Je me
suis demandé ce qui a changé en moi depuis le 11 septembre.
A la
fois un grand optimisme et un grand pessimisme.
- optimisme devant la prise de conscience rendue désormais
inéluctable de l'urgence d'un changement radical dans notre
monde et, plus précisément, dans notre façon de vivre.
- pessimisme devant la puissance des forces de résistance et devant l'aveuglement
soigneusement entretenu.
Il est
temps de nous laisser déranger. Et d'abord, demandons-nous quelles
sont ces " valeurs " que nous prétendons défendre aux yeux du monde.
Je n'oublie pas toutes celles qui figurent dans les Droits de l'Homme
et dont nous avons à être fiers à juste titre. Mais quelles sont celles
qui, quotidiennement dirigent notre conduite ; l'argent, la force,
la réussite, l'émulation à tout crin (quand ce n'est pas le " pousse-toi
de là que je m'y mette "), le confort (au risque de détruire
la planète), la sécurité à tous prix, la certitude indiscutable que
notre manière de vivre et notre culture sont les meilleures du monde
pour tous.
Et nous
nous prétendons comme la civilisation chrétienne ! Mais avons-nous
vraiment lu l'Evangile ? Partage, accueil de l'autre avec ses différences,
joie du risque (tout lâcher, pour tout trouver), soif de réparer l'injustice,
de soulager, de guérir le plus fragile, de répandre la paix, de s'alléger
de tout ce qui nous encombre, fidélité quel qu'en soit le prix, confiance
au milieu des angoisses, la clarté d'un cœur sans combines, la libération
qu'apporte le pardon… Tout cela c'est la recette du bonheur pour l'humanité
que nous a donnée Jésus dans les Béatitudes.
" Œil
pour œil ! Dent pour dent ! "… il n'y avait pas besoin que Dieu s'incarne
parmi nous pour trouver ça ! Mais Jésus, lui, nous apporte quelque
chose de formidable, d'inouï : " si on te giffle sur la joue droite,
tends la gauche ". cela ne veut pas nous dire : accroupis-toi et attends
l'autre claque, non ! Jésus nous dit : " redresse-toi, offre tout
ton visage et regarde bien en face celui qui est là devant toi pour
essayer de comprendre ce qu'il attend et peut-être entamer le dialogue
". C'est le chemin difficile, déroutant à proprement parler, certains
hommes nous ont prouvé qu'il n'était pas impossible : Gandhi, Nelson
Mandela ont libéré ainsi leur pays de la violence.
Quel
chemin décidons-nous de choisir ? Si nous n'avons pas le courage de
réaffirmer ces valeurs chrétiennes, nous trahissons l'Evangile encore
une fois. Et nous n'avons aucun droit à vanter notre civilisation.
Voilà
ce que me font vivre très intensément ces " événements ". Nous sommes
en pleine confusion, sur-information donc dé-sinformation qui
noie nos possibilités de jugement et de recul. Comment nos enfants
s'y retrouveraient-ils ?
Il y
a urgence à clarifier nos " valeurs ", à changer nos mentalités. Réaffirmer
que les Béatitudes sont le plus beau chemin de vie (comme le disait
Théodore Monod), le plus héroïque sans doute, si nous (et l'Eglise)
savions le transmettre aux jeunes. Quel enthousiasme cela susciterait
chez eux !
Solange Le Chevalier
