" Quand je pense à l'Eglise,
je la voudrais telle qu'elle n'est pas : attirante, engageante, percutante,
militante, sans doute aussi variée et universelle, secrète
et évidente, riche et nourricière, pauvre et véridique,
surprenante et solide. Bref, j'aimerais, mon Dieu, que ton Eglise,
qui est notre Eglise, m'offre tout ce que je ne lui donne pas.
Tu la connais aussi bien et mieux que
moi cette Eglise qui fume souvent à peine comme une bougie
épuisée. Tu la connais trop petite pour ta grandeur
et trop grande aussi pour notre petitesse, une Eglise mal aimée
et du coup mal aimante, une Eglise dont la fidélité
devient répétitive et l'infidélité habituelle,
une Eglise qui se paie de mots et qui contribue à enténébrer
la vie de bons sentiments inutiles et d'accusations décourageantes.
Alors, mon Dieu, fais que je cesse
de blâmer l'Eglise, pour me dispenser moi-même d'y travailler.
Fais que je cesse de lorgner ses déficiences, par le trou de
sa serrure, pour me protéger moi-même de franchir sa
porte. Fais que je quitte le banc des spectateurs et des moqueurs
pour m'asseoir au banc des acteurs et des célébrants.
Car ainsi seulement je m'arrêterai de regarder ton Eglise, qui
est notre Eglise pour y vivre avec les autres.
Tu la convoques et tu la rassembles
de jour en jour, comme sans cesse le berger rattrape la brebis, qui
boite et qui s'attarde, comme sans cesse la raccommodeuse rattrape
la maille, qui file et qui déchire. Ton fils est la tête
d'un corps aux membres disjoints. Il est le premier né d'une
famille d'enfants séparés ? Il est la pierre angulaire
d'une maison inachevée.
Mais c'est bien à l'Eglise que tu
tiens et non pas seulement aux individus, qui se préfèrent
chacun eux-mêmes. Car c'est bien à l'humanité
entière que tu tiens et non pas seulement aux membres d'un
club. Ton Eglise est ainsi le signe visible de ton dessein total.
J'hésite à l'appeler
ma mère, car elle ne m'a pas engendrée, mais je l'ai
rencontrée. J'hésite à l'appeler ma sœur, car
nous ne sommes pas liés par l'obscurité du sang, mais
par la liberté de l'esprit. Mais je veux bien l'appeler ma
famille, car je lui suis attaché pour le pire et pour le meilleur.
C'est ma nouvelle famille, dont tu es l'initiateur, ton fils le libérateur
et ton esprit le rassembleur. Amen. "
Texte tiré de " Cent prières possibles ",
Pasteur André DUMAS Espaces libres - Editions Albin Michel
(2000)