialogue interreligieux ou que l'on veuille parvenir à plus
d'exigence (moins de naïveté ?) et à plus de
questionnement dans nos rencontres.
Bruno FRAPPAT, dans un éditorial
du journal LA CROIX du jeudi 13 septembre, avait très justement
écrit sous le titre " Reconstruire " : " Il
faut aussi que l'islam vers lequel tous les regards et toutes les
pensées convergent en ces heures sombres, nous disent si,
en quoi que se soit, il se rêve un avenir hégémonique,
offensif, combattant. Ou si, comme on incline à le croire,
l'islamisme est sa caricature, son ennemi absolu, son faux-frère
infernal. Le monde entier a le droit de savoir si l'hypothèque
que ferait peser sur l'humanité une religion totalitaire
est un fantasme occidental ou un projet… "
Pour ma part, je ne partage pas l'idée
soutenue par JACQUES ROLLET, présentant un de ses livres
dans une récente émission sur France-Culture, qui
soutenait que, pour lui, l'islam, par sa conception même de
la révélation, était voué à rejeter
la modernité, les droits de l'homme et que les vrais musulmans
étaient les talibans.
S'il n'existe pas un Islam, mais des
islams parlant de voix différentes et même divergentes,
s'il n'existe pas en islam d'autorité d'interprétation,
il est honnête de rappeler la déclaration de la plus
haute instance de l'islam sunnite (Ben Laden et les talibans sont
sunnites), le Cheikh Mohamed Sayed Tantaoui, l'imam de' l'université
Al-Azhar au Caire, cité par La croix du 13 septembre 2001
: " Al-Azhar est opposé au terrorisme, quels que soient
sa source et le lieu où il est pratiqué… Tuer des
hommes, des femmes et des enfants innocents est un acte horrible
et hideux qu'aucune religion monothéiste n'approuve et qui
est rejeté par tout être humain sain ".
Dans le même sens, Soheib BENCHEIKH,
Mufti de Marseille a déclaré dans un interview, au
Monde, le 20 novembre 2001 : " Prenons l'exemple des talibans,
ils n'appliquent pas le Coran ou plutôt s'ils en appliquent
quelques bribes, c'est toujours à travers l'interprétation
la plus archaïque et la plus anachronique. Ils appliquent un
droit musulman qui est le fruit d'une œuvre humaine et non divine
comme ils le prétendent, élaboré du IXème
au XIIème siècle, qui ensuite a été
sacralisé. Et ils osent appeler cela " Charia "
! La " charia " est un mot mystique, c'est la voie qui
mène à Dieu ". Il précise un peu plus
loin qu'il faut dénoncer le wahhabisme avec force.
Comme l'écrit très justement
l'un des rédacteurs de ce numéro, ces événements
et cette crise sont encore l'occasion de nous interroger sur l'image
que nous avons de Dieu.
Dimanche dernier, dernier dimanche
de l'année liturgique, nous célébrions le Christ
Roi de l'univers, et l'évangéliste Luc nous présentait
Jésus sur la Croix entouré des deux larrons. Notre
roi est un Messie crucifié. Saint Paul n'a rien voulu savoir
et annoncer d'autre.
Le mystère de Noël vers
lequel nous allons en ce mois de décembre, nous rappelle,
toujours dans l'évangile de Luc, que le signe du salut que
Dieu donne aux bergers, c'est un enfant couché dans une crêche.
Un Dieu qui se fait proche, l'un d'entre nous.
Faiblesse de Dieu, humilité
de Dieu, Messie Crucifié… est-ce bien à ce Dieu là
que nous croyons, nous chrétiens… un Dieu qui se révèle
à travers le frère, le plus faible, le plus pauvre,
le plus démuni. " Ce que vous avez fait au plus petit
d'entre mes frères, c'est à moi que vous l'avez fait
".
Alors, dans le petit quotidien de
nos existences ordinaires, essayons de vivre, quoi qu'il en coûte,
cette fraternité universelle, seul chemin vers une paix durable.
Bon Avent et Bon Noël 2001 !
Philippe GUIBARD, curé
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