La conférence des évêques
a jugé inacceptable l'affiche du film " Amen ", qui
défraie la chronique ces temps-ci. L'Eglise de France estime
en effet que cette affiche " crée une identification intolérable
du symbole de la foi chrétienne avec celui de la barbarie nazie
", et voit dans ce graphisme " une provocation qui doit
être dénoncée par tous ceux qui sont attachés
à la dignité humaine et au respect des croyances ".
Mais comme il est interdit d'interdire, et que les chrétiens
sont censés pouvoir tout gober, nos autorités civiles
trouvent toujours une bonne raison de s'asseoir allègrement
sur ce que peut bien penser et déclarer l'épiscopat
français en pareil cas. Quant à l'auteur de l'affiche,
ancien concepteur des campagnes publicitaires à scandale d'une
marque de vêtements italienne, il s'en frotte ouvertement les
mains. Il a réussi à créer l'impact publicitaire
recherché, peu importent les moyens.
Beaucoup a déjà été
écrit sur ce qu'a dit ou n'a pas dit Pie XII pendant la guerre
à propos de l'Holocauste ; on ergotera encore probablement
longtemps sur l'attitude de l'Eglise pendant la guerre, car c'est
un thème porteur. Que les autres chefs d'Etat alliés
aient été aussi à l'époque d'une discrétion
remarquable sur le sujet n'intéresse apparemment personne aujourd'hui
; pas de quoi faire un score au box-office.
Pour ce qui me concerne, je m'en tiens
à la déclaration de Golda Meir devant l'ONU en octobre
1958 : " Pendant les dix années de la terreur nazie, quand
notre peuple a souffert un martyre effroyable, la voix du pape s'est
élevée pour condamner les bourreaux et pour exprimer
sa compassion envers les victimes ". Je note aussi que le Vatican
a sauvé plus de juifs que les Etats-Unis, qui n'en accueillirent
que 22 000 en trois ans et demi de guerre.
Nos évêques ont eu raison de
dénoncer cette nouvelle provocation. En conséquence,
je n'irai pas voir le film annoncé avec une telle affiche,
tout comme je m'abstiens déjà depuis un moment d'acheter
les vêtements de la marque italienne, qui utilise le même
publicitaire. Et je mettrai aussi dans mon aumônière
de Carême, l'équivalent d'une place de cinéma,
en plus de mon offrande habituelle, pour signifier que mon geste est
un acte de boycott ; à la manière d'un Luther King,
qui a su si bien manier cette forme de protestation silencieuse pour
défendre la dignité des gens de couleur.
Non, trêve d'hypocrisie, la Croix
de Bois du Christ n'a rien à voir avec la Croix de Fer des
barbares nazis !
P.B.
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